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mis et du nôtre, qu'on n'en trouve presque d'exemple que parmi les peuples barbares. Eux seuls peuvent triompher d'une journée aussi sanglante et aussi meurtrière; pour nous, elle couvre même de deuil l'éclat de notre victoire : elle accompagne nos témoignages publics de reconnoissance envers le Dieu des armées, d'une tristesse d'humanité et de religion, et mêle à nos actions de grâces les larmes que nous ne pouvons nous empêcher de verser sur la mort de nos proches, de nos amis, et de tant de vaillants sujets, qui viennent de sacrifier généreusement leur vie pour la gloire du prince, et pour les intérêts de l'Etat.

Quels trophées pourrions-nous donc élever sur un champ de bataille tout couvert des corps entassés et des membres épars de tant de milliers de chrétiens? Transportons-nous y en esprit, mes Frères; et de ce lieu souillé de tant de ruisseaux de sang, et si lugubre même pour nous malgré notre victoire; de ce lieu, dont nous ne sommes demeurés les maîtres, que pour y lire et y méditer à loisir l'instabilité des choses humaines, et les malheurs inévitables des guerres; présentons au Dieu de paix ce spectacle si capable d'émouvoir ses entrailles paternelles: faisons monter jusqu'à lui la voix de tant de sang répandu; et que cette voix, loin de solliciter comme autrefois sa vengeance, la calme et la désarme: arrachons de ses mains par nos supplications, le glaive que sa justice fait de nouveau briller sur nos têtes: promettons-lui des mœurs plus saintes, et il nous accordera des jours plus tranquilles : faisons cesser les crimes qui l'irritent, et il suspendra les fléaux qui nous affligent. Les prières qu'on lui adresse pour la paix après la victoire, sont toujours plus sûrement exaucées : c'est la religion qui les inspire; c'est l'Eglise alors elle-même qui prie par notre bouche; c'est l'Esprit de Dieu qui demande pour nous, et qui forme en nous ces gémissements secrets; et le Seigneur ne rejette jamais des prières qu'il a formées lui-même dans nos cœurs.

Allons donc, mes chers Frères, nous assembler aux pieds de ses autels, plus touchés des horreurs qu'entraîne la guerre, que de la gloire de nos succès. Ne demandons pas à un Dieu, qui n'est descendu sur la terre que pour y éteindre dans son sang toutes les inimitiés, et réconcilier l'univers; ne lui demandons pas que son glaive achève d'exterminer les nations armées contre nous; ces prières de sang retomberoient sur nos têtes : demandons-lui cette paix, que les rois, que les victoires, que le monde ne sauroit donner, et qui ne peut être l'ouvrage que de ses miséricordes infinies : demandons-lui que les peuples et les rois réunis

enfin, et réconcilies, ne soient plus occupés qu'à le servir; et que plus jaloux d'étendre le règne de la foi que les bornes de leur empire, ils ne prennent plus les armes, que pour porter ensemble l'étendard de la religion, et la gloire du nom chrétien jusqu'à ces nations infidèles, qui doivent être appelées un jour à la connoissance de l'Évangile : In conveniendo populos in unum, et reges, ut serviant Domino (Ps., cı, 23).,

MANDEMENT

Pour faire chanter le Te Deum en actions de graces de la prise de Philisbourg.

11 AOUT 1734.

Les succès continuels qui accompagnent partout les armes du roi, mes chers Frères, justifient tous les jours une guerre que les motifs trop ordinaires de gloire n'auroient jamais fait entreprendre à un jeune monarque, dont la sagesse et la modération, connue même de nos ennemis, ne se proposoit que de rendre ses sujets heureux par un règne doux et pacifique. Il n'est armé que pour défendre la cause de l'innocent et de l'opprimé, et protéger la liberté d'une nation alliée, de tout temps en possession de se choisir ses maîtres.

Aussi Dieu protecteur de ces droits inviolables, qui font toute la sûreté des peuples et des empires, anime nos troupes d'une valeur au-dessus même de cette valeur si naturelle au sang françois. Les difficultés des entreprises leur en facilitent le succès: les eaux conjurees ne semblent rendre leurs conquêtes impossibles, que pour les rendre plus glorieuses; et chaque jour est marqué par de nouvelles victoires. L'Espagne, notre alliée, et rentrée en possession de son ancienne valeur, recouvre rapidement les couronnes que le malheur des temps lui avoit enlevées; et le prince qui les avoit usurpées, les perd, pour en avoir voulu mettre une étrangère sur la tête d'un usurpateur. Nos ennemis défaits en Italie, y trouvent à peine un asile pour ramasser les débris de leur armée, et se mettre en sûreté : et le plus fameux de leurs généraux n'est venu se présenter à la nôtre en Allemagne, que pour être témoin de la valeur de nos soldats, et spectateur tranquille de la conquête qu'ils viennent de faire à ses yeux, de la plus importante place de l'empire.

Des prospérités si suivies exigent d'autant plus de nous, mes chers Frères, des marques solennelles de reconnoissance envers le souverain dispensateur des événements, qu'elles pourront enfin ouvrir les yeux à nos ennemis sur l'injustice de leurs projets, et redonner à l'Europe une paix toujours préférable aux plus éclatantes victoires. Ne cessons pas, mes Frères, de la demander à celui seul qui peut la donner; et que cette prière, si digne de la religion, accompagne et sanctifie toujours la joie publique, et la célébrité de nos actions de grâces.

MANDEMENT

Pour faire chanter le Te Deum en actions de graces de la victoire remportée en Italie sur les Impériaux, par les troupes du roi, et celles du roi de Sardaigne.

22 OCTOBRE 1734.

La paix que l'Église ne cesse de demander pour ses enfants, et que nous devons, mes chers Frères, sans cesse demander avec elle, semble s'éloigner tous les jours de nous. Dieu irrité contre les crimes des hommes, se sert des hommes même, pour exercer envers eux ses vengeances; et en les arınant les uns contre les autres, il les punit, en Jes rendant eux-mêmes les instruments de sesehâtiments et de sa colère. Tant de sang déja répandu, n'apaise pas encore sa justice; un nouveau combat en Italie, encore plus sanglant que le premier, vient de donner un spectacle affreux à toute l'Europe. Mais au milieu de tant d'horreurs, le Dieu de Charlemagne et de Saint Louis, fait briller sur la France, et sur le successeur de leur couronne et de leur foi, des signes éclatants de protection et de bienveillance; la victoire nous suit partout; l'audace, les ruses, les efforts de nos ennemis finissent toujours par la honte de leur défaite : ils peuvent surprendre la vigilance de nos troupes; mais ils ne peuvent résister à leur valeur, et ils sont battus, dès que nous sommes à portée de combattre. Nos frontières et l'intérieur du royaume sont à couvert des ravages et des autres calamités de la guerre: et tandis que nos ennemis voient leurs terres désolées, et tout leur pays en proie à la licence du soldat; le laboureur chez nous cultive en paix nos campagnes, et le citoyen tranquille autour de son, foyer, en recueille les fruits, et se trouve heureux de les partager entre les besoins de sa famille, et ceux de l'Etat.

Ne nous glorifions pas, mes Frères, de ces avantages; ne mettons pas, comme nous exhorte le Prophète, notre confiance et notre sûreté, dans notre arc ni dans notre glaive. Nos armes ne sont victorieuses, et nos troupes invincibles, que parce que Dieu combat pour nous. La même main qui nous protége peut aussi nous abandonner; et d'autant plus que malgré nos victoires, nous devons

toujours regarder la guerre comme un fléau que nos crimes nous ont attiré. Méritons la continuation des faveurs du ciel, en déplorant la triste nécessité qui nous arme contre nos frères; que nos victoires deviennent elles-mêmes pour nous de nouveaux motifs de souhaiter la paix; sanctifions toujours par ce desir nos actions de grâces; elles en seront bien plus agréables à celui qui est le Dieu et le Père de nos ennemis comme le nôtre. Sa tendresse se réveillera sur eux et sur nous; il conciliera les intérêts qui nous divisent, et qui paroissent irréconciliables à la sagesse humaine; il éclaircira ce chaos de prétentions opposées, où toute la raison de l'homme se perd, et qui semble nous annoncer une guerre éternelle. Les états et les empires, après tant de tristes convulsions qui les agitent, prendront enfin une consistance fixe et assurée : celui qui sut tirer du premier chaos l'harmonie et l'ordre de l'univers, saura bien tirer du trouble même et de la confusion, où sont la plupart des peuples et des états de l'Europe, l'arrangement qui doit y établir l'ordre et la tranquillité: la paix descendue du ciel y réunira les cœurs et les intérêts, et nous bénirons avec nos ennemis les miséricordes infinies du Seigneur, qui aura bien voulu la donner à la terre.

MANDEMENT

Sur le retranchement de quelques fêtes.

29 AOUT 1736.

L'Église toujours attentive à ménager à ses enfants de nouveaux moyens de salut, leur a proposé dès le commencement les exemples des saints dont les vertus avoient le plus éclaté sur la terre; et afin que ces grands exemples fissent sur nous encore plus d'impression, elle a consacré par un saint repos et par un culte public, les jours destinés à honorer leur triomphe. Mais à mesure que la foi des peuples s'est refroidie, et que ces solennités saintes se sont multipliées, une loi si sage et si utile n'a servi qu'à multiplier les transgressions: elle est devenue onéreuse et comme impraticable aux gens de la campagne en leur interdisant le travail, l'unique ressource de leur misère; et le repos ordonné dans ces jours saints, n'a été pour beaucoup d'autres qu'une occasion de les profaner par les jeux, la fréquentation des cabarets, et d'autres excès, suite ordinaire de l'oisiveté et de la grossièreté des peuples dans les campagnes. Ce sont ces inconvénients si publics et si honteux à la religion, que nous avons résolu de prévenir, à l'exemple de la plupart des évêques de l'église de France.

MANDEMENT

Pour la troisième visite générale de son diocèse. 5 MARS 1738.

En vous annonçant aujourd'hui, mes très-chers Frères, notre troisième visite générale, et vous disant, avec l'Apôtre aux fidèles de Corinthe : Ecce tertiò venio ad vos (2. Cor., XIII, 1; nous pouvons bien ajouter avec lui, lorsque, allant à Jérusalem, il visitoit les fidèles de l'Asie; que ce sera ici la dernière fois que nous aurons la consolation de passer par vos églises. La patience divine n'a déja que trop prolongé la durée de notre épiscopat, et différé de vous donner à notre place un pasteur selon son cœur, qui répare nos fautes, qui coopère plus fidèlement que nous à ses desseins de miséricorde sur vous, et achève en vous l'œuvre de l'Evangile, que nous n'avons encore que foiblement commencé : en attendant la fin de notre carrière, dont le terme ne sauroit être loin, nous ne cesserons de vous porter dans nos entrailles paternelles; et les infirmités de l'âge n'affoibliront jamais le tendre amour que nous avons toujours conservé pour nos peuples: trop heureux si notre tendresse vous avoit été aussi utile, qu'elle a été réelle et sincère. Préparez-vous done, mes trèschers Frères, à recevoir en notre personne JésusChrist lui-même, le souverain pasteur et l'évêque de nos ames (1. Petr., II, 25.): c'est lui dont nous ne sommes que les foibles organes, qui va vous visiter, vous consoler, et vous instruire par notre bouche. Quand même, comme le disoit encore le même Apôtre aux fidèles de Corinthe, notre présence n'auroit rien que de foible et de commun aux yeux des sens, et que notre discours paroîtroit vulgaire et contemptible (2. Cor., x, 10), à la fausse sagesse de l'orgueil, c'est toujours Jésus-Christ qui vous parlera en nous; c'est lui qui vous apparoîtra en notre personne, et qui se cachera sous les dehors humiliants de nos foiblesses et de notre mortalité. Préparez donc les voies à ce pontife des biens éternels, qui va élever au milieu de vos églises le trône de sa gráce (Hebr., 1v, 16), pour la répandre abondamment sur tous ceux qui en approcheront avec cette confiance qu'inspire l'amour et le sentiment profond des misères et des besoins qui nous la rendent si nécessaire.

Pour vous, nos vénérables Frères, qui associés à notre sacerdoce et à notre ministère, partagez avec nous les soins du troupeau immense qui nous est confié; nous nous confions dans le Seigneur, que les grâces de cette visite se répandront encore plus abondamment sur vous que sur vos peuples :

plus vos devoirs sont sublimes et périlleux, plus vous avez besoin de nouveaux secours, pour fortifier en vous ce qui commençoit à s'affoiblir, affermir ce qui chanceloit déja, et rallumer ce qui étoit prêt à s'éteindre.

Nous-mêmes, chargés d'une sollicitude plus générale, et plus exposés à nous ralentir sous le poids que les desseins impénétrables de la Providence nous ont imposé; nous avons besoin que l'exemple de tant de bons ouvriers, que la miséricorde de Jésus-Christ conserve à ce diocèse, et que nous avons la consolation de retrouver dans nos visites, nous ranime et prévienne en nous les affoiblissements inséparables de l'âge, et encore plus du fonds de notre corruption.

Nous espérons donc, nos vénérables Frères, que vous aurez la même joie de nous revoir, que nous aurons nous-mêmes de vous retrouver à la tête de vos troupeaux, les nourrissant du pain de la parole sainte, les édifiant et les animant par vos exemples, les sanctifiant par les grâces et les secours des sacrements, et les préparant tous à porter un jour aux pieds du souverain pasteur, le fruit de vos travaux et de vos peines, et de former avec vous une portion de l'Eglise éternelle des premiers-nés.

MANDEMENT

Pour faire chanter le Te Deum en actions de graces de la paix conclue entre le Roi et l'Empereur.

16 JUIN 1739.

Nous avions toujours gémi, mes chers Frères, sur les horreurs et le carnage affreux qu'offroit à nos yeux la fureur de la dernière guerre: nos avantages mêmes ne pouvoient nous consoler de la déplorable effusion du sang chrétien; et nos actions de grâces solennelles aux pieds des autels, étoient plutôt des vœux publics et pieux pour la paix, que des chants de joie sur nos victoires. L'esprit de sagesse et de modération qui gouverne la monarchie, s'étoit même emparé de nos armées ; et dans une guerre où elles n'avoient jamais donné des preuves plus éclatantes de valeur, on ne les vit jamais plus disposées à préférer le bonheur de n'avoir plus d'ennemis, à la gloire de les vaincre.

Mais s'il étoit louable alors de desirer la paix, il n'étoit ni sage ni possible de se la promettre. Deux maisons augustes, de tout temps rivales, et toujours occupées les armes à la main à se disputer la gloire de la principale autorité dans l'Europe, avoient mis les peuples et les nations, et presque l'univers entier dans leurs dissensions: les cœurs paroissoient aussi irréconciliables que les intérêts : la voix terrible de la colère de Dieu, irritée par nos crimes, avoit, pour ainsi dire, sonné la guerre, mis en mouvement, et ébranlé toute la terre : Dedit vocem suam, mota est terra, conturbate sunt gentes, et inclinata sunt regna (Ps., xLv, 7); tout étoit dans le trouble, ou dans le mouvement pour s'y jeter; et loin qu'une guerre si vive et si cruelle parût devoir finir, elle étoit sur le point de s'étendre et d'embraser le reste des états, qui n'en avoient été jusque-là que simples spectateurs.

Quel prodige, mes chers Frères, que celui d'un calme universel, que le Seigneur a fait succéder à une guerre qui agitoit l'Europe entière, et cela dans le temps où le feu de la discorde, plus enflammé que jamais, sembloit ne devoir plus s'éteindre! Venite, et videte opera Domini, quæ posuit prodigia super terram, auferens bella usquè ad finem terræ (Ps., XLV, 9, 10).

Le long usage que vous avez déja fait du bonheur de cette paix miraculeuse, vous en a diminué la surprise, et peut-être aussi la reconnoissance : mais rappelez ce moment à jamais mémorable, où moins que jamais attendue, elle vous fut annoncée comme sûre; et rappelez avec ce souvenir les actions de grâces que chacun de vous, au milieu de la surprise et de la joie publique, rendit au Seigneur avec une acclamation générale.

MANDEMENT

Pour les missions de son diocèse.

20 JANVIER 1742.

Comme la dureté de nos cœurs, mes très-chers Frères, oppose tous les jours de nouveaux obstacles aux miséricordes infinies de Dieu sur nous; il semble que sa bonté paternelle ne se lasse point de son côté de tenter tous les jours de nouvelles voies pour nous rappeler de nos égarements. Il frappe nos terres de stérilité; il permet que les besoins de l'état augmentent le poids des charges publiques, tandis qu'il nous retranche une partie des moyens de les soutenir: il a répandu la maladie et la mort sur nos villes et sur nos campagnes; nous avons vu à nos côtés les pères enlevés aux enfants, et les enfants les plus tendrement aimés, à leurs pères; nous n'avons cessé, et nous ne cessons encore de nous plaindre de ces malheurs publics; mais nous ne pensons pas à faire cesser les infidélités et les crimes qui nous les attirent.

Nos pasteurs du haut des chaires chrétiennes ont beau nous annoncer que les temps deviendront plus heureux pour nous, si nos mœurs deviennent plus pures et plus saintes. En vain ils font retentir au milieu de nos temples les prières publiques de l'Église pour vous rendre le ciel plus favorable; vous y courez pour obtenir le changement des saisons, et non celui de vos cœurs: vous y demandez que cette terre périssable change sa stérilité en une heureuse abondance; mais vous n'y demandez pas que celle de votre cœur devienne cette terre heureuse, inondée des rosées du ciel, qui rapporte au centuple : vous souhaitez par vos sup

Sans doute, mes chers Frères, en nous comblant d'une faveur si peu attendue, le Seigneur avoit été touché des dispositions pacifiques du roi, au milieu même de ses victoires. Les principes d'une sage éducation l'avoient accoutumé à regarder les guerres même les plus heureuses, comme des fléaux de la colère de Dieu sur les peuples: persuadé que les conquêtes affoiblissent et épuisent | plications de toucher un Dieu irrité; mais vous ne

les monarchies mêmes qu'elles agrandissent; que les succès des armes les plus glorieux touchent peu, lorsqu'ils ne servent pas à soulager et à essuyer les larmes d'un peuple accablé de misère; que les rois sont établis de Dieu plutôt pour être les pères et les protecteurs de leur peuple, que les vainqueurs de leurs voisins; et qu'en se soumettant, à force de sang et de subsides, de nouveaux sujets, ils perdent souvent l'amour et la confiance de leurs sujets propres.

Demandons à Dieu, mes chers Frères, que des dispositions si heureuses et si héroïques, ne s'effacent jamais de l'ame d'un prince si cher à son peuple; et que le ministre sage qui les a gravées de si bonne heure dans son cœur royal, les y cultive aussi long-temps, que l'amour et l'intérêt public de la nation, et celui de l'Europe entière le demandent.

voulez toucher à rien de ce qui l'irrite dans vos mœurs; c'est-à-dire, que vous voulez qu'un Dieu saint favorise vos passions, en vous rendant l'abondance et la prospérité qui les a jusqu'ici toujours nourries et augmentées. Vos supplications publiques sont plutôt les clameurs charnelles d'une multitude de coupables qui gémissent de se voir enlever les objets de leurs crimes, qu'une assemblée de véritables pénitents, qui par leurs cris et leurs pieux gémissements, viennent témoigner le repentir sincère du mauvais usage qu'ils en ont toujours fait.

Et comment voulez-vous, mes chers Frères, que des prières si souillées apaisent un Dieu qu'elles ne peuvent qu'irriter, et qu'elles obtiennent de sa bonté des biens dont vous abusez, et qu'il ne pourroit vous accorder que dans sa colère, et comme les occasions de votre perte éternelle? Usez de vos biens suivant lés règles de la foi, si vous voulez que les prières publiques de l'Eglise pour leur conservation, soient exaucées.

C'est donc en vain, mes Frères, que Dieu vous rappelle à lui par les fléaux publics dont il vous afflige, par les prières publiques qui en demandent la cessation, par les remontrances des pasteurs ordinaires qui devroient vous rendre vos malheurs et les supplications publiques de l'Eglise, utiles. Mais sa bonté ne se rebute point: à tous ces secours extérieurs dont vous abusez, il ajoute les secours secrets et continuels de sa grâce. Il n'est point de pécheur parmi vous, quelque plongé qu'il soit dans le vice, dont Dieu ne trouble de temps en temps la fausse paix par des impulsions saintes et secrètes: il permet que la satiété elle-même du crime les en dégoûte: il leur fait former mille desirs de sortir un jour de l'abîme affreux où ils se sont précipités; mais ces desirs eux-mêmes les calment et les endorment toujours sur leur état présent, et se bornent pour tout fruit à faire que ces pécheurs se promettent à eux-mêmes un changement à venir, et qu'ils demeurent tranquilles tels qu'ils sont.

C'est ainsi, mes Frères, que rien ne vous réveille de votre assoupissement, ņi le malheur du temps, ni les secours publics de l'Eglise, ni les impulsions secrètes de la grâce; et la mort est toujours pour tous ceux qui vous ressemblent, le moment terrible où leurs yeux dégagés des ombres du corps, s'ouvrent enfin, mais inutilement pour eux, à la lumière de la vérité.

C'est donc pour prévenir un malheur si irréparable, et pourtant si commun, que la bonté ineffable du Père des miséricordes, va faire un dernier effort pour vous obliger de rentrer enfin en vous-mêmes. Il envoyoit autrefois des anges vengeurs à son peuple, quand sourd à tous ses avertissements, leurs iniquités étoient montées à leur comble; il réduisoit en cendre les villes criminelles; mais ce n'est plus ce feu de colère et de vengeance, que son Fils est venu allumer sur la terre, c'est le feu de la charité ; les anges qu'il vous envoie, et qui vont paroître au milieu de vous, sont les ministres de la paix et de la réconciliation; il va mettre sa voix et sa parole sainte dans leur bouche.

Cette parole de vertu et de magnificence, qui loin de détruire les villes, et d'en exterminer les habitants, va créer au milieu de vous un monde nouveau, un nouveau ciel et une nouvelle terre : Vox Domini in virtute et magnificentia (Ps., 28, 4 et suiv.).

Cette parole salutaire qui va remuer les eaux

bourbeuses des vices, et en purifier son héritage qui en est inondé et infecté depuis si long-temps; Vox Domini super aquas,

Cette parole toute-puissante qui va renverser les cèdres du Liban, tout l'édifice de l'orgueil, et de ces fortunes élevées sur la fraude et sur l'injustice: Vox Domini confringentis cedros Libani.

Cette parole tout embrasée du feu du zèle et de la charité, qui va éteindre toutes les flammes impures et en allumer de chastes et de saintes dans vos cœurs: Vox Domini intercidentis flammam ignis.

Cette parole féconde qui va faire enfanter le nouvel homine à ces ames tardives, timides, irrésolues, et pressées depuis long-temps par les mouvements de la grâce et les douleurs de l'enfantement, de le faire naître dans leur cœur : Vox Domini præparantis cervos.

Cette parole apostolique, cette voix tonnante des enfants de Zébédée, qui va ébranler les déserts, c'est-à-dire, les ames les plus dures et les plus inébranlables dans l'iniquité, qui font une impie ostentation de leur endurcissement, et dans le sein desquelles nulle culture et nulle semence n'a jamais pu faire germer que des ronces: Vos Domini concutientis desertum.

Enfin cette voix perçante qui va creuser jusque dans la profondeur des consciences criminelles, en éclairer les ténèbres les plus épaisses, et dissiper par une sincère révélation au tribunal sacré, le noir chaos dans lequel elles étoient depuis si longtemps enveloppées: Vox Domini revelabit condensa.

Ce sera une parole bienfaisante qui ne refusera son secours à aucune sorte de malades; qui offrira des remèdes aux maux les plus incurables et les plus désespérées; qui n'exclura personne de ses soins et de ses bienfaits, afin que vous puissiez tous ensemble chanter dans le temple du Seigneur la gloire de sa grâce, et le prodige qui a changé votre cœur: Et in templo ejus omnes dicent gloriam.

C'est donc ici, mes Frères, comme la dernière ressource que Dieu tire des trésors de sa miséricorde pour vous sauver. Quel malheur pour vous, si vous alliez mettre le comble à votre endurcissement en la rendant inutile! hélas! mes Frères, je frémis en vous présageant cet anathème; vous mettriez en même temps le comble à la patience et à la miséricorde de Dieu sur vous. Oui, mes Frères, je le répète; c'est ici le moment qui doit décider de votre éternité.

Faites, grand Dieu! que ce soit aussi le moment marqué dans vos conseils éternels pour le salut de

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