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TROISIÈME PRÉJUGÉ

CONTRE LE LIVRE DE MONSEIGNEUR DE SURA.

L'auteur, dans l'examen théologique des questions, procède d'une manière qui ne saurait conduire à une conclusion súre.

C'est un principe fondamental de la théologie, que toutes les verités révélées ont été confiées à l'Église au commencement; que les unes ont été proposées explicitement à la croyance dès l'origine, tandis que les autres, bien que contenues implicitement dans les premières, s'en sont sorties que par le laps du temps, au moyen des définitions expresses rendues par l'Église avec l'assistance du Saint-Esprit, par lequel elle est infaillible.

Il suit de là que dans l'étude de la théologie positive, qui est la base de la théologie scholastique, en parcourant les monuments de l'antiquité ecclésiastique, on ne doit pas s'étonner de rencontrer ehez les anciens des sentiments plus ou moins opposés à des points de doctrine qui plus tard ont été l'objet d'une définition. C'est ainsi que l'on trouve dans les écrits d'un grand nombre de Pères, certaines assertions encore libres de leur temps, et qui depuis ont cessé de l'être. L'autorité de ces saints docteurs n'en est en rien diminuée sur les autres points de leur enseignement, parce que l'erreur dans laquelle ils seraient tombés n'étant que matérielle, ne saurait préjudicier à leur orthodoxie formelle. Dans l'étude des dogmes, conduite à travers l'antiquité ecclésia tique, il est donc nécessaire de se

préoccuper de l'époque à laquelle l'Église a senti le besoin de fixer la doctrine sur tel ou tel point. Jusque-là le langage a pu être plus ou moins flottant, soit que les docteurs aient négligé de préciser une question sur laquelle personne ne discutait, soit qu'ils aient soutenu innocemment un sentiment qui, par suite d'une décision postérieure, est devenu hétérodoxe. En même temps, on rencontre dans l'antiquité des témoignages exprès qui sont en faveur de la définition future, et qui, lorsqu'il en sera temps, seront réunis et formeront chaîne, en sorte que la vérité solennellement déclarée s'appuiera à la fois sur le sens intime de l'Église toujours dirigé par le Saint-Esprit, et sur des textes de la tradition énoncés longtemps avant que la définition fût arrivée à sa maturité.

Sur les droits du Pontife romain que l'on trouve en exercice dès l'origine de l'Église, ni les Papes ni les Conciles n'avaient songé à rien définir expressément, jusqu'à ce que le schisme des Grecs, qui fut consommé seulement au xìo siècle, et qui s'appuyait sur la négation des droits donnés à saint Pierre et à ses successeurs par Jésus-Christ, eût rendu nécessaire de préciser la foi de l'Église sur un point aussi important. Le deuxième concile de Lyon et le concile de Florence, dans leurs définitions expresses, formulèrent la doctrine catholique sur la monarchie pontificale, et Dieu voulut que, dans ces deux occasions, l'Église grecque et l'Église latine se trouvassent réunies pour dresser cette commune profession de foi. Celui-là donc qui veut avoir la doctrine de l'Église clairement définie

sur les droits de la papauté, n'a qu'à étudier les décisions de ces deux Conciles œcuméniques, et dans cette occasion comme en toute autre du même genre, interpréter les actes et les écrits des temps antérieurs d'après les jugements définitoires, et non ceux-ci d'après les écrits et les actes qui les ont précédés.

Or, c'est le contraire qu'a fait Mgr l'évêque de Sura. A la suite de Bossuet dans la Défense de la Déclaration, il est allé demander les preuves de son système aux temps qui ont précédé ces deux Conciles, cherchant à donner une portée qu'ils ne pourraient avoir à des faits antérieurs de beaucoup de siècles aux décisions en question. Si du moins il était en mesure de prouver que les controverses sur l'infaillibilité du Pape et sur la supériorité ou l'infériorité du Pape et du Concile à l'égard l'un de l'autre, existaient dès le temps des Conciles généraux tenus en Orient, resterait encore à lui répondre que ces conciles, n'ayant formulé aucun décret sur la prérogative papale, c'est toujours auprès des deux Conciles qui en ont traité ex professo, que l'on doit aller s'enquérir de ce qu'elle est. Mais pas un mot dans toute l'antiquité ne nous révèle que ces thèses inconnues des Pères d'Éphèse, de Chalcédoine, de Constantinople, etc., aient jamais été agitées avant une époque relativement moderne, et seulement encore dans l'Église occidentale. Photius au 1x siècle, et Michel Cérulaire au x1, nièrent tout simplement la primauté du Pontife romain sur les autres évêques, et jamais l'Orient n'entendit de débats sur les questions qui divisent les gallicans d'avec le reste de l'Église.

On peut donc, si l'on veut, opposer cette fin de nonrecevoir aux nombreuses pages à l'aide desquelles Mgr de Sura voudrait nous prouver que le gallicanisme est présent partout dans l'antiquité. Le prélat ne cite pas un fait conciliaire auquel il n'ait été répondu, et il s'abstient d'en relever cent autres qui sont expressément dans le sens des décrets de Lyon et de Florence. Il se débarrasse, comme il peut, des témoignages des saints Pères, dont il ne cite que quelques-uns, tandis qu'il en existe une nuée, et il ne voit pas que par suite des décisions de Lyon et de Florence, ces témoignages revêtent un nouveau caractère de certitude, et viennent se fondre dans la foi explicite de la sainte Église.

La réunion des faits amassés par Mgr de Sura, et montrés par lui dans un jour qui est loin d'être le véritable, pourra faire illusion à ceux de ses lecteurs qui sont étrangers à la science ecclésiastique; les autres ne s'en étonneront pas. Ils savent que sur la plupart des thèses condamnées par l'Église à Trente et depuis, les fauteurs de la doctrine prescrite ont toujours été à même de rassembler un assez fort bagage de textes et de faits anterieurs au jugement définitif, et qu'ils n'y ont pas manqué. Ils en ont fait de gros livres, témoin, par exemple, les Hexaples de la Constitution que les appelants publièrent en six volumes in-quarto (Amsterdam, 1721). L'érudition, certes, n'y manque pas; en revanche, on peut être assuré de n'y pas rencontrer les passages des Pères qui déposent en si grand nombre en faveur de la doctrine que venge la Bulle Unigenitus.

Mgr de Sura, écrivant après les conciles de Lyon et de Florence, aurait donc mieux fait de prendre acte de la doctrine de ces deux Conciles, que de rêver, à propos des grands synodes de l'Orient, des conflits entre le Pape et le Concile, dont ni papes ni conciles ne se doutaient à l'époque. Il a procédé à l'inverse de la vraie méthode théologique, en cherchant à infirmer les décisions formelles par des faits qui les auraient précédées, au lieu d'expliquer ces faits à l'aide des décisions elles-mêmes. Au point de vue catholique, c'est une grave méprise; au simple point de vue historique, c'est une erreur, puisque si l'on voit des conciles confirmer les décrétales des papes, on voit aussi des conciles confirmer des conciles antérieurs. Personne alors n'avait l'idée des controverses mesquines qui devaient s'élever tant de siècles plus tard, et c'est le cas de rappeler la belle parole de saint Augustin: Incauti loquebantur, quia nullus aderat hostis.

QUATRIÈME PRÉJUGÉ

CONTRE LE LIVRE DE MONSEIGNEUR DE SURA.

L'auteur n'a pas tenu compte du seul véritable point
de la question.

La question de l'infaillibilité personnelle du Pape définissant ex cathedra en matière de foi, est avant tout une question pratique. Il ne s'agit que de rechercher dans l'histoire si les Pontifes romains ont rendu de ces sortes de décrets, et comment ces décrets ont été accueillis dans l'Église. Si donc on a vu les papes user

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