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saint et précieux trésor, que s'il avoit conquis un empire. Ce trône d'ignominie, où il est attaché, sera bientôt un trône de gloire, au pied duquel les princes et les souverains viendront courber leurs têtes superbes; un trône de puissance et d'autorité, sur lequel il jugera toutes les nations de la terre; un trône de grâce et de miséricorde, au pied duquel tous les peuples trouveront la vie et le salut; un trône de science et de doctrine, sur lequel il instruira jusqu'à la fin tous les hommes, et leur apprendra les vérités de la vie éternelle; enfin, un trône de sagesse et de conseil, d'où ce nouveau Salomon gouvernera tous les peuples dans la justice, dans la paix et dans l'abondance. La puissance et le règne des rois de la terre finissent avec eux : le règne de Jésus-Christ ne commence à éclater que par sa mort, et ses opprobres sont la première source de ses grandeurs et de sa gloire. Père saint! votre Fils et véritable Joseph, que nous pleurons, vit donc encore : la malice de ses frères, qui l'ont livré, n'a donc servi qu'à faire éclater sa grandeur et sa puissance: il est sorti du puits fatal où l'envie l'avoit enseveli; et tous les peuples de l'Egypte et l'univers entier, reconnoit sa domination et son pouvoir suprême : Filius tuus vivit, et ipse dominatur in omni terra Egypti (Gen., XLV, 26).

Mais, mes Frères, tout reconnoît aujourd'hui la souveraineté de Jésus-Christ sa croix triomphe du ciel et de l'enfer; de l'aveuglement des Juifs, et de l'incrédulité des Gentils, de la barbarie des bourreaux, de l'endurcissement même d'un pécheur mourant. Toute la nature le confesse, toutes les créatures le reconnoissent; et nous lui fermerions tout seuls notre cœur, et nous nous obstinerions tout seuls à dire : Nous ne voulons pas que celui-ci règne sur nous : Nolumus hunc regnare super nos (Luc., xrx, 14)? Les morts entendent aujourd'hui sa voix, et sortent de leurs tombeaux ; et nous demeurerions encore ensevelis dans l'abîme de nos dissolutions, quoique sa voix puissante nous crie aujourd'hui au fond de nos cœurs, du haut de sa croix : Levez-vous, ô vous! qui dormez d'un sommeil de mort: sortez de la profondeur de vos crimes et de vos ténèbres; et ce Jésus que vous voyez crucifié pour vous, vous rendra la vie et la lumière que vous avez perdue : Surge, qui dormis; et exsurge à mortuis, et illuminabit te Christus (Ephes., v, 14). Les rochers se brisent, et nos cœurs plus insensibles ne sauroient s'amollir? le voile du temple se déchire; et le voile impénétrable, qui est sur notre conscience, sur ce sanctuaire d'iniquité, et qui nous empêche depuis si long-temps d'en manifester au prêtre les

souillures secrètes, ne peut s'ouvrir et se déchirer; et nous tenons encore cachés au dedans de nous ces mystères d'abomination, qui font de notre cœur le temple des démons, l'asile des esprits immondes, et un théâtre affreux de remords, de confusion et de trouble? Ne sortirons-nous pas enfin de ce royaume de ténèbres, où nous vivons, pour entrer dans un royaume de lumière? ne nous lasserons-nous pas enfin d'avoir été jusques ici les esclaves misérables d'un monde, qui n'a point de droit sur nous, qui n'est pas digne de nous, qui ne peut rien faire pour nous? et refuserons-nous de prendre Jésus-Christ, qui vient de mourir pour nous, pour notre roi et notre Seigneur véritable? O mon Sauveur, quelles ressources peut-il rester à vos miséricordes infinies pour les pécheurs, si tout ce que vous faites aujourd'hui pour eux n'excite pas leur amour, leur componction et leur reconnoissance; et s'ils s'obstinent encore à périr, malgré la voie que vous leur ouvrez aujourd'hui par votre sang, pour arriver à la vie éternelle ? Ainsi soit-il.

SERMON

SUR LA RESURRECTION

DE NOTRE SEIGNEUR.

Traditus est propter delicta nostra, et resurrexit propter justificationem nostram.

Il a été livré à la mort pour nos péchés, et il est ressuscité pour notre justification. (Rom., IV, 25.)

C'est avec raison, mes Frères, que l'Église a célébré dès le commencement le grand mystère que nous honorons, comme le plus heureux de ses jours, et sa solennité par excellence. C'est aujourd'hui le grand jour du Seigneur, ce jour que le Seigneur a fait, et qu'il a fait plus glorieux pour lui et pour son Eglise, que tous les autres jours. Oui, mes Frères, c'est en ce jour que le scandale est ôté; que tous les mystères ignominieux de Jésus-Christ se développent; que le secret de ses souffrances est éclairci; que l'obscurité de ses paraboles est comprise, et le sens des Ecritures manifesté. C'est en ce jour que sa mission est autorisée, son ministère reconnu, ses promesses confirmées, ses prédictions accomplies, sa doctrine justifiée, et tous ses travaux couronnés. C'est aujourd'hui que les disciples chancelants se rassurent, que leur tristesse se change en joie, que leur incrédulité est guérie, que les ennemis de la religion sont confondus, que la foi de tous les siècles est établie, que la vérité de nos mystères est

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prouvée, que l'Église sort avec son libérateur triomphante du tombeau, que la docilité de tous les peuples du monde est préparée, et tous les esprits d'erreur, qui doivent s'élever un jour, convaincus de contradiction ou d'imposture. C'est aujourd'hui enfin, que l'immortalité nous est assurée; les tribulations de la chair adoucies; les souffrances de notre exil consolées; et une vie toute spirituelle proposée aux chrétiens.

Oui, mes Frères, Jésus-Christ étoit mort pour crucifier le vieil homme; il ressuscite pour former le nouveau: il étoit mort pour délivrer des esclaves; il ressuscite pour apprendre aux enfants à user saintement de leur liberté il étoit mort pour payer nos dettes; il ressuscite pour nous combler de ses grâces: il étoit mort pour sauver des coupables; il ressuscite pour instruire et perfectionner des Justes: il étoit mort pour fermer les portes de l'enfer; il ressuscite pour nous ouvrir celles du ciel en un mot, il étoit mort pour nos péchés; il ressuscite pour notre justification : Traditus est propter delicta nostra, et resurrexit propter justificationem nostram.

Pourquoi cela, mes Frères? pour deux raisons que je vous prie d'écouter avec attention. Premièrement, il ressuscite pour notre justification; parce que sa résurrection renferme les motifs les plus pressants que la religion puisse nous fournir, pour persévérer dans la grâce de la justification, que nous venons de recevoir dans les sacrements; c'est mon premier point : en second lieu, parce que sa résurrection nous propose les moyens les plus sûrs d'y persévérer; c'est le second. La résurrection de Jésus-Christ nous anime à persévérer dans la grâce reçue; nous apprend à y persévérer : elle est le motif et le modèle de notre persévérance. Voilà le sens des paroles de mon texte : Traditus est propter delicta nostra, et resurrexit propter justificationem nostram ; c'est là tout le sujet de ce discours.

PREMIÈRE PARTIE.

Les principales sources de l'inconstance des hommes dans les voies de Dieu, sont ou dans un affoiblissement de la foi, qui commence à s'éteindre, et à jeter une espèce de nuage sur les vérités de la doctrine sainte; ou dans la tiédeur de l'espérance, qui n'ouvre plus le sein de la gloire à leurs yeux, et ne réveille plus en eux le desir des biens éternels. Or, la piété chrétienne trouve dans le mystère de la résurrection, des préservatifs contre ces deux écueils, et des motifs très-puissants pour persévérer dans la grâce, où la participation aux saints mystères a dù vous établir en ces jours solennels.

En effet, en premier lieu, si l'affoiblissement de la foi est d'ordinaire la première source de nos rechutes; s'il y a toujours une sorte d'incrédulité qui devance le crime; s'il faut que l'esprit doute en quelque manière des vérités que le cœur abandonne, et que la religion s'affoiblisse dans une ame où la piété s'éteint; qui peut douter que la résurrection de Jésus-Christ ne soit le grand témoignage de la foi chrétienne, et que tous les autres mystères ne trouvent en celui-ci leur vérité et leur certitude? En effet, si Jésus-Christ n'est pas ressuscité, disoit autrefois l'Apôtre aux fidèles de Corinthe, notre prédication est inutile, votre foi est vaine, et nous sommes nous-mêmes des imposteurs. Mais par une raison contraire, si JésusChrist est ressuscité, notre ministère vient donc du ciel, votre foi est certaine, la doctrine de l'Evangile est divine, ses promesses sont infaillibles.

Oui, mes Frères, si la vertu du Père a délivré Jésus-Christ d'entre les morts, Jésus-Christ étoit donc un envoyé du ciel, pour annoncer aux hommes la doctrine du salut. Le Dieu véritable et fidèle n'auroit pas voulu autoriser l'imposture, en la revêtant du caractère de la vérité, et l'honorant d'une grâce, dont jusqu'à Jésus-Christ aucun homme mortel n'avoit été favorisé, puisqu'il ressuscite pour ne plus mourir : prodige que JésusChrist lui-même avoit promis à ses disciples et à ses ennemis, comme le témoignage le plus décisif de la vérité de son ministère. Donc, sa résurrection une fois établie, tous ses mystères sont prouvés, dit saint Augustin, et la foi des chrétiens n'a besoin que de ce seul témoignage : Resurrexit Christus, absoluta res est (S. AUG.).

Or, comme je parle ici à un peuple fidèle, qu'il faut édifier, et non pas convaincre, je ne m'arrête pas à vous montrer que tout établit aujourd'hui la vérité du miracle éclatant de la résurrection du Sauveur. Premièrement, les précautions mêmes de ses ennemis ils avoient scellé le tombeau ; ils l'avoient environné de soldats; ils n'avoient rien oublié pour éviter une surprise. Ils se souvenoient que ce Jésus qu'ils ont crucifié, avoit prédit qu'il ressusciteroit le troisième jour; ils ne paroissoient attentifs qu'à empêcher les disciples d'enlever le corps de leur divin Maitre : des ennemis si puissants, si vigilants, si intéressés à n'être point surpris, n'avoient garde de se laisser surprendre. Secondement, la déposition des soldats : ils leur font publier, que pendant qu'ils dormoient, les disciples sont venus enlever le corps de leur Maitre. Mais si un profond sommeil ne leur a pas permis de le voir, comment peut-il leur permettre de l'assurer? D'ailleurs une multitude de satellites

tous ceux mêmes que l'incrédulité conteste à la foi des chrétiens.

D'ailleurs, ces disciples ont abandonné JésusChrist pendant sa vie, tandis qu'ils le regardoient encore comme le libérateur promis à leurs pères, et le Christ, Fils du Dieu vivant; et ils le confesseront généreusement sur les échafauds après sa mort, lorsqu'ils ne doivent plus le regarder que comme un séducteur, qui n'est pas ressuscité selon sa promesse? ils verseront tout leur sang pour un homme qui a abusé de leur crédulité? ils se répandront dans tout l'univers, comme des désespérés, pour débiter un fait qu'ils croient fabuleux? et parmi tous ces hommes foibles et timides, aucun d'eux ne se démentira, et ne confessera au milieu des tourments, sa fureur ni son extravagance? Mais je sens que j'insiste trop long-temps sur une vérité si éclatante, et que votre religion est blessée des soins que je semble prendre pour la justifier.

destinés à veiller sur le sépulcre et à le garder, peuvent-ils tous de concert, et en même temps, s'être livrés au sommeil, et à un sommeil si profond et si durable, qu'étant presque assis sur la pierre qui fermoit le tombeau, ils aient donné le temps aux disciples de l'ouvrir, d'en tirer le corps du Sauveur, sans qu'un ouvrage si long, si difficile, si impraticable, sans bruit et sans agitation, n'ait éveillé quelqu'un des soldats, et déconcerté une entreprise si téméraire et si insensée ? De plus, ces disciples doutent eux-mêmes; ils n'espèrent plus l'accomplissement des promesses de JésusChrist; ils refusent même de s'en rapporter au témoignage des saintes femmes : des esprits si grossiers et si incrédules, sont bien éloignés de publier ce qu'ils ne croient pas eux-mêmes. Troisièmement, les apparitions du Sauveur. Ce n'est pas une seule fois qu'il se montre à ses disciples; on eût pu se défier de l'illusion; c'est fort souvent: ce n'est pas en passant; l'imagination frappée peut pour un peu de temps suppléer à la vérité par ses images, et transporter au dehors ses propres songes; c'est pendant quarante jours ce n'est point de loin, et au milieu des airs, où le prestige eût été probable; c'est au milieu d'eux, mangeant, buvant avec eux, se laissant voir de leurs yeux et toucher de leurs mains, et les instruisant, et leur parlant du royaume de Dieu : ce n'est pas à un seul ; il est des esprits plus crédules que les autres ; c'est à tous en commun, et à plusieurs en particulier : ce n'est pas sous une figure nouvelle; le changement eût été suspect; c'est avec ses plaies, et tous les traits auxquels on pouvoit encore le reconnoître. Enfin, le martyre des Apôtres, pour rendre témoignage à la vérité de ce miracle, dont ils avoient été témoins: Cujus nos omnes testes sumus (Act., II, 32). Quel intérêt ont-ils de le publier, si Jésus-Christ n'est pas ressuscité? quoi! ils vont s'exposer aux plus cruels tourments pour établir une doctrine qu'ils croient eux-mêmes fausse! ils vont tromper le genre humain, sans attendre d'autre prix de leur imposture que les feux, les roues et les gibets! Une fausse persuasion, en matière de religion surtout, peut pousser des esprits simples et crédules à des excès et à des démarches extraordinaires. Mais que des pêcheurs grossiers, que des hommes sans lettres, et de la lie du peuple, entreprennent, de sang-froid, d'aller séduire l'univers, et de braver tous les genres de mort les plus affreux, pour publier que leur Maitre est ressuscité, et qu'ils soient persuadés qu'il ne l'est pas ; c'est une sorte d'extravagance dont les hommes ne sont pas capables, et qui deviendroit un plus grand prodige, que TOME II.

Or, voilà, mes Frères, comme la résurrection du Sauveur soutient la foi de l'homme juste : il voit dans ce mystère toute la religion assurée; les châtiments dont elle menace, certains; ses promesses, infaillibles; ses préceptes, nécessaires; ses conseils, importants; ses observances, res pectables; le plus simple détail de son culte, digne de nos hommages. Dès là que Jésus-Christ est ressuscité, ah! dès lors je ne trouve plus rien de si grand que la vertu; rien de plus à craindre que le vice; rien de plus insensé que de négliger le soin de son ame; rien de plus sage que de sacrifier au salut. Dès là les dérisions des impies sur la sainteté de nos mystères, sont des extravagances que j'ai peine à comprendre, et des blasphèmes dont j'ai horrear; les réflexions des sages du monde sur les saintes obscurités de la foi, des discours d'enfant. Dès là l'Evangile me paroît ma seule règle; les exemples de Jésus-Christ, mon modèle; les terreurs de la piété, des dons de Dieu; la sécurité des libertins, une fureur désespérée; en un mot, l'infidélité aux grâces reçues, et les rechutes dans les premiers désordres, le plus grand des malheurs, et le caractère des réprouvés.

Or, mes Frères, quoi de plus propre à mettre un frein à l'inconstance du cœur de l'homme, et à l'établir dans une piété solide et durable, que ces grandes vérités? Ah! aussi les disciples, témoins de la résurrection de Jésus-Christ, ne se démentent plus; ils persévèrent tous jusqu'à la fin dans la prière, et dans le ministère de la parole sainte ; il ne se trouve plus parmi eux de Judas, qui abandonne la vérité connue. Dès que le Seigneur a apparu à Pierre, cet Apôtre ne retombe plus, et

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confirme même ses frères. A peine Thomas a-t-il touché les cicatrices glorieuses de ses plaies, qu'il adore son Seigneur et son Dieu, et demeure à jamais fidèle. Les disciples d'Emmaüs ne l'ont pas plus tôt reconnu à la fraction du pain, qu'ils retournent à Jérusalem se réunir aux autres disciples. Ah! mes Frères ! ne sommes-nous pas tous ici les témoins de la résurrection de Jésus-Christ? ne sommes-nous pas les enfants des saints, qui le virent et qui l'adorèrent sur la montagne de Galilée? Nous avons vu de leurs yeux, et touché de leurs mains: nous avons même senti, en ces jours heureux, Jésus-Christ ressuscité au dedans de nous par la grâce des sacrements. Eh! pourquoi retournerions-nous donc encore en arrière? pourquoi rentrerions-nous dans nos premières voies? Si ce mystère rend notre foi inébranlable, pourquoi laisseroit-il encore des inconstances à notre cœur? S'il seroit monstrueux, après tant de preuves, dit saint Augustin, de ne pas croire; l'est-il moins de croire, et de vivre comme si l'on ne croyoit pas? Un fidèle persuadé qu'il ressuscitera, pour jouir d'un bonheur éternel, ou pour être livré à des flammes éternelles, peut-il oublier un si grand intérêt, durant le seul instant qu'il paroît sur la terre? et si des biens fugitifs qui n'ont rien de réel, et que nous ne goûtons qu'un moment, peuvent nous séduire, la véritable félicité, des biens sans fin et sans mesure, une éternité de gloire, de magnificence, de vrai bonheur, qui nous est aujourd'hui montrée, ne sauroit-elle nous détromper, et dissiper pour toujours l'erreur qui nous a fait prendre le change, prendre l'ombre pour la vérité, la terre pour le ciel, et un temps qui se précipite et qui va finir demain, pour l'éternité?

Second motif que je prends dans ce mystère, pour nous animer à conserver la grâce reçue en ces jours saints. Non-seulement ce mystère affermit notre foi; mais encore premièrement, il rassure notre espérance; secondement, il la console; troisièmement, il la corrige. La résurrection de Jésus-Christ rassure notre espérance. Nous savons, dit l'Apôtre, que nous lui serons un jour semblables, et que nous suivrons la destinée de notre chef: nous savons qu'étant le premier né d'entre ses frères, il ne doit être que les prémices heureuses de ceux qui dorment pour ressusciter; et qu'une portion de notre nature n'a été délivrée en lui de la mort et de la corruption, que pour servir de gage à l'espérance de la nature entière : nous savons que sa résurrection seroit inutile, si nous ne devions pas ressusciter avec lui; qu'il seroit dans le ciel, sans Eglise, sans sacerdoce, sans

sacrifice; et qu'il n'y seroit pas notre pontife éternel, s'il n'offroit pas éternellement son corps mystique à son Père. Ainsi nous savons que nos frères; qui nous ont précédés avec le signe de la foi, et qui dorment en Jésus-Christ dans le sommeil de la paix et de l'unité, n'ont pas péri sans ressource; qu'ils ont disparu à nos yeux, mais qu'ils attendent la bienheureuse espérance; que leurs corps ont été brûlés, traînés, déchirés, mis en poussière, la pâture des oiseaux du ciel, ou des animaux de la terre; mais que celui qui appelle les choses qui ne sont pas, comme celles qui sont, rassemblera des quatre vents les portions dispersées de leur chair; démêlera dans toutes les créatures ce qui appartient à ses élus; reprendra leurs restes précieux, que la révolution des temps et la vicissitude des choses a confondus, et qui sont connus de lui seul; et que pas un cheveu de leur tête ne périra.

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Or, dans ce souvenir, mes Frères, que de puissants motifs pour affermir une ame dans la grâce et dans le service de Dieu! Je ressusciterai avec cette chair que je vais déshonorer : je la porterai aux yeux de Jésus-Christ et de ses anges, encore marquée des taches honteuses de mes iniquités. Hélas! si tout devoit mourir avec moi, je pourrois tout permettre à mes desirs corrompus: mais l'impie ressuscitera comme le Juste la trompette fatale éveillera, sans égard, tous ceux qui reposeront sous l'empire de la mort il faudra reparoître sur la scène à la face de tout l'univers; et voir revivre des œuvres de ténèbres, que je croyois ensevelies dans un éternel oubli. Quoi! pendant toute l'éternité, la honte de l'action que je vais commettre, me sera reprochée ? ni les siècles, ni les années, ni les tourments, n'effaceront jamais cette circonstance honteuse de ma vie? un plaisir si rapide, qui n'est déja plus lorsque je le goûte, et dont je me dispute moi-même, en le goûtant, la fausse douceur, par des remords et des agitations secrètes; ce moment si fugitif sera écrit dans le livre des vengeances du Seigneur en caractères immortels; sera scellé dans les trésors de la colère divine, et durera autant que la justice de Dieu mème? Grand Dieu! puisque mes actions, mes paroles, mes pensées, mes desirs, doivent vivre à vos yeux pendant les années éternelles, soutenez ma foiblesse, et faites entendre à mon cœur, qu'un chrétien ne doit plus rien se permettre, qui ne soit digne de l'éternité!

En second lieu, la résurrection de Jésus-Christ console notre espérance. Car, mes Frères, si la piété a ses douceurs, elle a aussi ses amertumes; et les combats éternels, ou qu'il faut se livrer à soi-même, ou qu'il faut soutenir du côté de pres

que tous les objets qui nous environnent, en sont les épines et les violences. La vertu ne se conserve que par des sacrifices continuels; et si vous vous relâchez un moment, vous êtes perdu; les passions renaissent, ce semble, de leur propre défaite : vous croyez avoir résisté jusqu'au sang, et remporté la victoire, qu'il faut recommencer le combat. Or, on se lasse d'être toujours aux prises avec soi-même, de porter toujours un royaume divisé au dedans de soi : on penche naturellement à vivre d'intelligence avec son propre cœur, et à jouir tranquillement de soi-même; et voilà la source la plus commune de nos rechutes.

Or, dans ces dangereuses épreuves, rien ne soutient et ne console l'ame fidèle, comme l'espérance de la résurrection: elle sait que ce corps de péché, qui l'appesantit, sera bientôt conforme à la ressemblance de celui de Jésus-Christ glorieux et ressuscité. Ainsi loin de s'abattre sous le poids de sa chair, elle sent que sa délivrance s'approche : plus l'ange de Satan la presse, plus le desir d'être délivrée de ce corps de mort, augmente : plus l'aiguillon du péché se fait sentir, plus elle souhaite sa dissolution et sa réunion avec Jésus-Christ: elle trouve dans sa foiblesse une nouvelle force; ses tentations portent avec elles leur remède; et tous les mouvements qui l'avertissent du fond de sa corruption, la consolent par l'espérance de l'immortalité, qui la délivrera de toutes ces misères.

du

Dans les tribulations qui arrivent au Juste, côté des créatures, il n'en est aucune que cette espérance n'adoucisse. Job, sur son fumier, voit tranquillement son corps tomber en pièces : Je sais, dit-il, que mon Rédempteur est vivant; que je ressusciterai de la terre au dernier jour; que je verrai mon Dieu et mon Sauveur avec cette même chair, dont les vers et la pourriture ont déja fait un cadavre (JOB, XIX, 25, 26). Cette douce espérance est cachée dans mon sein (Ibid., 27). Et il ne faut que cela, mes Frères, pour consoler toute la rigueur de ses peines : Reposita est hæc spes mea in sinu meo. Nous nous réjouissons dans les tribulations, disoient les premiers fidèles, parce que nous attendons Jésus-Christ du haut du ciel, qui réformera la bassesse de notre corps, afin de le rendre semblable à la gloire et à la clarté du sien, et que notre espérance est certaine. Dans cette attente, on nous maudit, et nous bénissons: on nous charge de chaines, et nous sommes libres on nous foule aux pieds, et nous ne sommes point abattus; et nous avons toujours la tête levée pour voir notre délivrance qui approche. Ainsi parloient autrefois par la bouche de l'Apôtre, des fidèles opprimés, persécutés, pro

scrits, traînés dans les prisons et sur les échafauds; il n'étoit plus de tourments si affreux qui ne leur parussent doux, dans la vue de la bienheureuse espérance.

Aussi, mes Frères, ils croyoient sans cesse voir arriver Jésus-Christ du haut des airs: ils croyoient que chaque jour alloit être le jour tant desiré de son avénement : c'étoit une erreur d'amour. On croit toujours toucher à ce qu'on desire avec ardeur; et les Apôtres avoient besoin de toute leur autorité, pour calmer là-dessus la vive impatience de ces saints disciples. Jésus-Christ lui-même avoit cru devoir prévenir les piéges qu'on pouvoit tendre un jour sur ce point à la vivacité de leurs empressements, et à leur crédulité, en les avertissant de n'ajouter pas foi trop facilement à ceux qui viendroient leur annoncer qu'il alloit paroître : Nolite credere (MATT., XXIV, 23). De là au milieu des tourments, ils défioient, avec une sainte fierté, la barbarie des tyrans: Vous pouvez bien déchirer nos corps, leur disoient-ils; le spectateur céleste de notre confession nous les rendra plus glorieux et plus éclatants: les plaies cruelles, dont vous défigurez nos membres, se changeront en des rayons de lumière; et votre inhumanité augmentera notre gloire. Tel étoit l'esprit de ces siècles heureux : une vaine spiritualité n'avoit pas encore interdit ces divines consolations à la vertu: on n'avoit pas encore fermé le sein de la gloire aux fidèles, pour les en rendre plus dignes: on n'avoit pas encore fait une perfection monstrueuse d'être indifférent aux promesses de la foi, pour y arriver plus sûrement on auroit eu horreur de penser que le salut dût être le fruit affreux du désespoir, ou de l'indifférence pour le salut même ; et la bienheureuse espérance étoit alors toute la piété et toute la perfection des fidèles.

En effet, le Juste seroit à plaindre s'il n'y avoit pour lui d'espérance qu'en cette vie. Si JésusChrist n'est point ressuscité, disoit autrefois l'Apôtre, et que nous n'espérions en lui que pour cette vie, nous sommes les plus malheureux de tous les hommes: Si in hac vità tantùm in Christo sperantes sumus, miserabiliores sumus omnibus hominibus (1. Cor., xv, 19); telle est la destinée du chrétien. L'Evangile en un sens ne fait que des malheureux selon le monde; ses maximes sont tristes, et ne promettent rien de trop agréable icibas (Ibid.); et s'il n'y a plus rien à espérer après cette vie, rien n'égale l'infortune d'un disciple de Jésus-Christ. Or, sur cette vérité incontestable, vous n'avez, mon cher Auditeur, qu'à vous décider vous-même, pour connoître si vous êtes disciple de Jésus-Christ, ou enfant du siècle, et par

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