eux-mêmes honteux, leur faire remarquer en eux des reffources de grace dans le tems même qu'ils fe croyoient abfolument rejettés de Dieu, découvrir dans le caractère de leur cœur jufques-là livré au monde & aux paffions, des panchans qui les ramènent au devoir, quand ils nous voyent prendre le change, pour ainfi dire, en leur faveur; cette charité, ce zèle tendre, & prefque aveugle à force de tendreffe, les tranfporte, les attendrit, les couvre d'une fainte confufion, & leur fait aimer la vérité en leur rendant aimables ceux qui la leur annoncent. Laiffons au monde, mes Frères, la malignité des jugemens & la témérité des foupçons & des penfées : comme la haine, l'envie, la jaloufie font les grands refforts de tous fes jugemens, il n'eft pas étonnant qu'ils foient tous marqués à ces triftes caractères. Pour nous, deftinés par notre état à des fonctions de charité, Vicaires & Miniftres de la charité de Jesus-Christ envers les hommes, il faut que nos pensées & nos jugemens portent le caractère de nos fonctions & de notre miniftère. Ce zèle mordant, cruel, fatyrique; toujours prêt à cenfurer plus qu'à inftruire; toujours clairvoyant à découvrir le mal qui échappe à tous les autres yeux; toujours difficile à fe perfuader le bien; toujours conftant à donner à prefque toutes les actions des pécheurs, des motifs de crime; toujours inacceffible à l'indulgence,& aux interpré rations favorables à fes frères : ce zèle qui fe donne toute licence fur les défauts d'autrui ; qui en fait le fujet de fes fatyres plus que de fes larmes & de fes prières ; qui voit d'avance le mal qui n'eft pas encore; qui fe vante d'avoir prédit les chûtes les plus honteufes, & fe fait honneur de la prédiction; qui fe glorifie tout haut de n'avoir pas été la dupe des apparences qui avoient abufé le refte des hommes, & qui paroît bien plus joyeux d'avoir prophétifé jufte fur la chûte de fon frère, que touché de le voir tombé : ce zèle n'eft pas la charité qui ne se réjouit pas du mal, qui efpère tout, qui excufe tout, qui fupporte tout ; c'eft la vanité qui fe fait honneur de tout; c'eft la malignité qui voit le mal partout, & qui s'autorife de la piété pour donner un air de crime à tout. Soyons donc en garde, mes Frères contre nous-mêmes dans des fonctions où il femble que nous ne cherchons que la gloire de Dieu & le falut de nos frères: la fainteté de l'objet nous raffure d'ordinaire fur le vice des difpofitions: il eft fi difficile que l'homme ne mêle quelque chofe du fien dans tout ce qui paffe par fes mains; c'est un canal infecté, & tout ce qui en coule de plus pur, y contracte toujours quelque fouillure. Mais ce qui doit réveiller encore plus nos attentions, c'eft que nous fommes chargés de l'honneur & des intérêts de la Religion, & que ce que nous mêlons d'humain dans nos fonctions, l'avilit & la deshonore. Le monde ne nous pardonne rien; il eft charmé de pouvoir récriminer à notre égard, & de fe venger des foibleffes que nous lui reprochons, en nous reprochant fans indulgence les nôtres. Notre zèle contre fes défordres lui eft déja affés odieux, fans que nous y ajoûtions des défauts qui fuffifent feuls pour le rendre haiffable: loin de le ramener,nous ne réuffiffons par-là qu'à lui fournir de nouveaux prétextes d'impénitence; nous le révoltons contre la vérité; nous la lui préfentons fous une forme hideufe & rebutante, & nous en ôtons tout ce qu'elle a d'aimable & de propre à gagner les cœurs. .non Souvenons-nous donc, pour recueillir tout ce que nous venons de vous dire : fouvenons-nous, mes Frères, que le zèle de la charité, comme la charité elle-même, eft patient, patiens eft, qu'il eft doux, benigna eft; qu'il n'eft point envieux, amulatur; point téméraire, non agit perperam; point vain, non inflatur; point ambitieux, non eft ambitiofa; point intéreffé, non quarit qua fua funt; point chagrin, bizarre & paîtri d'humeur, non irritatur; en un mot, point foupçonneux & toujours prêt à penser le mal de fes frères, non cogitat malum. Banniffons ces caractères odieux de notre zèle: dépouillons-nous de notre propre efprit; & que l'Esprit de Dieu tout feul parle & agiffe en nous : il a vaincu le monde dans la bouche des premiers Miniftres de l'Evangile; il le vaincra encore dans la nôtre, fi c'eft lui feul qui nous inf"pire & qui nous fait parler : fi la vérité fait fi peu de progrès parmi les hommes, ce n'eft pas à elle qu'il faut s'en prendre, c'est à nous. Le monde lui étoit encore plus oppofé autrefois, quand elle commença paroître avec la prédication de l'Evangile : la fureur des Tyrans, la puiffance des Céfars, la vaine fageffe des Philofophes, les anciennes fuperftitions du monde entier, les paffions les plus honteufes autorisées par un culte que la majefté des loix rendoit refpectable; tous ces obftacles fi infurmontables en apparence difparurent cependant devant elle: les ténébres les plus profondes ne purent tenir contre la force & l'éclat de fa lumière: elle feroit encore honorée des mêmes triomphes, fi elle étoit confiée aux mêmes Miniftres. Entrons dans l'efprit de nos faints Prédéceffeurs ; & nous entrerons dans le fuccès de leurs travaux : imitons leur zèle; & nous en recueillerons le même fruit: la parole du Seigneur n'eft pas liée; c'est notre langue qui l'eft par les fouillures & les chaînes invifibles de notre cœur : le bras du Seigneur n'eft pas racourci; c'eft notre charité qui eft foible & languiffante: le monde n'eft pas plus vicieux ; c'eft nous feuls qui fommes moins faints & moins fidèles. Rendons-nous dignes d'être les Miniftres & les Docteurs de la vérité ; & nous ferons bientôt dignes de lui former des difciples, & de délivrer encore une fois le monde par elle. Ainfi foit-il. DISCOURS SUR L'EXEMPLE QUE LES PASTEURS DOIVENT DONNER A LEURS PEUPLES. Exemplum efto fidelium in verbo, in converfatione, in caritate, in fide, in caftitate. Rendez-vous l'exemple & le modèle des Fideles, dans les entretiens, dans la manière d'agir avec le prochain, dans la charité, dans la foi, dans la chafteté. 1. Tim. 4. 12. A puiffance facrée, mes Frères, qui dèles, n'eft pas une puiffance de domination, mais une puiffance de charité. Nous ne fommes pas établis fur les peuples comme des maîtres impérieux, qui ne cherchent qu'à leur faire fentir leur autorité; mais comme des guides charitables que l'Eglife a mis à leur tête pour les précéder, & leur montrer les voies du falut: Neque |