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rel des idées et sans doute aussi sous les influences de la lutte, avait fini par répudier les principaux dogmes de ce paganisme qu'elle défendait avec tant d'éclat, la pluralité des dieux et l'éternité de la matière; de leur côté, les chrétiens d'Alexandrie empruntaient à leurs adversaires l'amour des allégories et une sorte de gnose supérieure, qui se cachait sous les symboles de la foi. C'était là assurément une tendance périlleuse; mais un des chefs de cette famille, S. Clément d'Alexandrie, avait rendu le péril moins grand, en établissant avec netteté certains principes qui empêchaient la pensée chrétienne, encore incertaine et chancelante, de s'aventurer trop tôt dans des chemins difficiles il fallait remplir une condition première et indispensable avant d'atteindre cette connaissance supérieure, cette intelligence spéculative des dogmes, cette gnose dont il parle si souvent, il fallait croire et croire tout ce qu'enseignait l'Église. Nisi credideritis, non intelligetis, c'est en répétant avec force cette parole de l'apôtre, qu'il empêchait qu'une porte nouvelle ne fût ouverte aux imaginations désordonnées du gnosticisme; car cette foi qu'il exigeait, cette foi commune de l'Église s'était précisément arrêtée et formée dans la lutte contre les gnostiques. 1

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Toutefois, malgré cette direction prudente imprimée par S. Clément d'Alexandrie aux premiers essais

1. GIESELER, Lehrbuch der Kirchengeschichte. Bonn, 1827. Erster Band, Seite 232-234.

de la spéculation théologique, bien des idées singulières, bien des doctrines produites par l'influence néo-platonicienne, pénétraient dans ses écrits et dans ceux de ses successeurs. Origène surtout, esprit ardent, brillant, original, l'un des ancêtres de Jean Scot, l'un de ses maîtres, cité sans cesse par son disciple, et comme lui suspect longtemps à l'Église et bientôt condamné, Origène avait emprunté aux systèmes et aux religions antiques rassemblées à Alexandrie, plusieurs principes très-peu chrétiens. Il croyait à une sorte de révélation particulière aux initiés, à un enseignement secret et trop élevé pour la foule. Il introduisait dans les cieux chrétiens une hiérarchie étrangère, la hiérarchie Alexandrine; car ni le Fils ni le Saint-Esprit n'était égal au Père, et lorsqu'il déclare que ce Dieu supérieur à tous les esprits, ce Dieu véritable, ce Dieu premier né (αvTOκράτος, ἀληθινὸς θεὸς, πρωτότοκος) est plus digne de respect que le reste des dieux qui l'entourent, il est impossible de ne pas reconnaître le Dieu un des Alexandrins, au-dessous duquel se groupent les divinités inférieures1. Il admettait aussi une création éternelle au moment même où le paganisme abandonnait une doctrine assez semblable, l'éternité de la ma

1. ὁ πρωτότοκος πάσης κτίσεος, ἅτε προτος τῷ προς τὸς Θεὸν εἶναι, σπάσας τῆς θέοτητος εἰς ἑαυτόν, εστι τιμιώτερος τοῖς λοιποῖς παραυτὸν θεοῖς κ. τ. λ. (ORIGENES, Comment. in Johannem, édit. de la Ruc, tome IV, p. 60.)

tière1. N'était-ce pas encore un souvenir de la subtilité Alexandrine, un besoin de transfigurer tout en symboles, en interprétations, qui lui faisaient chercher sans cesse un raffinement de doctrines spiritualisées, un idéalisme excessif? et n'est-ce pas ainsi que, voulant purifier le christianisme de tout ce qui lui semblait matériel et grossier, il voyait dans le corps du Christ, au lieu d'un corps humain, je ne sais quelle nature plus spirituelle et plus éthérée? A ces idées il en mêlait d'autres, qui lui étaient propres; il enseignait le retour de toutes les créatures dans l'état primitif qu'elles avaient perdu par le péché il niait donc l'éternité des peines et abolissait l'enfer.

Les doctrines de ce brillant et audacieux esprit trouvèrent des adversaires déclarés et des partisans enthousiastes. Il avait été, pendant sa vie, violemment attaqué par les uns et défendu avec passion par les autres. Après sa mort, malgré la renommée suspecte de son nom, la direction d'idées qu'il avait ouverte se perpétua chez les esprits volontiers portés vers les théories aventureuses. Il se forma une grande école, dont il était le chef. En Grèce surtout, son influence devait être facilement acceptée; ces chrétiens, descendants de Platon, ces Grecs ingénieux devaient se plaire aux doctrines brillantes, aux étincelantes richesses de cette théologie; et c'est là en

1. ORIGENES, de Princip., III, 5, 3.

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effet le caractère de l'Église d'Orient, si on la compare à l'Église latine, bien plus ferme et bien plus sévère. Parmi les grands génies de la Grèce chrétienne, les plus orthodoxes, les plus vénérés, S. Athanase, S. Basile, S. Grégoire de Nazianze, proclament très-haut l'autorité d'Origène'; mais il faut surtout citer ce dernier et le frère de S. Basile, S. Grégoire de Nysse, qui tous deux ont été pour Jean Scot Érigène des maîtres si avidement, si fidèlement écoutés2. Je ne prétends pas faire connaître dans cette revue rapide l'éminent génie de l'évêque de Nazianze. Il siérait peu d'apprécier en quelques lignes le représentant le plus complet peut-être des qualités de l'Église grecque, celui qui a été nommé par excellence le théologien. Je rappellerai seulement que ce grand orateur était en même temps un métaphysicien profond et subtil, qu'il enchantait ses auditeurs non- seulement par le charme de sa parole, mais aussi par ces théories, auxquelles il les initiait, et que, païens et chrétiens, philosophes et humbles d'esprit, se pressaient pour entendre cet enseignement du christianisme tout éclairé de lueurs platoniciennes. Mais c'est surtout S. Grégoire de Nysse qui reproduit avec amour la

1. GIESELER, Kirchengeschichte, S. 363, 364.

2. Il semble, en quelques endroits, les prendre tous deux pour un même personnage: Gregorius item Nyssenus, qui etiam Nazianzenus vocatur, prædicti Basilii germanus frater. (De divis. nat., lib. III, 40, p. 297.)

théologie d'Origène, et lui donne un caractère nouveau; car il s'attache précisément aux subtilités, aux allégories, et il les développe encore; c'est un degré de plus, c'est un commentaire, c'est-à-dire un raffinement plus bizarre. Il conduit la doctrine de son maître jusqu'à ses dernières limites1. Une nouvelle école s'étant formée, tout à fait hostile aux partisans d'Origène, et qui s'appliquait surtout à réveiller le goût des études de philologie et d'histoire, Grégoire de Nysse prend la plume contre cette école, il veut démontrer l'insuffisance de ces études et la nécessité de l'interprétation allégorique2. Esprit enthousiaste et subtil, l'évêque de Nysse est le plus ardent disciple d'Origène et le plus Alexandrin des pères de l'Église.

L'Église latine, avant S. Augustin, qui lui donna tant de sévérité et de rigueur, subit aussi l'influence d'Origène; S. Ambroise est son disciple, et à ce titre il sera aussi un des maîtres de Jean Scot. Son Traité

du Paradis, cité sans cesse par Jean Scot Érigène, est tout rempli de singularités alexandrines. Ce Paradis mystique sera, par exemple, comme chez son maître Origène, comme chez son disciple Jean Scot, l'état primitif de l'âme, et tout ce qui embellit ce Paradis dans le récit de la Genèse, arbres, fleurs, plantes,

1. Sur la théologie origéniste de S. Grégoire de Nysse, voyez JEAN DAILLE, De pœnis et satisfactionibus humanis, lib. VII. Amst., 1649, in-4.o; lib. IV, c. VII, p. 368 ss.

2. GREGORIUS NYSSENUS, Promium in Cant. cant.

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