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ter votre clémence, ô mon Dieu : voyant que j'abusois de la santé, de la prospérité, et que les dons temporels dont vous me combliez tous les jours, devenoient de nouveaux attraits pour mes passions; vous les avez suspendus; vous m'avez ménagé dans votre miséricorde des infirmités et des disgrâces: vous m'avez paru comme un Dieu courroucé; qui ne me jugeoit plus digne de ses regards mais cette colère a été mille fois plus heureuse pour moi que les faveurs qui l'avoient précédée. J'avois abusé de vos bienfaits; et vos châtiments m'ont rappelé à moi-même je vivois tranquille dans mes crimes au milieu de mon abondance; et mille réflexions tristes, et les remords cuisants sur mes désordres passés, se sont élevés dans mon cœur au milieu des maux dont vous m'affligiez en troublant la tranquillité de mes passions, vous avez troublé la paix dangereuse de mon ame. Frappé dans mes biens et dans ma personne, je me suis éveillé du sommeil profond où j'étois enseveli; j'ai ouvert les yeux sur l'état déplorable de ma conscience; j'ai commencé à sentir ces premières agitations d'un cœur qui revient à vous ô mon Dieu, vous m'aviez favorisé dans votre colère; vous me châtiez dans votre grande misérisorde.

.10. Ad te, Domine, clamabo, et ad Deum meum deprecabor.

. 10. Je crierai vers vous, Seigneur, et j'adresserai mes prières à mon Dieu.

J'ai commencé à sentir que tous ces faux biens qui m'environnoient, que tout cet amas de boue sur lequel je m'appuyois, n'avoit rien de solide; qu'on ne tenoit à rien de réel et de durable, quand on ne tenoit pas à vous, ô mon Dieu; et qu'un pécheur, quelque heureuse que parût sa situation, ressembloit à un homme condamné à la mort, et qui marchoit au supplice par un chemin couvert de roses et de fleurs. Effrayé de voir enfin où m'avoient conduit ces vaines prospérités, résolu de ne plus courir après des chimères que j'avois vues s'évanouir en un instant, et qui me menoient à grands pas au précipice, j'ai levé ma voix vers vous, ò mon Dieu, vous que l'énormité de nos crimes rend encore plus attentif à nos cris, quand un repentir sincère les fait monter jusqu'au trône de votre miséricorde. J'ai reconnu que les grands de la terre, dont j'avois si constamment brigué la faveur, ne méritoient pas les soins et les hommages que je leur avois prostitués ; qu'ils ne cherchoient qu'à nous faire servir à leur bonheur, plutôt qu'à nous rendre heureux nous-mêmes ; que l'ingratitude étoit le seul prix dont ils payoient nos em

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pressements et nos services; et que nous leur étions à charge, dès que nous commencions à devenir inutiles à leurs passions. Vous seul, grand Dieu, m'avez paru un maître, qui seul mérite d'être servi: nos prières n'importunent pas votre grandeur vous les exigez vous-même de vos créatures; vous aimez à être pressé, sollicité, importuné; et on peut toujours compter sur votre tendresse et sur vos bienfaits, tandis qu'on vous conserve la fidélité qu'on vous a jurée. On ne doit point craindre avec vous, ô mon Dieu, comme avec les grands de la terre, ces revers et ces disgrâces dont leurs caprices et leur inconstance paient tous les jours ceux qui leur avoient été le plus fidèlement attachés; nous ne devons craindre avec vous que nous-mêmes : vous ne changez point; et si vous n'ètes pas toujours le même à notre égard, c'est que nous cessons les premiers d'être ce que nous devrions être en

vers vous.

. 14. Quæ utilitas in sanguine meo, dùm descendo in corruptionem.

. 44. Quelle utilité retirerez-vous de ma mort, lorsque je descendrai dans la pourriture du tombeau?

Avec quelle bonté, grand Dieu, êtes-vous revenu à moi, dès que touché de mes crimes j'ai imploré votre miséricorde? mes excès passés sembloient m'ôter toute espérance de pardon; mais un cœur brisé de repentir désarme toujours votre colère; et il faut bien que vous aimiez à pardonner, puisque la componction elle-même est un don de votre grâce, et que c'est de vous seul que nous tenons ces sentiments de pénitence, auxquels vous ne refusez jamais le pardon de nos infidélités. Oui, grand Dieu, vous êtes l'offensé ; et c'est aux bienfaits seuls dont vous nous prévenez, que nous devons les larmes et les regrets qui vous font oublier nos offenses. Et en effet, grand Dieu, que reviendroit-il à votre gloire de frapper de mort un pécheur dans le temps qu'il a les armes à la main contre vous? seroit-ce un triomphe pour votre puissance, si vous m'aviez précipité dans l'abime, chargé des souillures d'une vie criminelle? mon sang corrompu, dont vous auriez souillé la terre en m'écrasant, eût-il été pour vous un spectacle capable de satisfaire votre justice, ou de faire redouter votre puissance? Un seul de vos regards feroit disparoître l'univers, et le précipiteroit dans son premier néant : seroit-ce un prodige bien étonnant, que vous eussiez paru déployer la force de votre bras, pour écraser un ver de terre ? Que d'occasions n'auriez-vous pas, grand Dieu, de faire éclater votre justice sur les hommes, si vous aimiez à punir ! que de crimes montent tous les jours

vers vous de cette région de ténèbres, et vont solliciter votre vengeance! Vous les voyez, grand Dieu; mais ce n'est pas ici le temps de vos vengeances et s'il vous échappe quelques traits de colère, c'est moins pour punir les coupables que vous frappez, que pour rappeler par ces grands exemples les spectateurs de leur punition, ou les complices de leurs crimes.

. 12. Numquid confitebitur tibi pulvis, aut annuntiabit veritatem tuam?

. 12. Est-ce qu'une poussière vous pourra louer? où publiera-t-elle votre vérité?

Oui, grand Dieu, ce ne sont pas les intérêts de votre gloire ou de votre félicité que vous consultez, en punissant les coupables, ou en les rappelant à la pénitence; vous vous suffisez à vous même, et vous n'avez pas besoin de l'homme: cendre et poussière, que peut-il contribuer à votre gloire ou à votre bonheur? ses louanges et ses hommages ajoutent-ils quelque chose à votre grandeur suprême ? est-il digne même de vous les offrir? et les souffririez-vous, si unis aux hommages de votre Fils, ils ne devenoient par-là dignes de vous être offerts?

.13. Audivit Dominus, et misertus est mei; Dominus factus est adjutor meus.

. 13. Le Seigneur m'a entendu, et il a eu pitié de moi. le Seigneur s'est déclaré mon protecteur.

C'est donc dans les trésors infinis tout seuls de vos miséricordes éternelles, grand Dieu, que je dois chercher les motifs des grâces et des bienfaits dont vous m'avez prévenu. Tout ce que vous voyiez en moi, sollicitoit votre justice, et arrachoit de vos mains la foudre prête depuis longtemps à tomber sur ma tête: c'est l'excès affreux de ma misère qui vous a touché ; c'est un état indigne de toute grâce, qui a excité votre pitié. Vous m'avez montré à moi-même; vous m'avez ouvert les yeux sur l'abîme de désordres où j'étois plongé : vous n'avez pas permis que frappé de la multitude et de l'énormité de mes crimes, j'y ajoutasse, comme tant d'autres pécheurs, le désespoir d'en obtenir jamais le pardon, et que je me fisse d'une vie tróp criminelle pour espérer d'en revenir jamais, une raison impie et insensée de la continuer tranquillement. En me découvrant mes maux, vous m'en avez montré le remède : j'ai été frappé de l'excès de mes dissolutions; mais je n'en ai pas été découragé mon cœur pénétré de la plus vive douleur, humilié, consterné, vous a fait entendre le premier cri de sa componction; vous deveniez sa seule ressource, et c'est dans votre sein paternel, qu'il

s'est d'abord jeté. Vous l'avez écouté, puisque c'étoit vous seul qui formiez en lui cette voix de repentir qui imploroit votre clémence: vous avez eu pitié d'un enfant rebelle, qui après de longs égarements revenoit à vous: vos entrailles paternelles se sont attendries; plus vous l'avez vu déchiré, sale, hideux, plus votre tendresse pour lui s'est réveillée. C'étoit peu pour vous de pardonner et d'oublier sa rébellion et ses outrages; vous l'avez pris sous votre protection, vous l'avez rétabli dans tous ses droits; et plus ses besoins s'étoient multipliés dans l'éloignement où il avoit si long-temps vécu de votre présence, plus vous lui avez prodigué vos secours et vos faveurs.

. 14. Convertisti planctum meum in gaudium mihi; conscidisti saccum meum, et circumdedisti me lætitiá.

. 14. Vous avez changé mes gémissements en réjouissance; vous avez déchiré le sac dont je m'étois revêtu, et vous m'avez tout environné de joie.

Pourrai-je, grand Dieu, en répandant ici mon cœur en votre présence, pourrai-je assez rappeler toutes vos miséricordes en faveur d'un criminel sur qui toute la sévérité de votre justice n'auroit jamais pu exercer des châtiments assez rigoureux ? Le souvenir de mes crimes m'accabloit et me plongeoit dans une tristesse profonde; de quelque côté que je tournasse les yeux, je ne voyois que des abimes ouverts sous mes pieds; toute mon ame pouvoit à peine suffire à l'amertume de sa douleur. Mais de peur que ma foiblesse ne succombât enfin à cet excès de peine, et que je ne vinsse à me lasser de la violence et de la continuité de mes gémissements, vous les changeâtes pour moi, ô mon Dieu, en de saints plaisirs; les larmes de ma pénitence devinrent des larmes de joie et d'allégresse; elles faisoient goûter à mon cœur des délices mille fois plus vives et plus pures que je n'en avois jamais goûté dans mes passions insensées; ma douleur tendre et sincère faisoit elle-même devant vous, ô mon Dieu, ma plus douce consolation ; les marques austères de repentir que je portois sur mon corps, étoient pour moi des signes éclatants de joie et de victoires; ce sac, ces cendres dont je me couvrois devant vous, me paroissoient mille fois plus glorieuses et plus magnifiques que l'or et la pourpre des souverains; tout ce qui vous marquoit mon amour, tout ce que je croyois propre à expier mes crimes, et à désarmer votre colère, quelque pénible qu'il parût aux yeux des sens, répandoit une nouvelle joie et une consolation nouvelle dans mon cœur : j'étois heureux au milieu de mes larmes et de mes macérations, et je ne

l'avois jamais été au milieu des plaisirs et des amusements du siècle.

.15. Ut cantet tibi gloria mea, et non compungar : Domine, Deus meus, in æternum confitebor tibi.

. 45. Afin qu'au milieu de ma gloire je chante vos louanges, et que je ne sente plus les pointes de la tristesse; Seigneur, mon Dieu, je vous louerai et je vous rendrai grâces éternellement.

Vous l'avez ainsi permis, ô mon Dieu, afin que convaincu par ma propre expérience du bonheur de ceux qui, revenus des égarements des passions, vous servent avec un cœur sincère, je puisse publier la paix, la gloire, les chastes plaisirs inséparables d'une vie sainte et nouvelle. Vous avez voulu que je fusse un témoin public des richesses de votre miséricorde sur les ames qui reviennent à vous. Non, Seigneur, je n'éprouverai point sous la douceur de votre joug les amertumes, les chagrins piquants que j'avois mille fois éprouvés sous le joug honteux des passions. Le monde est le tyran de ceux qui se livrent à lui; la piqûre cuisante de l'aspic est toujours cachée sous les fleurs qu'il jette sur nos voies: on s'embarque en apparence sur une eau claire et tranquille, dont les bords retentissent de toutes parts de chants de joie et de volupté; on se laisse aller d'abord mollement au cours fatal et paisible de ce fleuve de Babylone: mais les orages et les tempêtes ne tardent pas de s'y élever: on y est battu des flots les plus violents et les plus tristes; on s'obstine à y périr, et on y dévore ses agitations et ses peines. Grand Dieu! la voie qui nous mène à vous est plus douce et plus unie; vous nous y donnez vous-même la main pour nous adoucir tout ce qui pourroit s'y trouver de pénible; et cependant on la craint, on la fuit, on la regarde comme la voie de l'ennui et de la tristesse. O mon Dieu, que ma langue soit consacrée à jamais à détromper mes frères d'une illusion si grossière, et à publier les merveilles de votre grâce, et les consolations ineffables dont vous comblez les ames qui marchent dans vos voies saintes.

PSAUME XXX.

Prière d'un Juste exposé à une tentation où il faut désobéir à Dieu, ou s'attirer la haine et la disgrace des hommes.

. 1. In te, Domine, speravi, non confundar in æternum; in justitia tua libera me.

ỳ. 1. C'est en vous, Seigneur que j'ai espéré; ne permettez pas que je sois confondu pour jamais; délivrezmoi selon votre justice.

Dans la triste situation où je me trouve, grand Dieu, obligé de vous déplaire, ou de m'attirer la haine et le mépris des hommes; si je ne consultois que ma foiblesse, je sens que la vue du péril ébranleroit bientôt ma fidélité: mais, Seigneur, j'ai mis en vous toute mon espérance: ce sont les ordres secrets et éternels de votre sagesse qui ont préparé de loin le péril qui me menace; c'est à vous, grand Dieu, à m'y soutenir : ce ne sont pas des piéges; ce sont des épreuves que vous ménagez à vos serviteurs et vous ne les permettez qu'afin qu'ils vous y donnent de nouveaux témoignages de leur fidélité et de leur confiance.

4.2. Inclina ad me aurem tuam; accelera ut eruas me. . 2. Prétez l'oreille à ma voix; hâtez-vous de me tirer du péril.

Oui, grand Dieu, vous ne m'abandonnerez pas, de peur que la lâcheté et l'opprobre de ma chute ne retombe sur la religion même ce seroit peu qu'elle me couvrit pour toujours de confusion; il n'est pas dû autre chose à un pécheur tel que moi: mais je déshonorerois encore votre loi sainte; c'est pour l'intérêt de votre gloire que je vous sollicite. O mon Dieu, vous êtes juste; vous voyez que mon imprudence ou mon orgueil n'ont aucune part à l'orage qui s'est élevé contre moi : commandez donc aux vents et aux flots irrités de se taire, et délivrez-moi de l'abîme qui semble tout prêt à m'engloutir: mais hâtez-vous, Seigneur; le danger est pressant; vous m'avez assez fait sentir ma foiblesse ; ma perte, hélas! est certaine, si vous ne venez promptement à mon secours.

. 3. Esto mihi in Deum protectorem, et in domum refugii, ut salvum me facias.

. 3. Que je trouve en vous un Dien qui soit mon protecteur, et un asile où je puisse être en sûreté.

Je vois d'un côté toutes les langues prêtes à me diffamer, à m'accuser d'orgueil, d'obstination, d'hypocrisie, et à répandre même les traits les plus noirs et les plus honteux sur ma conduite; le monde entier presque soulevé, mes biens, ma fortune, mon repos en proie incessamment à la fureur et à la haine; mais que peuvent les hommes, ô mon Dieu, si vous êtes pour moi? Que je trouve donc en vous un Dieu qui me protége; que votre sein soit pour moi un asile inaccessible à tous les traits de la malice et de la haine : le monde a beau vouloir me perdre, ô mon Dieu, tandis que vous voudrez me défendre et me sauver.

y. 4. Quoniam fortitudo mea, et refugium meum es tu, et propter nomen tuum deduces me et enutries me.

. 4. Parce que vous êtes ma force et mon refuge; et à cause de votre nom vous me conduirez et vous me nourrirez.

Oui, grand Dieu, je suis le plus foible des hommes, et le plus aisé à me laisser ébranler par des vues humaines: mais c'est dans ma foiblesse que vous ferez éclater votre force et votre puissance; ce sont les instruments les plus foibles et les plus vils, que vous avez toujours choisis pour opérer les plus grandes choses, afin que l'homme ne s'attribuât rien à lui-même, et que toute la gloire en fût rendue à votre grâce. Ce n'est donc pas sur moi que je compte, et sur la ferme résolution où je suis de vous être fidèle aux dépens de tout; je ne compte que sur vous, ô mon Dieu, vous qui êtes ma force, mon soutien et mon asile; vous qui tenez lieu de tout à ceux à qui tout paroît manquer; vous dont la main secourable se fait sentir avec plus d'éclat, lorsque tous les secours humains disparoissent. Ce sera une nouvelle gloire pour votre nom, quand ma foiblesse triomphera du monde, de ses terreurs et de ses promesses: vous ne permettrez pas que les impies, témoins de ma chute, insultent à la piété, et la traitent de superstition et d'hypocrisie. Vous me conduirez, grand Dieu, et vous me soutiendrez au milieu des écueils qui m'environnent; et si ma fidélité pour vous m'attire la perte de mes biens ou de ma fortune, vous qui nourrissez les oiseaux du ciel et les plus vils reptiles de la terre; vous qui êtes le père des pupilles et des orphelins, vous pourvoirez à ma nourriture : vous promettez le centuple ici-bas même à ceux qui se dépouillent de tout pour l'amour de vous; votre promesse est une ressource plus sûre pour moi, que tous les biens et toutes les fortunes de la terre.

. 5. Educes me de laqueo hoc quem absconderunt mihi, quoniam tu es protector meus.

ỳ. 5. Vous me tirerez de ce piége qu'ils m'avoient caché, parce que vous êtes mon protecteur.

Outre les malheurs certains dont je suis menacé, ô mon Dieu, si je persiste à vous demeurer fidèle, on me prépare encore mille piéges secrets, plus funestes peut-être encore à mon innocence que les maux visibles que je crains. Mais, grand Dieu, vous qui les voyez à découvert, ces piéges secrets; vous, aux yeux de qui les ténèbres où s'enveloppent la fraude et la malice,-n'ont rien de caché, vous éclairerez mon ignorance, vous me découvrirez le secret fatal de ces embûches dressées pour me séduire et pour me perdre; votre lumière me précédera; mes ennemis et les vôtres seront pris eux-mêmes dans les piéges qu'ils me tendent, et ils éprouveront que votre protection et votre

sagesse est plus sage et plus éclairée que tout l'artifice et toute la fausse sagesse des enfants du siècle.

. 6. In manus tuas commendo spiritum meum; redemisti me, Domine, Deus veritatis.

. 6. Je remets mon ame entre vos mains; vous m'avez déja racheté, Dieu de vérité.

C'est de vous, grand Dieu, que j'ai reçu cette ame capable de vous connoître et de vous aimer, et destinée à vous posséder éternellement : le monde et le démon mettent tout en œuvre pour vous l'enlever; mais grand Dieu, où puis-je la mettre plus en sûreté que dans les mêmes mains de qui je la tiens ? souffrirez-vous, grand Dieu, qu'on l'enlève jusque sous les ailes de votre protection, et qu'elle devienne la proie du lion rugissant qui est autour de moi tout prêt à la dévorer? Est-ce pour un monde qui va finir demain, que vous avez créé à votre image une ame immortelle ? quel droit a-t-il sur un cœur et sur un esprit qui ne sont faits que pour vous, et que vous seul pouvez rendre heureux? Les terreurs et les menaces qu'il emploie pour m'attirer à lui, montrent assez que je ne lui appartiens pas, et que la ruse et la violence seules peuvent le mettre en possession d'un bien qui vous appartient par tant de titres. Oui, grand Dieu, c'est à vous seul que je dois mon être, ma vie, ma volonté, mes desirs et mes pensées ; j'étois sorti de vos mains en la personne de mes premiers pères, pur et innocent, j'ai depuis mille fois souillé la beauté de votre ouvrage ; je me suis livré à l'ange des ténèbres votre ennemi, vous avez rompu les fers qui me retenoient sous ce dur esclavage; vous m'en avez délivré; vous m'avez rendu la liberté et la vie de la grâce que j'avois perdue; que de droits, grand Dieu, n'avez-vous pas sur moi! pourriez-vous les céder à votre ennemi, en permettant qu'il m'arrache d'entré vos mains? ou pourrai-je moi-même me rengager sous les lois et la servitude d'un tyran dont j'ai éprouvé la dureté et la perfidie, et d'où un miracle seul de votre grâce et de votre puissance a pu me retirer?

.7. Odisti observantes vanitates supervacuè.

. 7. Vons haïssez ceux qui observent les choses vaines et sans aucun fruit.

. 8. Ego autem in Domino speravi, exultabo et lætabor in misericordia sua.

✈. 8. Mais pour moi, je n'ai espéré que dans le Seigneur; je me réjouirai, et je serai ravi de joie dans votre miséricorde.

Des amis trop humains, qui ne connoissent pas,

ô mon Dieu, les ressources admirables que votre providence sait mettre en œuvre pour secourir vos serviteurs fidèles dans leurs besoins, s'irritent contre moi de ce que je ne cherche de l'appui et de la consolation qu'en vous seul : mais ne seroit-ce pas, ô mon Dieu, me rendre indigne de vos miséricordes et de votre protection, et en tarir la source, que d'implorer le secours d'un bras de chair contre mes oppresseurs? cette défiance que je montrerois de votre bonne volonté pour moi ne peut que vous déplaire; elle outrage ce fonds inépuisable de tendresse que vous avez pour tous ceux qui recourent à vous, et qui n'a jamais trompé ceux dont vous êtes l'unique espérance. D'ailleurs, quel besoin avez-vous des hommes, ô mon Dieu, pour me tirer du péril où je me trouve? Mais les hommes sans vous ne peuvent m'être d'aucun secours : ils me plaindront ; mais sans vous leur compassion sera toujours vaine et infructueuse. C'est donc en vous seul que j'espère, ô mon Dieu, et je suis assuré que mon espérance ne sera pas confondue; tôt ou tard vous me ferez ressentir les effets de votre miséricorde; et quand même vous permettriez que je succombe ici-bas sous les efforts de mes persécuteurs, je ne croirai pas pour cela que vous m'ayez abandonné; je me persuaderai que vous avez jugé mon oppression plus utile pour mon salut éternel, que ma délivrance; et je me réjouirai, de ce que vous m'aurez jugé digne de participer ici-bas aux opprobres et aux souffrances de votre Fils, dans la confiance qu'elles seront pour moi le gage et la semence d'une gloire et d'un bonheur éternel.

v. 9. Quoniam respexisti humilitatem meam, salvasti de necessitatibus animam meam.

ỳ. 9. Parce que vous avez regardé mon état si humilié, vous avez sauvé mon ame des nécessités fâcheuses qui l'accabloient.

Laissez-vous toucher, ô mon Dieu, à l'état d'humiliation où je me trouve; et que l'abandon universel où je suis réduit du côté des hommes, attire sur moi les regards de votre miséricorde : mon ame n'est dans la détresse et dans l'angoisse, que parce qu'elleveut demeurer inviolablement attachée à votre sainte loi. Mes ennemis se réconcilieroient bientôt avec moi, et deviendroient mes amis et mes protecteurs, si je voulois renoncer à la fidélité que je vous ai vouée : c'est le refus que je fais de vous désobéir, qui fait tout mon crime à leurs yeux. Ma cause par là devient la vôtre : il est de l'intérêt de votre gloire, que vous vous déclariez en ma faveur, de peur que les impies ne prennent occasion de mes malheurs pour blasphemer votre

saint nom; comme si vous n'aviez pas le pouvoir de délivrer ceux qui renonçant à tout secours humain, ont mis toute leur espérance en vous, ou que vous n'eussiez que de l'indifférence pour

eux.

AVIS.

La paraphrase du Psaume XXX finit ici dans le manuscrit, soit que l'auteur ne l'ait pas poussée plus loin, soit que le reste ait été égaré.

PSAUME XXXI.

Sentiments d'une ame pénitente, qui admire l'indulgence avec laquelle Dieu en use à son égard, et qui exhorte les pécheurs à l'imiter dans sa pénitence.

ỳ. 1. Beati quorum remissæ sunt iniquitates, et quorum tecta sunt peccata.

ỳ. 1. Heureux celui dont l'iniquité est pardonnée, et dont le péché est couvert.

Que mon sort est heureux! que vos miséricordes, ô mon Dieu, sont incompréhensibles! Qu'il est vrai que vous ne voulez pas la mort du pécheur, mais qu'il revienne à vous pour y trouver la vie! Aurois-je pu me plaindre justement, ô mon Dieu, quand vous m'auriez fait acheter la rémission de mes crimes par les supplices les plus longs et les plus affreux; ou même, quand vous auriez rejeté toute satisfaction de ma part? Vile créature, j'ai osé me révolter contre vous, mon Créateur et mon roi, qui d'une seule parole pouviez m'écraser, ou m'abîmer dans un étang de feu et de soufre. Perfide, j'ai violé le serment solennel qui m'engageoit à votre service, tandis que vous étiez si fidèle aux engagements que vous aviez daigné prendre avec moi pour m'attacher à vous, vous, ô mon Dieu, à qui toutes les créatures sont inutiles, qui n'avez pas besoin de nos biens: car, que pourrions-nous vous donner, qui ne vous appartienne, que vous ne possédiez déja, que nous n'ayons reçu de votre main bienfaisante, vous qui n'exigez que nous nous attachions à vous, que pour pouvoir répandre sur nous les trésors de vos miséricordes. J'avois été lavé de toutes mes souillures dans le sang de votre Fils, ce Fils qu'un excès d'amour vous a fait livrer à la mort, pour suppléer par son sacrifice à l'impuissance où étoient les hommes de jamais satisfaire votre justice : et comme un animal immonde, j'ai été me vautrer de nouveau dans mon ordure; j'ai foulé aux pieds ce sang précieux, l'unique fondement de mon espérance, et le gage de mon salut.

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