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ses prédécesseurs, et, descendu aux fondemens mêmes posés par la main de Dieu, il a cru sentir audessous une autre main étendue pour porter l'édifice. Que cette pensée soit utile, nous ne l'examinons pas encore; mais les ancêtres ne l'ont pas connue.

CHAPITRE IV.

DE LA PHILOSOPHIE DANS L'ÉGLISE AVANT M. DE LA

MENNAIS.

Quoique la philosophie ne serve pas de fondement à la religion, et qu'au contraire son impuissance soit une des bases de la défense du christianisme, cependant elle a joué dans l'Eglise un rôle important, qu'il est nécessaire de constater, afin que l'on ne se méprenne pas sur notre pensée, et que l'on conçoive bien l'innovation introduite à cet égard par M. de La Mennais.

L'impuissance de la philosophie à établir la vérité ne venait pas, comme nous l'avons dit, de l'impossibilité d'obtenir, au moyen du raisonnement, une démonstration suffisante d'une partie des choses invisibles, telles que l'existence et la nature de Dieu, la spiritualité de l'âme, la différence du bien et du mal, etc. Loin de là, les docteurs chrétiens ont estimé que ces principes étaient accessibles à la raison de l'homme,

et ils en ont donné des preuves dont on peut voir le modèle dans le livre de saint Thomas contre les nations. Quel était donc le vice radical de la philosophie? Il consistait en ce que la philosophie n'avait pas même cherché à unir le peuple dans la vérité par le raisonnement, et qu'elle avait en vain cherché à unir les sages par la même voie. Pourquoi la philosophie n'avait-elle pas même cherché à unir le peuple dans la vérité par le raisonnement? Saint Augustin nous l'a dit Parce que le peuple n'est pas capable de saisir les pensées qui conduisent l'esprit humain à l'intelligence des choses divines. Pourquoi avait-elle en vain cherché à unir les sages dans la vérité par le raisonnement? Saint Augustin nous l'a dit encore Parce que, bien que les sages, à ne considérer que leur culture intellectuelle, fussent en état de prendre leur vol vers la vérité, Dieu les a contraints de marcher dans la voie commune, de peur qu'ils n'excitent les autres à une périlleuse imitation; parce qu'en outre, il faut purifier l'âme pour voir la vérité, et que l'autorité seule aide l'homme à devenir pur, et capable par conséquent de la contemplation du vrai. Ainsi l'impuissance de la philosophie, à l'égard du peuple, n'avait qu'une cause, l'impuissance même du peuple ; à l'égard des esprits cultivés, elle en avait deux, la volonté équitable de Dieu et la volonté corrompue de l'homme. Dieu voulait qu'il n'y eût dans le monde, par rapport à la vérité et au salut, ni Scythe, ni Grec, ni esclave,

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ni homme libre, mais que le Christ fût également tout pour tous, sed omnia et in omnibus Christus et les sages servaient admirablement l'équité divine, en usant de leur volonté pour repousser la lumière, en retenant la vérité captive dans l'injustice, selon l'énergique expression de saint Paul 2. C'est surtout par la volonté que les sages étaient désunis; c'est surtout la volonté qui empêche la philosophie de devenir une science comme les autres, c'est-à-dire d'avoir un enseignement uniforme, et jamais aucune philosophie ne surmontera ce vice radical, quelle qu'elle soit, parce que la philosophie ne s'adresse qu'à l'esprit, et que, pour apprendre aux hommes des vérités qui touchent à leurs devoirs, il faut commencer par guérir leurs cœurs. Si demain la religion devenait susceptible d'être démontrée mathématiquement, demain les mathématiques seraient une science aussi divisée que la philosophie, parce qu'aucune certitude ne résiste à l'esprit de l'homme, quand il le veut. Et ceux qui en douteraient n'ont qu'à considérer ce qui est arrivé pour l'histoire. Rien n'est plus clair et plus certain que l'histoire, à la prendre dans ses grandes masses; cependant partout où la religion et l'histoire se sont rencontrées, celle-ci a été obscurcie, défigurée, niée sans pudeur; on a préféré les chronologies absurdes de l'Egypte et de l'Inde aux

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livres de Moïse, si admirables par leur suite, leur liaison, leur naturel, et par leurs rapports avec tous les monumens de l'antiquité. Y a-t-il, en effet, quelque chose d'impossible à l'esprit de parti? Ne voyonsnous pas tous les jours ce qui passe sous nos propres yeux travesti ou contesté? Et jamais l'homme est-il plus puissant que contre Dieu ? Car Dieu est le point où toutes nos passions ensemble se donnent rendezvous. Il en est de lui comme du soleil; sa splendeur même attire les nuages, et, s'il était moins clair, il serait moins combattu. Paix sur la terre aux hommes de bonne volonté ! Voilà d'où vient le salut, d'où vient la certitude; le reste est de l'esprit, de la philosophie, du vent qui divise les feuilles en les agitant.

Cela étant ainsi, quel rôle la philosophie a-t-elle pu jouer dans l'Église? Le rôle d'une étrangère admise au foyer domestique, et devenue par reconnaissance un fidèle serviteur. Jésus-Christ n'avait laissé à

l'Église d'autre philosophie que l'Évangile, n'avait institué d'autre école que celle où l'on entrait par le baptême, n'avait éclairci la question de la certitude qu'en purifiant le cœur des hommes par la toute-puissance de la grâce divine. Il avait guéri les âmes pour unir les intelligences. Ses disciples firent comme lui. Ils transmirent la grâce et la parole qu'ils avaient reçues, continuant à unir les peuples méprisés par la philosophie et les sages divisés par elle, et prouvant de la sorte qu'un élément nouveau avait pénétré du

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