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AVANT-PROPOS.

es Dialectes d'une langue ne sont pas seulement des monuments curieux de l'antiquité, ils forment un élément essentiel dans la vie des peuples. Les langues divisent les nations, les patois, avec leurs nuances infinies, tracent en lignes immuables les limites des provinces, des cantons et des communes, malgré les divisions conventionelles que la politique pourrait imposer au pays. Ce sont pour ainsi dire les racines innombrables par lesquelles la langue nationale tient au sol natal et par lesquelles elle reçoit sa force, sa vie, sa couleur, sa poésie. Aussi la langue française perditelle ses graces naïves et si éminemment poétiques dès l'époque où elle s'imposa le joug de l'esprit maniéré et précieux d'une certaine classe de la société, qui finit par précipiter dans les froideurs d'une abstraction dénaturée, et il ne fallait pas moins que le concours des grands

la

génies du siècle de Louis XIV pour inspirer un souffle de vie à ces formes pétrifiées. Avec le langage sublime de Montaigne, Corneille serait peut-être devenu un Shakespeare. Il n'y a que Molière et Lafontaine qui ne craignirent pas alors d'aller retremper leur style dans les sources natives du langage, et l'on sait qu'ils doivent une grande partie de leurs succès à la franche hardiesse avec laquelle ils abordèrent les patois.

La révolution qui s'opéra dans la littérature française vers le commencement de notre siècle ne se borna pas à réformer le tour de la pensée, à renverser ou à ébranler au moins les bases de l'ancien parnasse français, elle envahit tout le domaine de la langue et tendit à abolir l'autorité, à émanciper la parole. La nouvelle école, à laquelle on s'est plu à donner le nom de romantique, après s'être jetée tête baissée dans l'arcaïsme, y rencontra, à moitié chemin, le patois, qu'elle n'hésita pas d'exploiter également pour ses buts. Je n'aurai à citer à l'appui de mes paroles que les nombreux romans appelés intimes. Bientôt la science, guidée par cet esprit d'analyse et d'investigation qui caractérise l'époque présente en France, s'empara de cet objet, et l'on vit éclore de toutes parts des ouvrages qui tendaient à dévoiler en partie ce vaste patrimoine de la langue, voué depuis si long-temps à l'oubli par une réserve par trop méticuleuse. Le gouvernement même ne tarda pas à s'intéresser à ces travaux en

secondant de son autorité les efforts des savants partout où leur propre zèle ne pouvait suffire pour obtenir les résultats désirés. On rendra un compte exacte de ces travaux qui ont servi de base à l'essai présent.

Malheureusement ces recherches fécondes, commencées sous des auspices si heureuses, furent trop tôt abandonnées par suite des évènements politiques de 1815 qui donnèrent pour long-temps une toute autre direction aux esprits, de sorte que ce n'est que depuis quelques années seulement que des voix puissantes ont rappelé de nouveau l'attention vers cette matière intéressante. Ces voix elles-mêmes cependant ne sont que l'organe de cette décentralisation intellectuelle dont les symptômes se manifestent de plus en plus en France par le journalisme local et les nombreuses sociétés scientifiques et artistiques fondées dans les provinces et dont les succès ont déjà forcé plus, d'une fois la capitale à leur accorder ses suffrages et à reconnaître leur indépendance. Après cela on ne s'étonnera plus de la grande velléité de vie que montrent de nos jours les idiomes locaux, dont la littérature n'a été cultivée avec plus de zèle à aucune des époques précédentes.

Malgré cela, la nature de ces idiomes et surtout leur littérature originale, leurs formes grammaticales et leurs articulations souvent si riches et si variées sont encore, dans leur totalité, à peu près inconnues au

au grand public parce que tous les ouvrages qui en ont traité ont constamment porté un caractère trop exclusif, en n'offrant ou que des monographies capables seulement d'intéresser le savant, ou bien des apologies ingénieuses et brillantes, à la vérité, mais trop vagues pour fournir des notions bien positives.

C'est donc pour revendiquer aux patois français une place dans la lecture de toutes les personnes instruites et pour en mettre enfin la connaissance à la portée des étrangers, qui en ignorent souvent jusqu'à l'existence, même après avoir voyagé en France, que j'ai entrepris le travail présent. J'ai essayé d'y ébaucher une esquisse du tableau animé de ces idiomes que j'eus l'occasion de voir de près et dont il m'était permis de puiser les traits caractéristiques aux meilleures sources, grace en partie aux avis obligeants de plusieurs de mes Confrères de la Société de l'Histoire de France, qui suppléèrent par leurs communications intéressantes à tout ce qui pouvait me manquer pour compléter le cadre que je m'étais tracé. Je leur dois surtout plusieurs morceaux curieux de l'Anthologie qui forme la seconde partie de ce volume. Quant aux notices sur les formes grammaticales et sur les articulations, je les ai obtenues presque entièrement en observant attentivement le langage parlé des indigènes. Elles ne renferment que ce qu'il y a de plus indispensable à savoir pour se former une idée générale

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