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intérieur saisit le particulier, la distinction, la différence. Ainsi la pensée de l'homme est comme provoquée par les facultés inférieures, la sensibilité et la raison, à monter jusqu'à l'infini; elle y monte dans un sublime élan, et leur en rapporte les richesses. 1

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Puisque l'âme est douée si noblement et investie de ces magnifiques fonctions, quels sont ses rapports avec l'autorité? — Qu'est-ce que l'autorité? et qu'estce que la raison? L'autorité n'est pas autre chose que la vérité découverte par la raison et déposée dans les écrits des Pères; la raison précède donc l'autorité, caf loin que la raison relève de l'autorité, c'est le contraire qui est vrai. Toute autorité que la raison ne confirme pas, est fragile, tandis que la raison, appuyée sur ses propres forces, n'a pas besoin d'être confirmée par l'autorité 2. C'est surtout en parlant aux simples qu'il convient de se fonder sur le témoignage des Pères; mais dans les hautes questions, qu'on ne doit traiter qu'entre philosophes, comme il n'y a rien pour eux de plus doux à entendre que la vérité, rien de plus attrayant à poursuivre, rien de plus beau à contempler quand ils l'ont atteinte, ils ne craignent ni l'autorité de l'Écriture, ni les attaques des esprits vulgaires; mais tout ce que la pensée leur démontre

1. De divis. nat., lib. II, 24, p. 137. 2. Ibidem, lib. I, 71, p. 73, 74.

invinciblement, ils l'affirment sans hésiter et comme à visage découvert. 1

Telle est la prééminence de la raison sur l'autorité: est-ce à dire pourtant qu'elle se suffise à elle-même? Ne lui faut-il pas souvent un secours divin pour qu'elle puisse atteindre les sommets de l'intuition? Sans parler de l'observation qui lui donne le point de départ, ne faut-il pas quelque chose de plus? Il faut, ce semble, une grâce; il faut que Dieu accorde aussi un point de départ, et que, dans les ténèbres, la lumière, se révélant elle-même, prévienne l'esprit, lui donne le commencement; sans cela tout l'effort de la raison serait vain. 2

Ce point de départ que Dieu doit donner à l'homme, se trouve d'abord dans les livres saints. C'est par l'étude des paroles de l'Écriture qu'il faut nécessairement commencer toute recherche de la vérité3; mais n'oublions pas qu'il n'y a pas d'autorité qui puisse prévaloir contre la raison 4: car, si la sainte Écriture possède la vérité, il ne faut pas croire qu'elle la proclame explicitement; elle s'accommode à notre faiblesse, elle parle par images, par comparaisons; elle détourne souvent le sens des mots. C'est pourquoi il ne faut pas craindre de déclarer hautement la vérité ré

1. De divis. nat., lib. I, 69, p. 72, 73.

2. Ibidem, lib. II, 31, p. 159.

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3. Ibidem, lib. I, 66, p. 69, 70. Lib. II, 15, p. 105. 4. Ibidem, lib. I, 66, p. 69.

vélée par la raison, fût-ce contre l'apparente autorité de l'Écriture; oui, dût-on paraître accablé sous les flèches qu'elle nous lance de toutes parts, dût-on renoncer à persuader les simples et voir les sages euxmêmes frémir d'épouvante; il faut croire à la raison et ne point trembler.

Ce secours de l'Écriture ne suffit donc pas encore pour expliquer les actes merveilleux de la raison humaine, puisque en mainte occasion la raison doit s'en passer. Il faut une assistance plus haute, plus immédiate. Comment, en effet, comprendre par quel moyen l'intelligence humaine sort de ses limites et va, au delà d'elle-même, au delà des bornes de son être, atteindre le Dieu caché, qui est si loin de toute créature? on ne peut le dire. L'étude des forces de la raison est ici impuissante; car ce n'est pas la raison qui est en jeu dans ces mouvements de notre âme, mais la profondeur inintelligible de la grâce divine. L'apôtre lui-même n'ignore-t-il pas comment il a été ravi dans le paradis? tout ce dont il est certain, c'est qu'il a été ravi par la grâce; mais comment cela s'est fait, Dieu seul le sait. 2

Si l'on essaye d'étudier ces mystérieuses opérations de notre intelligence, on arrive à ce résultat, savoir que nous saisissons la vérité divine dans des théopha

1. De divis. nat., lib. I, 66, p. 69.

2. Ibidem, lib. II, 23, p. 134.

nies, c'est-à-dire, que ce n'est pas Dieu lui-même que nous voyons, mais seulement des manifestations de son incompréhensible et inaccessible lumière1. Or, ces manifestations ne se font pas gratuitement en nous; elles ne sont pas l'œuvre seule de Dieu, nous y devons travailler avec lui, elles sont l'œuvre de Dieu et de nous-mêmes; car, selon les ingénieuses et sublimes paroles d'un divin philosophe, le moine Maxime, la sagesse du Père se crée elle-même en nous et s'adjoint notre intelligence pour que de cette union résulte l'apparition divine, coQáva. Dieu s'incline vers nous par la grâce, nous nous élevons en lui en l'aimant : de cette condescendance ineffable et de cet effort méritant naît la théophanie, laquelle commence dès cette vie pour ceux qui en sont dignes, bien qu'elle ne doive s'accomplir entièrement que dans la perfection de l'autre vie et de la béatitude. 2

Il résulte de tout cela que la vertu est nécessaire à l'intelligence, et qu'il y a, entre l'amour et la science, de profondes affinités; et c'est lorsque l'âme a été purifiée par la vertu et illuminée par la raison, que s'accomplit le dernier mouvement, où se consomme l'intuition théologique. La vertu prépare ce mouvement suprême de la pensée, la raison l'éclaire, la théologie. l'accomplit 3. Enfin, pour tout résumer, Dieu et

1. De divis. nat., lib. I, 9, p. 8, 9.

2. Ibidem.

3. Ibidem, lib. II, 23, p. 131, 132.

l'homme concourent également à produire cet acte sublime; car, et ce sont encore les paroles de Maxime, autant l'homme s'élève vers Dieu, autant Dieu descend vers l'homme. 1

CHAPITRE II.

LE MONDE.

Au premier regard qu'on jette sur l'ensemble des choses, elles apparaissent divisées en deux grandes catégories, l'être et le non-être, et leur nom à toutes deux c'est, en grec, Quois; en latin, natura.2

Cette division en deux catégories est la première forme de notre esprit, que nous appliquons à tout : d'après cette première forme et à ce premier point de vue de notre raison, ce qui est, c'est ce qui est intelligible, ce qui est accessible à nos sens ou à notre pensée. Par là s'explique comment dans la catégorie du non-être se rencontrent deux classes absolument opposées l'une à l'autre, savoir ce qui est au-dessus et ce qui est au-dessous de l'être : Dieu, par exemple, qui n'est pas l'être, parce qu'il est plus que l'être, et la matière, les phénomènes, le variable, le corruptible, qui n'est pas l'être non plus, parce qu'il est au-dessous de l'être, parce qu'il est le néant.3

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› p. 9.

2. Ibidem, 1, 2, 3, 4 et seq., p. 1, 2 et seq.

3. Ibidem.

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