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leurs caractères se trouvent le plus saillants, le mieux réunis et le plus complètement en relief: normand, picard, bourguignon.

On a prétendu que cette division était beaucoup trop générale; quant à moi, je n'ai rien trouvé qui pût justifier ce grave reproche. Fallot, ne l'oublions pas, avait l'intention d'écrire une grammaire générale des dialectes français et non pas d'un dialecte particulier; il a donc été obligé de généraliser autant que possible, s'il ne voulait pas accumuler une masse de particularités locales et secondaires, qui auraient fait de son travail' une indigeste composition. Sans doute, le dialecte de chaque province, de chaque canton même, mériterait un traité à part et en fournirait aisément la matière; j'espère que le jour n'est pas éloigné où nous possèderons cette collection aussi intéressante qu'utile. Fallot avait reconnu que les caractères distinctifs du dialecte de telle province se retrouvaient, avec quelques différences secondaires, dans les dialectes de plusieurs autres; il a fait de celui-là une espèce de type auquel il a rapporté les autres. Je me range à sa manière de voir, et j'ajoute avec lui que les limites des trois dialectes picard, normand et bourguignon, ne correspondaient point avec exactitude aux limites politiques des provinces dans lesquelles on les parlait '.

Cela posé, je passe à la classification que je crois pouvoir assigner aux provinces de la langue d'oïl.

Le dialecte normand avait son siége principal dans la Normandie; puis il s'étendait sur la plus grande partie du Maine, et sur la Bretagne jusqu'à une ligne qu'on pourrait tracer de St. Quay à St. Nazaire, laissant à l'ouest Lanvollon, Quintin, Uzel, et passant près de Loudeac, Rohan, Questembert, la Roche-Bernard. Au nord, il suivait le littoral de la mer; mais de ce côté il avait subi l'influence du dialecte picard, auquel „il se mélangeait entièrement dans les environs d'Abbeville. A l'est, ses limites étaient à peu près celles qui séparent la Normandie de l'Ile-de-France: cependant, dans le commencement du XIIIe siècle, il a étendu son influence jusqu'au coeur de cette ,dernière province, et les formes qui lui sont propres se sont introduites jusqu'à la rive droite de l'Oise, et même jusqu'à Paris." (Fallot, Recherches p. 17.)

(1) Il y a des nuances de langage de village à village; mais, semblables à des couleurs qui se confondent, ces nuances ne sont pas tranchées, elles sont à peine sensibles; et l'on passe ainsi sans s'en apercevoir d'un dialecte à l'autre. Voilà ce que j'ai jugé nécessaire de faire remarquer, pour qu'on ne me mécomprit pas sur l'idée que je me fais d'une ligne de démarcation entre les divers dialectes, laquelle, en outre, ne peut s'imaginer sans une foule de sinuosités plus ou moins considérables.

Le dialecte picard étendait ses limites au nord aussi loin que la langue française, c'est-à-dire jusqu'à une ligne partant des environs de Gravelines et descendant vers Aire, puis remontant à Armentières, Courtray, et se dirigeant de là presque directement vers Liège. Malmédy, St. With, Bastogne, Arlon et Longwy formeraient à peu près la frontière de l'est. Il embrassait la partie septentrionale de la Champagne et s'élargissait sur une partie de la Lorraine. Du côté du midi, le langage picard s'étendait environ jusqu'au cours de l'Aisne; il embrassait ainsi, jusqu'aux confins du langage normand, à l'ouest, une vaste „portion de l'Ile-de-France; on peut même dire que sur toute „l'étendue de cette province, jusqu'à la rive septentrionale de la „Seine et de la Marne, il se retrouvait plus ou moins atténué par le mélange des formes bourguignonnes." (Fallot, Recherches p. 18.)

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On ne manquera pas de me reprocher d'avoir encadré dans le dialecte picard le langage des Wallons, descendants des Celtes belges. Je l'ai fait à dessein, parce que, jusque vers Liège, le picard et le wallon avaient et ont encore les mêmes caractères, dans les villes du moins; et c'est là que j'arrête ma ligne de démarcation. Au nord de Liège et dans les campagnes du Limbourg, le wallon prend des formes si singulières, qu'on a peine à le reconnaître pour un patois français.

Le dialecte bourguignon est celui de l'est et du centre de la France. La portion de territoire sur laquelle ce langage était parlé avec le plus de pureté, où ses caractères dominants se rencontrent de beaucoup le plus nombreux et le plus en relief, „se pourrait circonscrire à peu près dans une ligne tirée d'Autun, et y revenant par Nevers, Bourges, Tours, Blois, Orléans, Sens, Auxerre et Dijon. Il embrassait ainsi, dans sa pureté, le Nivernais, une partie du Berry, de la Touraine, de l'Orléa,nais et presque toute la Bourgogne. Cette dernière province „étant la plus considérable de celles dont je viens de parler, j'ai cru convenable de donner son nom au dialecte, qui d'ailleurs "y était peut-être encore un peu plus net que dans aucune des ,autres." (Fallot, Recherches p. 19 et 20.)

A l'est, les limites du dialecte bourguignon seraient à peu près sur une ligne partant des environs de Delémont et descendant vers Biel, Neufchâtel et le cours de l'Orbe. Au nord, il empiétait sur la Lorraine jusqu'aux environs de Nancy, puis à la hauteur de Bar-le-Duc, de Rheims et du cours de la Marne, il se partageait la Champagne avec le picard. Il redescendait

-par Paris vers Chartres, et côtoyait le langage normand, en empiétant, à l'ouest de l'Orléanais, sur la lisière du Maine." (Fallot, Recherches p. 20.) I embrassait une partie de l'Anjou. Au midi, à partir de l'Angoumois, le dialecte bourguignon longeait le Limousin, l'Auvergne, le Lyonnais, comprenait les environs de Mâcon, et, remontant un peu au nord, il atteignait de nouveau le cours de l'Orbe en suivant une ligne à peu près directe au sud de Lons-le-Saulnier.

Les dialectes de la plus grande portion du Poitou, de la Saintonge et de l'Aunis, quoique faisant partie de la langue d'oil, ne peuvent être compris dans aucune des divisions cidessus. Au nord, dans cette partie qui aujourd'hui forme à peu près le département de la Vendée, le poitevin avait une forte teinte normande; au sud, le poitevin, et les dialectes de la Saintonge et de l'Aunis avaient déjà, à cause de leur position géographique, des mots tout à fait romans, et les formes dialectales du gascon et du limousin ont eu la plus grande influence sur celles des provinces qui nous occupent. Le dialecte poitevin affectionnait les combinaisons au et oe.

Résumant ce que je viens de dire, on aura à peu près le

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Le langage normand se distinguait de notre langue française: 1. Il rejetait l'i de la plupart de nos syllabes en ie, ier, ai, -air, et écrivait ces syllabes par un e pur, soit en perdant tout Là fait cet i, comme dans derrere, lesser, plere, soit en le ren,voyant dans une syllabe précédente, comme dans primer. En ,d'autres termes, le langage normand substituait des formes „seches, c'est-à-dire sans i, à la plupart des formes mouillées ,des autres dialectes." (Fallot, Recherches p. 25 et 26.) Il écrivait done par un e simple beaucoup de syllabes en ie, icl, ien, ier, ies, ieu, des autres dialectes, et presque toutes les syllabes en ai et en ei.

2. Généralement on écrivait, en Normandie, par un a simple „la plupart de nos syllabes en o, ou, u, eu, oi, on, or, et même „quelques syllabes que nous avons en a.“ (Fallot, Recherches p. 26.)

Il faut d'ailleurs bien se garder de croire que l'u normand, ,dont on faisait un si grand usage, eût toujours, bien fixe et bien déterminée, la prononciation de notre u français. On s'en servait pour la voyelle ou comme pour la voyelle u; l'u,sage seul pouvait déterminer, en chaque cas, sa prononciation précise1." (Fallot, Recherches p. 27.) ·

3. Les diphthongues se simplifient dans le dialecte normand, et l'on ne rencontre que ei, ui (ue); plus tard ou.

La combinaison oe, qu'on trouve dans quelques textes, n'est pas du langage pur de la Normandie.

4. Les nasalisations s'affaiblissent, souvent même disparaissent entièrement.

5. Les contractions sont plus rares que dans les autres dialectes.

6o. Notre t final est remplacé par d.

Le caractère principal du dialecte picard est le ch, qu'il substitue constamment à notre s et à notre c faible; mais, en compensation, où nous avons ch, il place presque toujours k ou q, sans d'ailleurs mettre, en général, ch où nous mettons k ou q. Ex. canchon, ichi, chiel, kanoine ou canoine, commenchier, kachier = chasser, quenu, vacque etc. On trouvera plus bas l'explication de cette particularité.

2°. Le picard aime le c, le ch et le 9 final.

3o. Il substitue la diphthongue ou à notre o et à notre eu,

eu à notre ou, oi à notre ei.

(1) Eu sourd, quand il représente notre eu; ou, quand il représente notre o et notre ou (?).

4°. E s'y rencontre souvent pour ai, et ai pour e. 5°. La lettre r se change souvent en s.

6°. Notre s avec le son accidentel ze y est ordinairement remplacé par deux s, et réciproquement nos deux s par s simple. 7°. Il ajoute i devant e ou le substitue à cette dernière lettre. 8°. Le g est substitué à notre j.

9°. Il change l'o et l'a bourguignon en e muet.

Le dialecte bourguignon ajoutait un i à presque toutes nos initiales, médiales ou finales, en a ou en e fermé pur. C'est là son caractère principal.

2o. L'o pur français, excepté le cas où il était suivi d'un r, était en oi dans ce dialecte.

3°. La lettre g servait quelquefois à marquer la nasale n. 4°. Le ç et l's avec le son naturel y sont remplacés par z. 5°. Dans quelques contrées, I mouillé est exprimé par deux 1, par lh ou lg.

J'ai déjà fait observer qu'il y avait des différences de langage de province à province. J'insiste là-dessus, et, comme Fallot, j'ajoute que, dans l'étendue de provinces assignée à chacun des trois dialectes, je n'ai rien vu d'assez marqué, d'assez précis et d'assez distinct pour autoriser à faire du langage de la province où ces différences se trouvent un dialecte séparé de celui où je l'ai classé. J'indiquerai du reste en leur lieu les plus considérables de ces variations.

Le texte le plus ancien que nous possédons en langue d'oil, est celui des serments de Louis-le-Germanique et des seigneurs français, sujets de Charles-le-Chauve, prononcés à Strasbourg en 842, lorsque Louis et Charles se liguèrent contre leur frère Lothaire. Ce texte ne se trouvant nulle part, pour ainsi dire, reproduit de la même façon, j'ai jugé à propos d'insérer ici la leçon qui me paraît la seule bonne.

SERMENT DE LOUIS-LE-GERMANIQUE.

1

Pro Deo amur et pro christian poblo et nostro commun salvament, d'ist di in avant, in quant Deus savir et podir me dunat, si salvarai eo cist meon fradre Karlo et in adjudha et in

(1) Je lis in et non en, comme on le fait ordinairement, parce que in est la seule forme qui se trouve dans ces serments, et qu'en outre l'e du manuscrit est barré de façon à former un i.

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