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importance, ces historiens ont pu très-naturellement retrouver dans l'abbé d'Ethelinge, contemporain et protégé d'Alfred, ce Scot Érigène, dont la célébrité, mystérieuse déjà comme aujourd'hui, semblait inviter à ces conjectures et s'y prêtait complaisamment.

Jean Scot Érigène n'est donc pas Jean l'abbé d'Éthelinge; mais résulte-t-il de ce qui précède, que Scot Érigène ne soit pas retourné en Angleterre et qu'il n'ait pas été prêtre? C'est ce que prétend Mabillon, et, d'après lui, l'Histoire littéraire de la France.

Sur la première question, le savant bénédictin, sans l'affirmer avec certitude', croit que Scot Érigène est resté en France et qu'il y est mort. En quelle année? Il ne le dit pas; mais il croit que si Scot Érigène a vu l'avénement du pape Jean VIII, il n'a pas survécu à son pontificat. Sa mort se place donc entre les années 872 et 882, pendant lesquelles Jean VIII occupa le Saint-Siège. Il ajoute que Scot est mort avant Charles le chauve, ce qui réduirait de cinq ans l'espace que nous venons d'indiquer, et placerait entre 872 et 877 la date que nous cherchons; mais cette dernière opinion n'est pas prouvée. Le seul argument qu'on apporte, savoir que Scot Érigène n'a rien écrit après 875, ce singulier argument n'a aucune valeur; car parmi

1. Denique abbas ille (Johannes) ab Alfredo rege in Angliam accitus est doctrinæ causa; non Johannes Scottus, qui in Francia videtur perseverasse. Et plus loin: Si non fallor. MABILLON, Annales Benedictini, tome III, p. 68.

les ouvrages perdus il y en a peut-être qui sont postérieurs à cette époque, et, n'y en eut-il pas, Scot Érigène a pu passer ses dernières années dans le repos.1 Quoi qu'il en soit de ces dates qu'il est impossible de fixer, et de ces conjectures qui se détruisent, Mabillon ne croit pas que Scot Érigène soit retourné en Angleterre, ni surtout qu'il y ait été appelé par le roi Alfred. Oudin, nous l'avons vu, affirme tout le contraire, puisque, selon lui, l'abbé d'Éthelinge dont parle Asser, n'est pas autre que Scot Érigène.

Je crois, en effet, qu'entre ces deux partis il faut choisir ou bien admettre cette identité et faire vivre Scot Érigène jusqu'en 895 dans son abbaye d'Éthelinge, où il est assassiné par les moines 2, ou bien reconnaître deux personnages très-distincts, et alors s'abstenir et dire que nous n'avons aucun renseignement sur son retour en Angleterre et sur sa mort; car, dans l'absence de tout document, si l'on nie avec Mabillon et Noël Alexandre qu'il ait pu aller mourir dans sa patrie, c'est sans doute aller trop loin et substituer à une opinion hasardée une conjecture que rien ne justifie. Au moins est-il vraisemblable qu'il n'a pas été rappelé par Alfred, puisque Asser ne cite pas son

nom.

Le dernier historien de Scot Érigène ne se décide ni

1. STAUDENMAYER, Scotus Erigena und die Wissenschaft seiner Zeit, S. 126.

2. ASSER, De Elfredi rebus gestis, ed. Camden, p. 18-19.

pour l'un ni pour l'autre de ces deux systèmes; il nie cette identité de Scot Érigène et de l'abbé d'Éthelinge, si vivement défendue par Oudin; et, tout en faisant cette distinction, il croit que Jean Scot a été appelé en Angleterre par Alfred le Grand, qu'il a enseigné à Oxford pendant quelques années, et qu'il est mort à Malmesbury, assassiné par ses élèves1. Or, je ne pense pas que ce système moyen soit acceptable. Il faut, je le répète, ou admettre l'identité et appliquer à Jean Scot ce qui est dit de l'abbé d'Ethelinge, ou la nier et avouer que les renseignements nous manquent sur Scot Érigène. Sur quoi s'appuie M. Staudenmayer? sur les écrivains du onzième et du douzième siècle dont j'ai déjà parlé. Mais je ne crains pas de le dire encore, au onzième siècle la légende avait déjà commencé pour Scot Érigène : devenu célèbre au milieu d'un siècle barbare, créateur d'un système très-grand, mais bizarre et peu compris, séparé du onzième et du douzième siècle par les ténèbres du dixième, et aussi par les condamnations dont il fut frappé, Scot Érigène était déjà pour les esprits un personnage mystérieux. Ce qu'en disent Ingulf, Guillaume de Malmesbury, Siméon de Durham, a tout le caractère d'une légende répétée de bouche en bouche. Le premier a vu dans Asser Jean l'abbé d'Éthelinge, et l'identifie avec Scot Érigène. Le second, sans confondre Jean Scot avec l'abbé d'Éthe

1. STAUDENMAYER, Scotus Erigena, S. 145.

linge, lui compose une destinée tout semblable, évidemment copiée sur le récit d'Asser. L'abbé d'Éthelinge est appelé en Angleterre par Alfred le Grand; Scot Érigène le sera aussi. L'abbé d'Éthelinge meurt dans son abbaye, assassiné par deux de ses moines, qui le frappent de leurs épées; Scot Érigène enseignant à Malmesbury sera tué par ses élèves à coups de style. Dans Asser, il n'y a qu'un seul personnage nommé Jean, et qui n'est point Jean Scot. Chez Ingulf, il n'y a toujours qu'un seul personnage, mais qui est confondu avec Jean Scot. Chez Guillaume de Malmesbury, chez Siméon de Durham, et dans les chroniques qui les suivent, le personnage se dédouble, il y a l'abbé d'Éthelinge et le célèbre Scot Érigène; mais la destinée de l'un a servi de modèle à l'histoire de l'autre. Il m'est impossible de ne pas apercevoir là très-clairement la marche et la formation successive de la légende.

Asser est la seule autorité légitime', interrogeons

1. Cette autorité vient d'être contestée par un écrivain anglais, M. Thomas Wright (THOMAS WRIGHT, Biographia Britannica literaria; et Biography of literary characters of Great Britain and Irrland, arranged in chronological order. Anglosaxon period. London, 1842, in-8. Voyez l'article ASSER, et Some historial doubts relating to the biographer Asser. Communicated to the society of antiquaries, by Thomas Wright. London, 1842, in-4.°). Les conclusions de ce travail sont trop graves, pour qu'il convienne de rechercher dans une simple note, si elles sont admissibles, et si M. Wright a réussi à prouver sans réplique que l'évêque Asser

le; que dit-il? qu'un certain Jean, appelé de France en Angleterre par le roi Alfred, fut nommé abbé d'Éthelinge et mourut bientôt victime d'un assassinat. Asser nomme tous les savants qu'Alfred attira dans son royaume, Werfrith, Plegemund, Æthelstan, Werwulf; est-il question de Scot Érigène? nous avons vu

n'est pas l'auteur de cette Vie d'Alfred. Nous avons quelques doutes à cet égard, et nous croyons qu'on pourrait répondre à ses arguments les plus pressants. M. Wright se fonde surtout sur certaines contradictions évidentes que contient la biographie d'Alfred le Grand; il Ꭹ trouve des événements bien postérieurs au temps d'Asser; il cite, par exemple, la légende de S. Néot, que l'auteur de la Vie d'Alfred a mise à profit, et qui n'était pas connue au neuvième siècle, et il croit qu'il faut placer la date de l'ouvrage après l'année 974, époque de la translation des reliques de S. Néot à Huntingdonshire. Mais M. Wright n'est pas le premier qui ait signalé ces erreurs, et peut-être le seul travail qu'il y ait à faire, est-il d'examiner si la main d'un compilateur n'a pas pu insérer dans la chroniqne d'Asser toute une partie étrangère à son récit, et s'il ne serait pas facile de marquer exactement l'endroit où commence et où finit l'interpolation. C'est ce qui a été déjà indiqué par un savant historien, M. Lappenberg. M. Lappenberg, dans son Histoire d'Angleterre, faisant une étude critique des sources où il puisait, a remarqué que la biographie d'Alfred par le véritable Asser a été souvent confondue avec une compilation du dixième ou du onzième siècle, faussement attribuée à Asser, laquelle est empruntée aux annales anglo-saxonnes, à Asser luimême, à dautres sources inconnues, et est toute remplie de légendes (LAPPENBERG, Geschichte von England, erster Band, Seite XLVIII, XLIX. Hamburg, 1834, in-8.o Dans la collection intitulée Geschichte der europäischen Staaten, herausgegeben von HEEREN und UCKERT). Mais ces développements nous entraineraient

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