bien comme le bien des pauvres; eux, ô mon Dieu, pour qui l'établissement de votre règne dans les cœurs, est le seul prix qu'ils attendent de leurs travaux, et l'unique gain où ils aspirent? Ils gémissent sur cet esprit mercenaire, qui ne se glisse que trop dans les fonctions saintes, et qui déshonore vos autels. Ils voient avec douleur votre maison devenue pour plusieurs ministres infidèles, un lieu de trafic et de négoce honteux : ils les voient chercher avidement dans le ministère, non votre gloire, ô mon Dieu, mais leur gloire propre; non vos intérêts, mais les leurs; non le salut des hommes, mais leurs applaudissements, leurs faveurs et leurs dons: ils les voient mesurer la sainte sévérité des règles dont ils sont dépositaires, non sur l'énormité des crimes, mais sur la qualité des coupables; avoir pour ceux dont ils attendent des bienfaits, de quelques souillures. dont ils soient chargés, la même indulgence, les mêmes égards qu'ils auroient des innocents; pour en devenir les adulateurs et les apologistes publics; et corrompus par des largesses iniques, se déclarer contre les Justes mêmes qui ont le malheur de déplaire aux grands, dont ils reçoivent ou espèrent des grâces. Mais la magnanimité héroïque de vos ministres fidèles, ô mon Dieu, rend à votre l'Église la gloire que ces indignes prévaricateurs de leur ministère ne cessent de lui ravir dans l'esprit des peuples. Rien sur la terre, ni honneurs, ni dignités, ni richesses, n'est capable d'ébranler, ni même d'affoiblir la fermeté sacerdotale qu'ils doivent à la vérité et aux règles saintes. Défenseurs généreux de la justice et de l'innocence, ils regardent comme une fortune éclatante l'honneur de la délivrer de l'oppression et de la calomnie. Inébranlables dans leurs promesses, ils ne frustrent pas l'attente de leur prochain malheureux, qui réclame leur secours; et toutes les oppositions du monde ne peuvent les obliger à se départir de la protection qu'ils lui avoient jurée. .7. Qui facit hæc, non movebitur in æternum. .7. Un homme de ce caractère sera à jamais heureux. Voilà, ô mon Dieu, quels sont ceux que vous avouez pour vos ministres, et auxquels vous avez choisi vous-même votre tabernacle saint pour le lieu de leur demeure. Voilà les colonnes du temple qui s'achève tous les jours sur la terre, à l'épreuve des vents et des orages; immobiles au milieu des changements que la succession des temps et le relâchement des mœurs a introduits dans votre héritage, ils ne savent point se courber pour s'accommoder aux usages des siècles et aux passions des hommes. La vérité, toujours la même, trouve toujours en eux le même zèle: et comme ils n'ont jamais connu sur la terre ces variations indécentes, qui de la vérité nous font passer à l'erreur, et de l'erreur nous ramènent à la vérité; vous leur préparez dans le sein de l'éternité un partage qui ne pourra plus changer, et qui les fixera pour jamais dans l'amour de la vérité. PSAUME XV. Prière d'une ame fidèle engagée dans le monde, qui remercie Dieu de l'avoir jusque-là prèservée des tentations, et des pèrils au milieu desquels elle vit. . 1. Conserva me, Domine, quoniam speravi in te; Dixi Domino, Deus meus es tu, quoniam bonorum meorum non eges. .1, Couservez-moi, Seigneur, puisque j'ai toujours espéré en vous. Je l'ai dit souvent au Seigneur : Vous êtes mon Dieu, et vous n'avez aucun besoin de mes biens. Seigneur, obligée de vivre au milieu d'un monde qui ne vous connoît pas, exposée tous les jours à ses séductions, n'y trouvant pour soutenir ma foi, que des exemples capables de la corrompre, Seigneur, toute ma sûreté est dans la confiance que j'ai en vous. Vous préservȧtes les trois Hébreux au milieu des flammes; continuez, grand Dieu, à me protéger, et à préserver mon ame pure parmi tous les objets contagieux, toujours prêts à l'infecter. Chaque moment fournit au monde de nouveaux pièges pour me séduire; et ma foiblesse chaque moment fournit à vos miséricordes de nouveaux motifs de ne pas la laisser un seul instant à ellemême. Vous avez de bonne heure versé votre amour et votre crainte dans mon ame; conservezmoi, Seigneur, ce précieux trésor, et abrégez mes jours, si vous prévoyez qu'en les prolongeant j'aurai enfin le malheur de me le laisser ravir et de le perdre. Je sais, grand Dieu, que vous suffisant à vous-même, et trouvant en vous seul toute votre gloire et toute votre félicité, vous n'avez besoin ni de mon amour, ni de ma fidélité, ni de mes hommages. Ce n'est pas pour vous, grand Dieu, que vous secourez les ames qui ont recours à vous. Eh! que pourroient contribuer à votre bonheur de foibles créatures, qui ne sont que ce que vous les avez faites ; qui ne subsistent que par vous, et qui retomberoient toutes dans le néant d'où vous les avez tirées, si cet œil tout-puissant qui les conserve, alloit un seul instant se fermer sur elles? Mais, Seigneur, vous êtes mon Dieu, mon refuge, mon bonheur, ma fin et mon principe; et si vous pouvez vous passer de mes prières et de mes hom DU PSAUME XV. mages, mes besoins me pressent de vous les offrir sans cesse. Vous ne seriez pas mon Dieu, si les hommes pouvoient être nécessaires à votre gloire; mais vous ne le seriez pas aussi, si étant vousmême seul nécessaire à leurs besoins, vous fermiez vos oreilles à leurs supplications les plus touchantes; et si après les avoir placés sur la terre; vous ne daigniez plus vous mêler de tout ce qui les regarde. Je ne cesserai donc de vous dire, Seigneur, vous êtes mon Dieu; ce nom adorable dit tout: il dit, et que vous n'avez pas besoin de la créature, et que vous vous devez pourtant à la créature qui vous aime, qui vous adore et qui vous réclame. . 2. Sanctis qui sunt in terrá ejus, mirificavit omnes voluntates meas in eis. . 2. Mais il m'a inspiré un amour surprenant pour ses serviteurs qui sont sur la terre. t Et en effet, grand Dieu, vos serviteurs pourroient-ils mener sur cette terre de malédiction la vie sainte et merveilleuse qu'ils mènent, si vous n'étiez sans cesse avec eux, et s'ils ne trouvoient dans votre protection puissante des secours supérieurs à leurs foiblesses et à toutes les tentations qui les environnent? C'est leur exemple, grand Dieu, qui soutient ma confiance, et qui m'est un gage toujours présent de vos miséricordes envers ceux qui vous servent : je respecte leur vertu; je la regarde comme un prodige que vous opérez en ces jours de dissolution et de ténèbres pour rendre les pécheurs inexcusables; je cherche à m'unir à eux, et à les avoir sans cesse pour témoins et pour censeurs même de mes infidélités. Vous savez, grand Dieu, que le commerce des méchants me déplaît et me gêne : leur rang et leurs titres, qui rendent leur société si honorable aux yeux des hommes, ne changent rien à l'état violent où je me trouve, quand des raisons de bienséance m'obligent de vivre au milieu d'eux; et au sortir de là, je ne trouve de délassement et de joie véritable, que dans la conversation innocente des ames fidèles. C'est là, Seigneur, où mon cœur vient respirer de toutes les vaines agitations du monde d'où il sort, c'est là où il m'est permis d'en déplorer la folie, et de parler avec effusion de cœur, de la sagesse, de la beauté de votre loi sainte, et des consolations qui en accompagnent toujours ici-bas même l'observance. Et qu'importe, grand Dieu, que vos serviteurs soient obscurs selon le siècle, et n'offrent rien qui les distingue aux yeux des hommes? La piété n'est-elle pas un titre plus éclatant que les sceptres et les couronnes? n'est-elle pas le prix d'une gloire immortelle, et d'un royaume qui ne verra jamais de fin? et que TOME II. sont toutes les dignités de la terre, comparées à . 3. Multiplicatæ sunt infirmitates eorum; posteà . 3. Les ayant vus accablés du nombre de leurs infir- Vous permettez presque toujours, grand Dieu, ỳ. 4. Non congregabo conventicula eorum de sanguini- 33 assemblées criminelles, et m'y trouver avec goût? La réputation de leurs frères y est déchirée sans pitié : la vertu même de vos serviteurs n'y est pas à couvert de la malignité de leurs censures, et leurs traits les plus sanglants portent sur eux. Ce sont des assemblées de sang, où les plaies que leurs langues font à l'innocence la plus pure, deviennent un spectacle qui amuse leur oisiveté, et qui réjouit leur ennui. Ils nous rappellent les horreurs du paganisme, où les hommes se faisoient un divertissement public de s'assembler sur des théâtres infàmes, pour y voir d'autres hommes qui se faisoient des plaies mortelles, et s'entredonnoient la mort pour amuser les spectateurs. Quel plaisir barbare, grand Dieu, pour des chrétiens! il faut qu'il en coûte le sang et la réputation à leurs frères pour les délasser; et celui qui enfonce le poignard avec plus d'habileté et de succès, c'est celui qui emporte les suffrages publics, et les acclamations de ces assemblées d'iniquité. Des occasions imprévues et indispensables m'y ont quelquefois conduit : mais, grand Dieu, loin d'applaudir à leurs discours cruels, il me sembloit recevoir moi-même les plaies qu'ils faisoient à leurs frères; et toute l'indulgence que ces hommes de sang peuvent attendre de moi, c'est d'effacer de mon souvenir ces tristes images; c'est de n'en parler qu'à vous seul, ô mon Dieu, et d'oublier jusqu'à leurs noms qui peuvent être illustres aux yeux des hommes, et embellir la vanité des histoires, mais qui ne peuvent que souiller la mémoire de vos serviteurs. ỳ. 5. Dominus pars hereditatis meæ, et calicis mei; tu es qui restitues hereditatem meam mihi. .5. Le Seigneur fut toujours mon héritage; et cet héritage, ô mon Dieu, vous me le conserverez à jamais. Oui, Seigneur, que ces esclaves insensés du monde se fassent une gloire de leurs noms, de leurs titres, de l'étendue et de la magnificence de leurs héritages; qu'ils s'élèvent du partage des biens et des honneurs dont le monde les a favorisés; tout cet amas de fumée ne sert qu'à nous cacher les biens éternels, et n'est pas plus solide que le monde lui-même qui le distribue. C'est là, grand Dieu, le vil partage des enfants de la terre. J'y renonce dès à présent, Seigneur : dépouillez-moi, j'y consens, de tout ce que j'ai recueilli de la succession de mes ancêtres, si vous voyez que mon cœur y tienne trop encore: renversez cet édifice de boue, que leurs soins et leurs services rendus à la patrie ont élevé et transmis à leur postérité; si jamais ébloui de son éclat, ou amolli par les délices qu'il offre, je suis assez malheureux que de m'y faire une cité permanente. Mes pères, selon la chair, ne m'ont laissé qu'un partage de chair et de sang. Cendre et poussière, ils ne m'ont transmis que ce qui doit y retourner comme eux. Mais vous, grand Dieu, vous êtes le Père immortel de mon ame l'héritage que vous promettez à vos enfants, c'est vous-même; c'est une éternité de paix et de joie dont ils jouiront dans votre sein; c'est une magnificence de gloire et de bonheur qui ne craindra plus de révolution, et qui durera autant que vous-même. Voilà le partage des enfants du ciel; et voilà, grand Dieu, celui que je choisis; je n'en veux point d'autre que vous seul; parce que tout le reste fuit, fond à nos yeux, nous échappe, et que vous seul demeurez éternellement; parce que tout le reste nous souille, nous avite, n'est qu'une révolution fatigante, de craintes, de desirs, d'espérances, de jalousies, de sollicitudes, de chagrins, et que vous seul fixez les inquiétudes du cœur, et lui rendez la paix et les consolations que le monde ne donne pas, et même ne connoît pas. Ce n'est pas, grand Dieu, que ces consolations soient toujours sensibles à une ame fidèle, et que votre calice ne se trouve souvent mêlé d'amertume mais cette amertume n'est répandue que sur la surface: le fond est inépuisable en douceurs et en délices saintes. Et d'ailleurs, grand Dieu, vous nous le rendrez un jour ce calice, dégagé de tout ce qu'il y a encore d'amer ici-bas : nous y boirons à longs traits ce torrent de volupté pure dont vous enivrez vos élus. C'est là, Seigneur, l'héritage des enfants après lequel je soupire : réservez-le-moi, Père clément et miséricordieux; ne permettez pas que je m'en rende jamais indigne, disposez à mon égard, selon votre bon plaisir, des biens passagers et du partage que vous m'avez assigné sur la terre: mais restituez-moi le partage éternel de vos enfants, que le sang de votre Fils nous a acquis, c'est là mon héritage. Mais en vous exposant mon droit, ô Père des miséricordes, j'attends de votre bonté seule les vertus qui peuvent m'en assurer la possession éternelle. : 4. 6. Funes ceciderunt mihiin præclaris, et enim hereditas mea præclara est mihi. . 6. Je suis bien échu dans mon partage, mon héritage est charmant. Non, Seigneur, plus je compare la paix, la douceur et le plaisir secret que l'on goûte dans l'observance de vos commandements, aux troubles, aux remords, aux inquiétudes inséparables de ceux qui se livrent aux passions et à toutes les illusions du monde; plus je m'applaudis de mon choix, plus mon sort me paroît digne d'envie, plus je suis surpris que tous les hommes, accablés sous le joug de leurs crimes et sous la tyrannie de leurs passions, sous l'ennui mortel des plaisirs mêmes après lesquels ils courent, ne viennent pas s'offrir à la douceur de votre joug si consolant, si aisé à porter, et qui nous décharge du poids insupportable de tous les autres. Pour moi, Seigneur, je me trouve si heureux de vous avoir choisi pour mon partage, que toutes les fortunes de la terre ne me paroissent pas même dignes des regards d'une ame qui a le bonheur de vous posséder. Qu'il est beau, Seigneur, qu'il est digne de l'homme de vous servir! Que cette glorieuse servitude élève l'homme au-dessus de tous les trônes et de toutes les grandeurs de l'univers! et qu'elle le rend supérieur à ses passions, à ses prospérités, à ses disgrâces, à tous les événements qui agitent sans cesse à leur gré le reste des hommes! Voilà, grand Dieu, les héros de la grâce et de l'éternité : ceux du monde ne sont que de vils esclaves, et des personnages de théâtre revêtus d'un nom, d'un éclat, et d'une décoration passagère, et qui n'a rien de plus réelque la scène puérile qu'ils représentent, qu'ils vont déposer au sortir de la représentation, reprenant pour paroître devant vous, leurs viles parures et leurs véritables noms, c'est-à-dire, les foiblesses et les passions honteuses qui seules leur appartiennent. .7. Benedicam Dominum qui tribuit mihi intellectum; insuper et usque ad noctem increpuerunt me renes mei. .7. Je bénirai le Seigneur, de m'avoir donné assez d'intelligence pour faire un choix si heureux : toujours jusque pendant la nuit je suis excité par les mouvements de mon cœur à lui en rendre des actions de grâces. Quelles actions de grâces puis-je vous rendre, Ο mon Dieu, de m'avoir donné l'intelligence de ces vérités éternelles ! Quand je considère qu'elles sont cachées à la plupart des hommes, et que toutes leurs lumières, tous leurs soins, tous leurs travaux, se bornent à se faire ici-bas une félicité chimérique; quand je les vois un bandeau fatal sur les yeux, courir comme des insensés au précipice sans examiner où se terminera leur course; quand je me dis à moi-même, comment est-il possible qu'ils soient si habiles, si clairvoyants, si judicieux pour ménager leurs intérêts temporels, et que pour ceux de leur éternité, toutes leurs lumières les abandonnent, qu'ils ne daignent pas même en faire usage, et qu'ils ne croient pas l'intérêt de leur salut, cet intérêt si grand, si sérieux, cet intérêt unique qu'ils ont sur la terre, qu'ils ne le croient pas digne non-seulement de leurs soins, mais même de de leurs réflexions; l'aveuglement incompréhensible où ils vivent, met encore dans mon cœur de nouveaux transports d'amour et de reconnoissance pour vous, ô mon Dieu, qui m'avez ouvert les yeux sur des vérités si essentielles, si palpables, et que la plupart des hommes ignorent, parce qu'ils ne veulent pas les connoître. C'est au milieu du monde même, où tout est erreur et illusion, que je sens encore plus le bienfait inestimable qui a fait luire sur moi la lumière au milieu de ces ténèbres. C'est lorsque j'entre dans cette nuit profonde, où je vois les enfants du siècle ensevelis, que mon cœur me reproche de ne vous bénir pas encore assez, ô mon Dieu, d'avoir dissipé en ma faveur le nuage épais qui les enveloppe. Ce sentiment de reconnoissance ne sauroit plus s'effacer pour un instant mème de mon cœur. Je le porte partout avec moi; et la nuit même mon cœur se réveille, et dérobe à la nature les moments destinés au sommeil, pour se répandre devant vous, et vous renouveler ses actions de grâces. .8. Providebam Dominum in conspectu meo semper, quoniam à dextris est mihi, ne commovear. . 8. J'ai toujours eu le Seigneur devant les yeux, persuadé qu'il étoit sans cesse à ma droite pour me soutenir. Et comment pourrois-je perdre de vue un seul moment vos miséricordes sur moi, ô mon Dieu! c'est là toute la consolation de mon exil. Cette vie si pleine de chagrins et de misères seroit-elle supportable, si vous n'étiez sans cesse présent à mon cœur pour en adoucir l'amertume? pourrois-je marcher long-temps avec sûreté à travers tant de piéges et de périls, si je ne marchois toujours en votre présence? Aussi, grand Dieu, au milieu de toutes les révolutions que le monde offre sans cesse à mes yeux, de ces vicissitudes journalières qui élèvent les uns sur les ruines des autres ; de ce tourbillon de soins, d'inquiétudes, de concurrences dont l'agitation éternelle entraîne et met en mouvement tous les enfants du siècle ; au milieu de tant d'objets tumultueux, je ne vois que vous seul, grand Dieu, qu'un modérateur invisible qui règle tout, qui rapporte par des voies divines et inexplicables, tout ce qui se passe sur la terre, à l'accomplissement de ses desseins éternels de miséricorde sur ses élus, et qui fait servir à leur salut les crimes mêmes et les passions du reste des hommes. Oui, grand Dieu, vous êtes plus visible dans l'univers, que tous les objets qui frappent nos sens. Je vous y retrouve et vous y reconnois partout, dans les amertumes secrètes que vous mêlez aux plaisirs des pécheurs, dans les obstacles ou les facilités que vous semblez ménager à leurs passions, dans l'élévation ou la décadence subite et éclatante de leur fortune, dans les peines et les assujétissements qu'il leur avoit fallu dévorer pour y parvenir. J'y vois votre sagesse et votre bonté qui dispose de tous les événements, qui n'en permet aucun que pour sa gloire, pour l'instruction des Justes, pour la conversion ou la punition des méchants; et qui ménage à tous les hommes dans les objets même qui les séduisent, des ressources de grâces et des moyens de salut. .9, Propter hoc lætatum est cor meum, et exultavit lingua mea; insuper et caro mea requiescet in spe. y. 9. C'est ce qui m'a rempli le cœur de joie, ce qui m'a fait chanter vos louanges avec tant de plaisir, et ce qui me fait encore regarder la mort comme un paisible sommeil, en attendant le moment de ma résurrection. Et voilà, grand Dieu, ce qui remplit mon cœur d'une joie indicible. Je vois que le hasard n'a aucune part à tout ce qui arrive sur la terre, et que tous les événements les plus fortuits en apparence, les plus surprenants, sont préparés dans les conseils éternels de votre providence. Les enfants du siècle, qui attendent uniquement de leurs soins et de leurs mesures le succès de leurs projets, sont sans cesse déchirés par des craintes, ou par des espérances : leur cœur n'est jamais tranquille, parce qu'au lieu de le mettre entre vos mains, ils le laissent à la merci de l'incertitude des événements. Mais pour moi, Seigneur, je veux me reposer absolument sur vos vues sages et paternelles, de tout ce qui me regarde, et de ce qui pourra me regarder à l'avenir. Je suis entre vos mains, et c'est asseź pour voir d'un œil tranquille toutes les situations qu'il vous plaira de me ménager sur la terre: tristes ou agréables, j'y trouverai une source intarissable de joie et de consolation, parce que je me dirai à moi-même, que ce n'est ni la malice, ni la ferveur des hommes, mais vous seul, ô Père bon et miséricordieux, qui m'y avez placé. Je vous y chanterai des cantiques de joie et de louange: je recevrai avec une égale paix les biens et les maux passagers que vous répandrez sur moi. Tout vient de vous, grand Dieu, et tout ce qui vient de vous est toujours une grâce et un bienfait pour nous. C'est dans cette douce confiance, Seigneur, que je verrai couler paisiblement les jours de mon exil sur la terre, que j'en adoucirai les peines et les ennuis, que j'attendrai la mort avec paix, que je la regarderai comme un doux repos, comme la délivrance de tous les périls et de toutes les tentations qui nous affligent, et le tombeau qui recevra en dépôt les dépouilles de ma mortalité, comme un asile assuré qui me les rendra au jour de la révélation, afin que vous les rendiez vous-mêmes conformes au corps glorieux de votre Fils ressuscité. y. 10. Quoniam non derelinques animam meam in inferno, nec dabis sanctum tuum videre corruptionem. . 10. Car vous ne me laisserez pas long-temps dans le tombeau, et vous préserverez votre serviteur de la corruption. Que de consolations, ô mon Dieu! dans cette bienheureuse espérance ! Les enfants du siècle, qui bornent à cette vie tous leurs desirs et tout leur espoir, n'ont rien qui les console des malheurs qu'ils y éprouvent. Le siècle à venir est pour eux une chimère, un chaos qui ne leur offre que les ténèbres et le néant. Ils se hâtent de jouir du présent: mais comme mille chagrins en empoisonnent la jouissance, et que souvent le monde même, où ils cherchent une injuste félicité, les méprise, les abandonne pour toujours, les accable de rigueurs et de mauvais traitements; ils se trouvent malheureux sans ressource; il n'y a plus qu'une noire tristesse, que des plaintes amères sur l'injustice du monde, ou un affreux désespoir caché sous le nom spécieux de philosophie et de mépris des hommes qui puisse les consoler. La mort ne finit leurs peines passagères, que pour leur en laisser entrevoir au-delà de plus cruelles et de plus durables. Ils ne savent si leur ame sera la pâture des vers comme leur corps; ce qu' ls deviendront dans ce séjour ténébreux et éternel, où leur raison se perd, et où la religion ne leur montre que des objets affreux et désespérants. Mais pour ceux qui espèrent en vous, grand Dieu, ils peuvent être frappés, méprisés, affligés en cette vie ; l'avenir, qui est proche, et qui est sans cesse ouvert à leurs yeux, essuie toutes leurs larmes; ils savent qu'unis à Jésus-Christ, leur chef, ils ressusciteront comme lui, et que leur ame, comme la sienne, sortira glorieuse du tombeau pour retourner dans votre sein, d'où elle étoit sortie; et que si leur chair n'a pas le privilége, comme la chair divine de votre Fils, d'être exempte de la corruption dans le séjour de la mort, du moins leurs cendres se ranimeront un jour; cette boue se changera encore en une chair vivifiée, brillante d'éclat et d'immortalité, et que pas un cheveu de leur tête ne périra. . 11. Notas mihi fecisti vias vitæ; adimplebis me lætitiá cum vultu tuo, delectiones in dexterá tuá usque in finem. . 11. Bientôt vous me ferez revoir le chemin de la vie : |