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Dieu l'avoit déja appelé. Nous perdons plus que nous ne gagnons dans l'esprit de nos peuples, en voulant les gagner aux dépens de nos devoirs. Ainsi, mes Frères, la tendresse pastorale est douce pour les pécheurs; mais elle n'est pas indulgente pour leurs vices: elle ne cherche pas à rebuter les pécheurs par un excès de sévérité; mais elle cherche encore moins à se les attacher par un excès d'indulgence: elle ne veut point rendre la sainte autorité du ministère odieuse par l'aigreur ou l'importunité de ses censures ; mais elle veut encore moins la rendre commode et aimable par un criminel silence. Ne cherchons qu'à édifier et sauver nos peuples; c'est uniquement par là que nous devons leur plaire ne nous proposons de leur devenir agréables qu'en leur devenant utiles; ce n'est pas sur l'amour et l'estime de nos peuples, que nous serons jugés, mais sur l'utilité qu'ils auront retirée de notre ministère : en un mot, ne nous cherchons pas nous-mêmes dans nos fonctions; n'y cherchons que les intérêts de JésusChrist, et nous trouverons sans peine ce sage tempérament de la charité pastorale qui sait également éviter et les excès d'un zèle outré, et ceux d'une indulgence criminelle. La verge d'Aaron et la manne étoient à côté du livre de la loi dans l'arche sainte méditons sans cesse, mes Frères, ce livre divin; gardons-le en dépôt dans notre cœur comme dans une arche formée de la main de Dieu même; et nous trouverons toujours à ses côtés, d'une part la verge mystérieuse, c'est-à-dire, le zèle sacerdotal, qui ne se lasse point de corriger et de reprendre, et de l'autre la manne céleste, c'est-àdire, cette douceur divine, cette tendresse pastorale, qui gagne, qui attire, qui attendrit les cœurs qu'elle ne peut encore changer, et qui, sans flatter le malade, sait lui adoucir et lui faire aimer le remède.

Voilà, mes Frères, le seul zèle véritable et la seule douceur pastorale que nous avons prétendu vous recommander: toute autre douceur, toute autre sagesse, qui n'est qu'un ménagement de fausse prudence et d'amour-propre, qui cherche plus à plaire aux pécheurs qu'à les porter à se déplaire à eux-mêmes, et qui, de peur de troubler son propre repos, n'ose troubler celui de leurs passions injustes, n'est pas la sagesse, dit un Apôtre, qui vient d'en haut, et qui descend du Père des lumières; c'est une sagesse de chair et de sang: Non est ista sapientia desursum descendens de cælo à Patre luminum, sed terrena, animalis, diabolica (JACOB., III, 15 et suiv.). La sagesse de la charité, continue le même Apôtre, la véritable douceur pastorale est marquée à des caractères bien différents. Premièrement, elle est noble et

pure: Primùm quidem pudica. Ce n'est pas un intérêt tout humain qui la fait agir; elle ne cherche son repos et son bonheur que dans son devoir : l'amitié des hommes ne lui est chère qu'autant qu'elle les rend amis de Dieu; peu occupée des sentiments qu'ils ont pour elle, elle n'est touchée que de ceux qu'ils ont pour leur salut: elle auroit horreur de plaire aux dépens des règles; et les louanges que lui donneroient les pécheurs déclarés et endurcis, seroient pour elle comme des opprobres: Primum quidem pudica.

En second lieu, elle est pacifique: Deindè quidem pacifica. Ce n'est pas en favorisant les passions, c'est en troublant par ses remontrances leur paix funeste, qu'elle porte la paix véritable au milieu de son peuple; son zèle alarme les pécheurs, mais ne les aigrit que contre eux-mêmes; en portant la guerre dans les cœurs, il rétablit le calme et la tranquillité dans les familles : le glaive de la parole dans sa bouche, qui perce les plus secrets replis de cœurs, qui trouble, qui agite toute sa paroisse, la change en une demeure de paix et de charité; sa douceur pacifique calme les dissensions, concilie les cœurs aigris, et leur apprend à pardonner les injures, en comblant elle-même de bienfaits ceux dont elle a reçu des outrages: Deinde quidem pacifica.

Sa douceur est modeste, sans être basse et rampante: Modesta. Elle ne fait pas une vaine parade de son autorité; elle ne la fait sentir que par sa tendresse et ses empressements pour son peuple : loin de porter avec fierté sur son front le titre qui l'élève, elle ne porte dans son cœur que celui de pasteur et de père, qui la rend redevable à tous : loin d'exiger des distinctions et des prééminences, elle souffre avec peine celles que sa vertu et sa modestie lui attirent, et inspire d'autant plus de respect pour la religion, qu'elle en exige peu pour elle-même: Modesta.

Ce n'est pas encore assez; elle est aisée à persuader, et par là insinuante et persuasive ellemême: Suadibilis. Elle se défie de ses lumières : la vérité, de quelque part qu'elle lui soit montrée, a toujours sur elle les mêmes droits : pourvu que la vérité triomphe, elle croit avoir triomphé ellemême, en lui sacrifiant ses propres lumières : elle ne veut pas dominer sur les esprits; c'est assez pour elle de les éclairer et de les instruire: elle ne veut rien devoir au ton et à l'autorité ; mais elle attend tout des douceurs de la persuasion et de la tendresse: c'est un lion que le zèle anime; mais c'est un lion semblable à celui de Samson, qui porte toujours le miel de la douceur dans la bouche: Suadibilis.

Que dirai-je encore? Elle s'attache aux gens de bien; elle recherche leur société, pour animer les pécheurs à se rendre dignes de la même confiance: Bonis consentiens. Elle ne distingue ses paroissiens que par leur vertu, et non par leurs biens et par leur naissance: elle respecte les grands et les puissants, et leur rend les honneurs que la religion autorise; mais en respectant leur rang, elle ne respecte pas et ne flatte pas leurs vices; et les seuls véritables grands aux yeux de sa foi, sont les gens de bien et les serviteurs de Jésus-Christ : Bonis consentiens.

Enfin, pour finir tous ces caractères, cette sagesse a des entrailles de miséricorde pour son peuple: Plena misericordia et fructibus bonis. Touchée de leurs calamités et de leurs misères, elle leur tend une main secourable: elle ne se contente pas de les plaindre; elle joint les secours à la compassion; elle souffre même que la modicité de ses largesses ne puisse pas suffire à leurs besoins; elle s'oublie et se refuse tout elle-même, pour ne pas manquer à ses enfants qu'elle voit dans l'indigence: loin d'exiger d'eux ses droits avec rigueur, elle partage avec eux son nécessaire; aussi elle voit tous les jours croître les fruits de son ministère avec ceux de la miséricorde: Plena misericordiá et fructibus bonis.

Méditez sans cesse ces caractères divins, mes chers Frères; ne les perdez jamais de vue dans l'exercice de votre ministère, afin que les fruits et les succès publics de vos fonctions deviennent la gloire de l'Eglise, l'édification de ce grand diocèse, les monuments éternels de votre zèle dans vos paroisses, et la consolation du pasteur principal que Dieu souffre depuis si long-temps à votre tête : Hæc meditare, in his esto, ut profectus tuus manifestus sit omnibus ( Tim., IV, 15).

SEIZIÈME DISCOURS.

De l'étude et de la science nécessaires aux ministres. 1738.

Hélas! mes Frères, devrions-nous avoir besoin de venir vous annoncer ici, comme M. le Promoteur vient de le faire avec tant de zèle, que l'étude et la science sont indispensables aux prêtres et aux pasteurs; que c'est par nous seuls que la religion se conserve et se perpétue parmi les peuples; que c'est sur nous seuls que l'Eglise se repose de la conservation du dépôt; que c'est nous qu'elle établit pour empêcher que les erreurs ne gagnent, et n'altèrent la pureté de la doctrine sainte; que les maximes corrompues de la morale

du monde, à force d'être universelles, ne prévalent sur celles de l'Evangile, et que les peuples ne redeviennent tels qu'ils étoient, c'est-à-dire, aussi généralement corrompus, aussi peu instruits des vérités du christianisme, que lorsque saint Austremoine et les autres hommes apostoliques vinrent ici la première fois les leur annoncer?

Sans doute, mes Frères, vous avez prévenu sur cette vérité tout ce qu'on a pu vous en dire de plus frappant mais il en est de ce devoir comme de tous les autres, essentiels au saint ministère; l'évidence seule semble rendre toutes les preuves dont on veut les autoriser inutiles: parmi les devoirs des autres états, il se trouve quelquefois des conjonctures, des situations, des obscurités qui peuvent adoucir la loi, et donner lieu à des interprétations favorables; mais les devoirs du saint ministère sont tous évidents, incontestables, attachés essentiellement à la première notion du sacerdoce, avoués et reconnus pour tels de ceux mêmes qui les transgressent. Cependant, permettez-moi de vous le faire remarquer ici; c'est cette évidence même de nos devoirs avec laquelle nous sommes comme familiarisés, qui ne nous touche plus: sur quelque obligation de notre état qu'on entreprenne de nous entretenir, on ne nous apprend rien de nouveau; nous devinons tout ce qu'on va nous dire; nous nous le disons d'avance tranquillement à nous-mêmes, et nous l'écoutons ensuite avec la même insensibilité quand on nous l'annonce.

Ainsi vous saviez déja tout ce qu'on vient de vous exposer sur la nécessité de l'étude et de la science dans un prêtre et dans un pasteur: vous saviez que nous sommes la lumière du monde, les yeux du corps de l'Église, et que si cet œil est ténébreux, tout le reste ne sera plus que ténèbres; que l'Eglise en nous imposant les mains, nous a dit: Allez et enseignez ; que nous sommes ces arches de la nouvelle alliance, dépositaires de la loi et de ses préceptes, et qu'établis pour instruire les autres, nous devons en être instruits nous-mêmes; que des prêtres et des pasteurs sans science et sans lumière, sont des guides aveugles qui en conduisent d'autres, et vont se précipiter avec eux dans le même gouffre; et en un mot, qu'un prêtre et un pasteur ignorant n'a plus de droit de porter l'auguste titre du sacerdoce, et qu'il n'est plus que l'opprobre et le rebut de l'Église et du monde même. Vous le saviez déja, mes Frères; et ce sont là de ces vérités fondamentales dont vos premières années furent imbues dans ces pieuses retraites nous en fûmes d'abord touchés, pénétrés; mais depuis, les retrouvant sans cesse partout sous nos yeux, et dans les livres saints et dans les priè

res mêmes dont l'Église nous fait un devoir journalier, ces grandes vérités, pour être devenues trop familières, sont devenues pour nous comme triviales: leur éclat toujours présent n'a plus fait d'impression sur nous: elles n'ont plus été pour nous que comme ces objets familiers et de tous les jours qui n'arrêtent plus nos regards. Il en a été de même de tous nos autres devoirs les plus essentiels; nous en avons été frappés la première fois qu'on nous les a montrés dans ces maisons d'épreuve et de retraite ; mais au sortir d'ici, tout ce qui nous environne nous les répétant et nous les mettant sans cesse sous les yeux, l'éclat toujours présent n'a plus servi qu'à nous endormir : la lumière de la vérité toujours présente, toujours sous nos yeux, a fait notre malheur et notre crime : semblables à ces prêtres et à ces lévites qui conduisoient l'arche d'Israël dans le désert, la première fois qu'au sortir de la mer rouge, la colonne lumineuse parut à la tête du camp, pour diriger leurs campements et leur route, la nouvelle apparition de cette lumière les frappa pendant quelque temps d'une sainte terreur, d'un nouveau respect pour les ordres de Moïse et pour les devoirs de leur état: tout promettoit de leur part une fidélité persévérante; mais revoyant ensuite chaque jour cette lumière miraculeuse, qui ne cessa point de leur apparoître dans le désert, ce ne fut plus pour eux qu'un spectacle accoutumé, qui ne fit plus d'impression : le respect pour Moïse, le zèle pour les fonctions du sacerdoce s'affoiblit; et on les vit bientôt confondus avec les murmurateurs et les adorateurs du veau d'or, dégénérer la plupart de la sainteté de leur ministère.

Voilà, mes Frères, l'histoire de notre défection, et surtout de notre refroidissement pour l'étude : nous avons conservé quelque temps un desir sincère d'avancer dans les connoissances indispensables au succès de nos fonctions; mais insensiblement la paresse, la dissipation, l'exemple de plusieurs de nos confrères, a ralenti ce premier zèle: nous avons cru en savoir assez; et loin de nous servir de nos foibles commencements d'étude, pour acquérir les nouvelles lumières qui nous manquoient, nous avons laissé éteindre celles qui nous restoient de nos premières études, et oublié le peu même que nous avions appris. Et plût à Dieu qu'une expérience de tous les jours n'autorisât pas là-dessus notre plainte! Le sacerdoce est pour la plupart le terme fatal de leurs études: on ne s'étoit proposé que d'en savoir assez pour soutenir ces épreuves pénibles de doctrine et de capacité par où il faut passer pour être admis aux saints ordres est-on revêtu du saint et dernier carac

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tère, on est charmé de n'avoir plus de compte à rendre aux hommes de son ignorance ou de sa capacité; on ne compte pour rien celui qu'il faudra rendre devant le tribunal de Jésus-Christ, ni le déshonneur de l'Église dont on n'a voulu que surprendre le consentement, en se présentant à la prêtrise on en demeure là. Ainsi, le sacerdoce devient le titre unique et universel qui autorise l'ignorance et la cessation de toute étude : mais c'est alors qu'entrant dans les fonctions du saint ministère, la science et les lumières deviennent plus nécessaires; mais on n'est prêtre que pour servir l'Eglise; mais le caractère saint ne donne pas les lumières, il les suppose, ou c'est un nouvel engagement pour les acquérir; mais vous posez les armes de la milice sainte, le bouclier de la foi et le glaive de la doctrine et de la parole, précisément lorsque l'Eglise vous fait entrer dans le combat: n'importe, le sacerdoce qui devoit nous mettre ces armes saintes à la main, les en fait tomber; on n'a plus de goût pour l'étude; on ne lit plus; les livres sont devenus des meubles de rebut, souvent même on n'en a pas; et c'est beaucoup quand le presbytère de certains pasteurs est décoré du moins de la présence d'une seule bible.

Ce n'est pas qu'on exige que l'étude devienne votre unique occupation, et qu'attachés sans cesse sur vos livres, vous perdiez de vue les besoins de vos peuples: c'est uniquement pour leur être utiles que vous devez vous instruire; c'est pour leur rendre en public les richesses que vous amassez en secret. Ainsi, quand nous vous exhortons à l'étude, ce n'est pas à une étude qui vous rende invisibles à vos paroissiens; mais qui leur rende votre présence et vos soins plus utiles: ce n'est pas à une étude et à des recherches spéculatives et curieuses, qui n'ont aucun rapport à leur salut ; vous consumeriez mal à propos un temps qui n'est point à vous et que vous devez à votre peuple : on n'exige pas que vous vous proposiez d'approfondir ce que les sciences même ecclésiastiques ont de plus sublime et de plus difficile; ces talents extraordinaires sont réservés à un petit nombre de génies rares que Dieu suscite de siècle en siècle pour les opposer aux ennemis de la foi, et dissiper par leurs lumières les nuages que l'orgueil et la témérité de l'erreur entreprend de temps en temps de répandre sur la pureté et l'ancienneté de sa doctrine. Tous ne sont pas prophètes, et les dons de l'Esprit saint ne se communiquent pas à tous avec le même éclat et la même abondance; mais tous doivent connoître Jésus-Christ, et avoir acquis la science de ses sacrements et de ses mystères : nous devons tous être instruits de la sainteté de ses

maximes et de ses lois, les méditer sans cesse, en faire, comme le Prophète, notre nourriture et la plus douce occupation de notre vie, et y puiser des lumières qui deviennent des remèdes toujours sous notre main, pour être appliqués aux besoins et aux divers maux des fidèles qui nous sont confiés.

Hélas! mes Frères, les scribes et les prêtres de la loi, persuadés que la connoissance de ses préceptes et de ses ordonnances étoient inséparables du sacerdoce, affectoient de porter attachés à leurs vêtements, et étaloient avec ostentation leurs philactères qui n'étoient que des rouleaux amples de la loi, dont ils bordoient le bas de leurs robes: Dilatant phylacteria sua, et magnificant fimbrias (MATTH., XXIII, 5). C'étoit à la vérité une affectation pharisaïque et ridicule; mais ils nous apprenoient du moins qu'un prêtre ne doit jamais marcher et paroître nulle part sans porter avec lui la loi, non pas attachée à ses vêtements, mais gravée profondément dans son esprit et dans son cœur. Dans le paganisme même, les prêtres des idoles n'avoient point d'autre occupation qu'une étude assidue des fables et des extravagances de leur mythologie: ils vivoient retirés dans l'obscurité de leurs temples, pour répondre aux peuples abusés qui venoient les consulter sur leurs mystères impurs et insensés, avant de s'y faire initier. Et nous, mes Frères, établis pour nous instruire à fond d'une religion si sublime et si divine, chargés de nous remplir sans cesse d'une doctrine si sage, si consolante, que Jésus-Christ nous a dictée et apportée du sein de son Père, nous ne sentons aucun goût pour nous en instruire, pour la méditer et l'approfondir : nous regrettons les moments où nous sommes quelquefois obligés de la consulter nous ne nous faisons pas une honte d'en ignorer non-seulement les points les plus sublimes et les plus difficiles, mais les plus essentiels à notre ministère nous nous contentons d'une connoissance grossière et superficielle : nous n'entrons point par une application sérieuse dans l'esprit et dans le fonds de la doctrine sainte dont nous sommes les interprètes; comment pourrions-nous y faire entrer ceux dont l'instruction nous est confiée? Aussi, mes Frères, nos peuples connoissentils le fond de la religion, l'esprit du christianisme, et les règles d'une piété intérieure et sincère? ils ne connoissent la plupart, de la religion que quelques pratiques extérieures, certaines dévotions populaires, plus utiles souvent au pasteur, qu'au peuple même : mais pour le véritable esprit de la foi, de ses mystères et de ses devoirs intérieurs et essentiels, ils ne le connoissent pas; et comment le connoitroient-ils, puisque les pasteurs obligés

de les en instruire, n'ont jamais eu aucun soin de les étudier eux-mêmes?

Mais la plupart des curés de campagne, dit-on, sont pourvus d'un revenu si modique, qu'ils ne sont pas en état de se donner tous les livres nécessaires. Hélas! mes Frères, s'ils aimoient ces livres, s'ils en étoient avides, s'ils sentoient le besoin qu'ils en ont, la modicité de leur revenu suffiroit bientôt pour se donner ce secours. Et d'ailleurs faut-il tant de livres pour s'instruire des règles? ce n'est pas la multitude des livres qu'on exige; les plus nécessaires se réduisent à peu : c'est le goût de l'étude; c'est le desir de se rendre utile à sa paroisse; c'est de puiser dans la prière des lumières que l'étude elle-même ne donne pas; c'est de goûter les vérités du salut, et de chercher tous les moyens d'avancer dans leur connoissance, pour les faire connoître et goûter à son peuple : en un mot, c'est une volonté sincère de remplir ses devoirs mais vous mettriez les prêtres et les pasteurs dont nous parlons, au milieu de tous les livres sur la doctrine sainte qui ont été écrits depuis la naissance de l'Eglise, qu'ils en seroient plus embarrassés que curieux d'en lire un seul.

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Mais tout le monde, dit-on encore, n'est pas né avec certains talents, ni avec beaucoup d'ouverture pour les sciences. C'est pour cela même, vous qui nous tenez un pareil langage, que vous devez redoubler votre application, afin qu'un peu plus d'étude et de travail supplée au défaut des dispositions, et à la facilité que la nature vous a refusée. De plus, faut-il des talents si singuliers pour s'instruire des règles et des devoirs du saint ministère? Enfin, remplacez par une vie sainte et occupée le défaut de ces talents que la nature vous a refusés : vos exemples achèveront ce qui pourroit manquer à l'élévation de vos instructions et à la singularité de vos lumières : le serviteur le plus mal partagé, et qui n'avoit reçu que le moindre talent, est-il excusé pour n'en avoir fait aucun usage? Je le répète, mes Frères, faut-il des talents si distingués aux yeux des hommes, pour gouverner saintement et utilement un pauvre peuple? Hélas! il faut l'aimer, et desirer sincèrement son salut; il faut avoir pour lui un cœur de père et de pasteur, touché de ses misères, et encore plus de ses vices; il faut souhaiter sans cesse que le règne de Dieu s'étende et s'accomplisse, et que le sang de Jésus-Christ ne soit pas répandu en vain sur le champ qu'il nous a confié. Qu'un pasteur, mes Frères, est savant et éclairé, quand il est dans ces dispositions si dignes du sacerdoce! et qu'un peuple est heureux d'avoir pour conducteur un pasteur si simple, si humble, si peu habile en appa

rence, mais si rempli de l'esprit de Dieu! Donnezen souvent à votre Église, ô mon Dieu, des pasteurs de ce caractère.

Mais malheureusement, mes Frères, parmi les prêtres et les pasteurs qui, pour justifier leur paresse et leur ignorance, nous allèguent ou le défaut de livres, ou leur peu de disposition aux sciences, non-seulement on ne trouve dans leur vie ni application, ni étude; mais on n'y trouve encore ni piété, ni zèle pour leurs devoirs, ni amour de la prière et de la retraite, ni aucune de ces vertus pastorales, plus utiles souvent à l'Église, plus édifiantes, que la science même qui enfle : l'ignorance, l'oisiveté, la dissipation, et l'oubli des devoirs, vont toujours ensemble. Et en effet, mes Frères, je souffre de le dire ici; mais dites-le vous-mêmes à ma place, vous qui le voyez tous les jours; quelle vie mènent d'ordinaire ces pasteurs sans nulle étude, ignorants, oiseux et désœuvrés, au fond de leur campagne? une vie aussi basse, aussi terrestre, et presque toujours moins innocente, que celle du peuple qu'ils gouvernent: peu touchés de faire fructifier le champ de JésusChrist qu'ils laissent en friche, les soins de faire valoir les fonds temporels de leur bénéfice forment toute leur occupation : l'oisiveté, l'avidité les jette bientôt dans des contestations et des procès avec leurs peuples, dont ils devroient être les tuteurs et les pères, et au milieu desquels l'Église les avoit placés comme des anges de paix. Dès que les soins temporels n'occupent plus leur oisiveté, aucun livre, aucune étude ne les attachent à leur presbytère, le séjour leur en devient insupportable sans cesse errants, ou pour dissiper leur ennui, ou pour aller dissiper celui de quelques-uns de leurs confrères qui font profession de la même oisiveté qu'eux; si quelque obstacle les retient dans leur paroisse, ce n'est que pour y traîner leur inutilité de maison en maison, et se montrer trop souvent à leurs paroissiens, pour pouvoir espérer de leur être jamais utiles. Quelle vie, mes Frères, pour un prêtre qui tient la place de JésusChrist au milieu de son peuple, pour un dispensateur de ses sacrements, de ses grâces et de ses mystères!

Voilà pourtant, mes Frères, la suite inévitable de l'oisiveté et du défaut d'étude, dans un prêtre et dans un pasteur. De là encore ces conférences si sagement établies par nos prédécesseurs dans ce grand diocèse, si religieusement observées dans le reste du royaume; ces saintes assemblées si utiles pour entretenir une union sacerdotale entre les ministres, un saint concert pour s'animer mutuellement à la pratique uniforme des devoirs du

saint ministère, et un secours pour en éclaircir les doutes et les difficultés; ces conférences que nous avons vues d'abord fréquentées avec tant de zèle, nous avons la douleur, sur la fin de notre épiscopat, de les voir désertes, et presque tombées dans plusieurs cantons de ce diocèse. D'où pourroit donc venir, mes Frères, une désertion si peu édifiante et si douloureuse pour nous? N'en doutons pas: l'ignorance, l'oisiveté et le défaut d'étude en sont la principale raison pour ceux qui s'en absentent; peu capables la plupart d'aider de leurs lumières ces pieuses soriétés, et encore moins empressés de profiter des lumières de leurs confrères, ils auroient honte d'y aller faire montre de leur oisiveté et de leur ignorance; et ce qui devroit leur rendre ce secours plus nécessaire, les en éloigne et le leur rend odieux. Il s'en trouve même qui croient en savoir assez, et n'avoir pas besoin d'aller perdre leur temps à ces assemblées : mais en savent-ils plus que saint Paul, qui élevé jusqu'au ciel où il avoit puisé dans le sein de Dieu des lumières et des secrets ineffables qu'il n'étoit pas permis à l'homme de révéler, ne dédaignoit pas cependant d'aller à Jérusalem conférer avec Pierre, Jacques, et les autres ministres, et de s'aider de leurs lumières, pour se conduire plus sûrement dans les fonctions du ministère, persuadé que ce saint concert des ministres pouvoit seul avancer l'œuvre de l'Evangile? Et vous qui croyez en savoir assez pour vous passer de ces pieuses assemblées, seuls au fond de vos campagnes, sans secours, vous vivez en sûreté dans une solitude farouche, au milieu des périls et des doutes dont toutes nos fonctions sont sans cesse environnées; vous fuyez les secours que vous pourriez trouver, en vous réunissant avec vos confrères; vous vous privez même des douceurs d'une société sainte et sacerdotale; les liens de la doctrine et de la charité qui devroient vous unir, vous séparent; vous faites une espèce de schisme dans un diocèse où la miséricorde de Jésus-Christ a conservé jusqu'ici la paix et l'union; et vous encourez l'anathème que l'Apôtre prononce contre ceux qui se séparent eux-mêmes : Qui segregant semetipsos (JUDE, 19).

Je vous conjure donc, mes Frères, de lever ce scandale qui nous afflige: rendez à ce grand diocèse la gloire dont il a toujours joui par la pratique universelle d'une discipline si utile : ma carrière est déja bien avancée; ne me la laissez pas finir avec le chagrin de voir un usage si saint prêt à tomber; épargnez cette douleur à ma vieillesse ; ranimez-la plutôt d'une joie nouvelle, en ranimant votre zèle pour vos devoirs, et en pariculier

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