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vérités définies, se trouvait être défavorable aux doctrines soutenues avec tant d'ardeur par le prélat, on peut être assuré d'avance qu'il se réjouirait de sa défaite, parce que, à l'exemple de Fénelon, il y verrait l'avancement de la doctrine de la foi dont l'Église conquiert de siècle en siècle les développements, au moyen de ce progrès dont parle si éloquemment saint Vincent de Lérins, et qui consiste dans la succession jamais interrompue des définitions doctrinales.

Aucun théologien n'ignore que toute définition doctrinale a pour fondement la croyance ou la pratique antérieure de l'Église, soit qu'il s'agisse d'un dogme qui a été professé explicitement dès le premier jour, comme la divinité du Verbe que le concile de Nicée n'avait pas à faire passer de l'état de croyance plus ou moins libre à celui de vérité désormais obligatoire, mais à proclamer avec un accord et une solennité qui devaient affermir le peuple fidèle dans sa foi, et briser l'audace d'Arius et de ses sectateurs; soit qu'il s'agisse d'une vérité révélée, longtemps crue implicitement dans une ou plusieurs autres qui la contiennent, et desquelles elle se dégage de siècle en siècle par l'action de l'Esprit-Saint qui dirige en ce sens l'enseignement des pasteurs, la pensée laborieuse des docteurs et l'instinct du peuple fidèle.

Tant que le jugement n'est pas prononcé, il n'y a pas lieu de s'étonner de voir des docteurs isolés s'attacher de bonne foi à soutenir une thèse qui plus tard sera condamnée. Ainsi l'a-t-on vu à propos de l'immaculée Conception, vérité contestée durant plusieurs siècles par une école digne de respect, jusqu'à ce qu'enfin la maturité

de la question rendit nécessaire cette définition qui fut reçue aux exclamations de l'Église.

Mgr l'Évêque de Sura soutient avec une grande conviction les principes à la défense desquels il a consacré ses deux volumes. Il enseigne dans cet ouvrage que l'infaillibilité dans l'enseignement de la foi n'est pas un privilége personnel dans le Pontife romain; que le Pontife romain n'est pas supérieur au Concile œcuménique; enfin, qu'il n'est pas personnellement la source de la juridiction ecclésiastique. Ses théories l'entraînent à'rechercher la nature véritable de la constitution de l'Église, qu'il pense n'être pas suffisamment connue et appréciée, et dont le complément, selon le prélat, est dans la convocation et la tenue périodique des conciles œcuméniques.

Il faudrait un livre d'une dimension quadruple de celui de Mgr de Sura, pour élucider toutes les questions de fait qu'on y trouve rassemblées. Heureusement ce travail est inutile; dès longtemps il a été répondu péremptoirement à toutes les difficultés historiques à l'aide desquelles le gallicanisme essaya trop longtemps d'imposer à l'Église une autre constitution que celle qu'elle a reçue de Jésus-Christ. Usant de la liberté que tout auteur donne à la critique sur un livre qu'il publie, je me permettrai de présenter ici quelques considérations sur les questions posées par Mgr l'évêque de Sura, en soumettant préalablement au lecteur divers préjugés qui me paraissent de nature à infirmer considérablement la portée du livre.

PREMIER PRÉJUGÉ

CONTRE LE LIVRE DE MONSEIGNEUR DE SURA.

L'auteur semble supposer un état de guerre qui n'existe pas.

Mgr de Sura intitule son livre: Du Concile général et de la paix religieuse. La première partie de ce titre complexe frappe d'abord le lecteur. A toute époque on a pu, on pourra écrire sur le Concile général; la matière est assez riche pour être traitée plus d'une fois. La sainteté, la grandeur, l'autorité, les qualités constitutives du Concile général, sont quelque chose d'assez important pour attirer l'attention et l'étude des théologiens, des publicistes et des historiens. L'approche d'un Concile œcuménique fait désirer plus encore, ce semble, qu'un bon et solide traité soit publié sur un sujet de si haute gravité, qui, pour notre génération, n'est plus simplement un souvenir dans l'histoire, mais va devenir le grand fait contemporain. Il n'y a donc pas lieu de s'étonner de voir un évêque consacrer ses veilles et ses labeurs à préparer un ouvrage considérable sur cette matière.

La seconde partie du titre que Mgr de Sura a donné à son livre surprend, il faut en convenir, autant que la première avait charmé. Quelle est, se demande-t-on, cette paix religieuse à laquelle un tel livre est consacré? où sont les guerres qu'il est appelé à prévenir ou à faire cesser? Pour connaître la pensée de l'auteur, on se hâte de pénétrer dans le livre, et tout de suite on se trouve au milieu d'une polémique ardente sur les droits respectifs de la papauté et de l'épiscopat dans le Concile. On

se demande alors si ce livre, publié en l'an de grâce 1869, n'aurait pas été écrit au lendemain du concile de Bâle, ou s'il ne serait pas un produit quelque peu en retard de la réaction que l'assemblée de 1682 réussit à produire chez nous, pour un siècle et demi, en faveur des idées anarchiques de ce pseudo-concile.

La vérité est que les querelles passagères, résultat d'une épreuve que la sagesse divine imposa à la chrétienté au xv° siècle, sont depuis longtemps éteintes et n'appartiennent qu'à l'histoire. Aujourd'hui les saints Anges peuvent dire en parlant de l'Église, comme autrefois dans le Prophète : « Nous venons de parcourir la << terre, et voici que toute la terre est habitée et qu'elle « est en repos (1). » Les évêques de toute l'Église s'apprêtent à se réunir autour de leur chef dans la ville sainte, et rien n'annonce qu'ils arrivent dans l'intention de revendiquer auprès du vicaire de Jésus Christ une prérogative aristocratique sans le concours de laquelle, selon Mgr de Sura, l'autorité apostolique est frappée d'impuissance. Naguère, à l'anniversaire centenaire du martyre de saint Pierre, la chrétienté a ouï retentir la voix de trois cents évêques dans une solennelle adresse au Pontife romain, et elle s'est réjouie aux accents de cette sublime protestation de fidélité et de soumission, qui annonçait que la paix la plus profonde et la plus intime confiance règnent entre le chef et les membres.

Le livre de Mgr l'évêque de Sura est-il fait pour altérer cette sublime concorde? Rien ne porte à le croire. Le

(1) Zachar. I, II.

grand schisme est bien loin. Cette époque si tourmentée qui vit le concile de Constance, tumultueuse assemblée de dix-huit mille membres, où l'on votait par nation, n'a rien de commun avec la nôtre. Alors, en effet, des doctrines antimonarchiques se firent jour; il ne pouvait guère en être autrement: mais l'énergie divine de l'Église devait en triompher, comme elle triomphera toujours de ce qui l'entrave. Sommes-nous donc au lendemain du concile de Bâle, cette autre assemblée qui ne compta jamais jusqu'à vingt évêques, et qui, outrepassant l'esprit et la lettre des décrets de Constance, commit le ridicule et coupable attentat de déposer le pape et d'en créer un nouveau? Nul doute qu'une école de doctrinaires, gens de théorie à perte de vue, ne dût sortir de tous ces mouvements; mais le temps aussi devait en faire justice. La placide succession des Pontifes depuis Martin V enlevait désormais tout prétexte à prolonger des débats que de tristes circonstances avaient amenés, et qui en affaiblissant le respect pour la chaire apostolique, ne furent pas sans influence sur la terrible rupture qui divisa la chrétienté au XVIe siècle.

En France, il est vrai, au xvn° siècle, la volonté de Louis XIV, trop gervilement suivie par l'assemblée de 1682, et secondée par les rivalités des cours de justice avec le clergé, amena chez nous une recrudescence des doctrines malheureuses qu'avait produites l'anarchie momentanée du xv° siècle. Mais les fruits amers de ces théories qui enfantèrent l'Appel au futur Concile, et plus tard la Constitution civile du clergé, les discréditèrent peu à peu, jusqu'à ce qu'enfin une miséricorde divine, obtenue

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