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Bien plus, cet être figuratif qui nous occupe, ce Jacob, considéré comme modèle théorique, comme loi vivante, emporte encore un autre intérêt. Indépendamment de la réunion en sa personne des deux conditions. que toutes les théocraties des Orientaux séparaient par un abime sans fond, savoir la noblesse contemplative des hautes castes, et l'état pratique et laborieux des rangs inférieurs, on reconnaît en lui un symbole complet de liberté d'esprit et de force morale. C'est un jouteur intrépide qui ne se contente point de ré

cepte ici comme juges mes frères et les tiens, dit le patriarche à Laban, son oncle; j'ai été avec toi vingt ans entiers; tes brebis et tes chèvres n'ont point avorté et je n'ai pas mangé des moutons de tes troupeaux ; je n'ai rien rapporté en compte de ce qui a été déchiré par les bètes sauvages; j'en ai supporté la perte; tu as mis encore à ma charge ce qu'on nous dérobait de jour et de nuit. De jour, la chaleur me consumait; de nuit, la froidure; et mon sommeil fuyait sans cesse devant mes yeux. Je t'ai donc servi vingt ans entiers et dix fois tu as changé mon salaire. Si même le Dieu d'Abraham et la frayeur d'Isaac n'eussent agi pour moi, tu m'aurais renvoyé à vide, mais ce Dieu a regardé mon affliction et tout le travail de mes mains, et il a détourné tes projets. » (Genése, xxx1, 36-42.)

sister aux hommes et aux choses; mais il obtient la victoire en luttant corps à corps avec Dieu 1. Enfin, tous les sentimens de la nature se manifestent à leur tour dans sa légende. Quelles amours touchantes que ses amours avec Rachel ! quelle femme eut un lit de mort baigné de larmes plus douloureuses, et laissa dans le coeur d'un homme un plus long souvenir ? Pour quels enfans l'amour voué à

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Sans doute, pour figurer la puissance individuelle de l'homme, on imaginerait tout autre chose aujourd'hui qu'un combat avec Dieu dans lequel la victoire reste au lutteur humain. Mais, à part la forme, l'idée du symbole est certainement très-grande; la personnalité de l'homme y reçoit une haute confirmation. Cette idée se lie au principe d'après lequel le Dieu des Juifs, son esprit, la sagesse intellectuelle et pratique des nations, se pliait à toutes les conditions d'une alliance, d'un contrat mutuel, et était toujours disposé à dire ses motifs, ou, selon le langage du pays, à entrer en jugement, à plaider tant avec les Juifs qu'avec les nations étrangères. Venite et arguite me, dicit dominus. (Isaïe, 1, etc.)

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L'expression de l'amour de Jacob dans sa légende prouve que ce sentiment était-loin de se réduire, auprès de l'écrivain biblique, à l'attrait des sens ou même de la paternité. Des deux filles de Laban, dit-il, Lia avait les yeux tendres et Rachel était de belle taille et belle à voir Jacob servit son oncle pendant sept ans pour obteni Ra

leur mère imprima-t-il une couleur plus vive aux transports paternels? Et, lorsqu'à ses derniers jours sa voix s'adresse à un puissant monarque, malgré les souffrances profondes dont son cœur avait ressenti les atteintes, Jacob témoigne ses regrets sur la rapidité de la vie ; il ne puise de consolation absolue que dans la prévoyance des jours heureux promis à sa postérité la plus reculée, et à l'assemblée tout entière des peuples à venir 1.

Quant au dernier aspect de la figure en question, on connaît sa nature collective ou panthéistique, ce qui veut dire que Jacob ou Israel représentait l'ensemble général du

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chel; et ces sept ans ne durèrent à ses yeux que peu de jours, tant il avait d'amour pour elle! Et videbantur illi pauci dies, præ amoris magnitudine. (Genèse, xxix, 20). Remarquez de plus que Jacob n'eut réellement que la seule Rachel pour femme de son choix. S'il épouse Lia, c'est par la supercherie de son oncle; s'il reçoit Bilha dans sa couche, selon les mœurs de l'époque, c'est pour plaire à Rachel, qui, désespérée de sa stérilité, voulait adopter pour siens les enfans de sa servante (Genèse, xx1). Enfin, il accueille Zilpa afin ne pas se montrer contraire au vœu de celle des deux sœurs qu'il aimait le moins, après avoir accueilli le vœu de Rachel. (Ibid. xx1, 9).

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Voy. Genèse, XLVII, IX, et ci-dessus tom. 1, p. 73.

ple hébreu, dans lequel tous les individus originaires ou affiliés, se voyaient frères par la justice et par la loi, encore plus que par le sang. En conséquence, après avoir isolé l'une de l'autre ces trois significations, le père physique d'un peuple, l'esprit de ce peuple, et ce peuple tout entier, rapprochons-les soudain et essayons de les confondre avec les dispositions au mysticisme et à la mythologie familières aux siècles qui précédèrent et qui suivirent la venue de Jésus-Christ; nous y retrouverons un personnage unique, composé en apparence des plus étranges contradictions, car il pouvait se proclamer comme étant à la fois le fils, l'esprit et le père de lui-même.

Dès que Jésus eut jeté les bases d'un peuple israélite nouveau, qui devait attacher aux félicités éternelles du monde futur la même foi qu'Abraham et Jacob avaient cue dans les félicités naturelles promises à leur postérité et à toute la terre, les formes diverses et modifiées du nom judaïque ne tardèrent pas à se concentrer en lui. Alors la figure du maître. fut destinée à exprimer quelque chose de plus que le père historique ou le fondateur de l'école qui en réalité naissait à sa voix, quelque

chose de plus que l'esprit vivant de conduite, proposé à tous les membres de cette école; sa figure devint la personnification collective de la société nouvelle, du peuple nouveau tout entier, pris non-seulement dans son état actuel, mais dans l'état le plus perfectionné, le plus miraculeux auquel la doctrine promettait de le faire atteindre. Cette personnification, comme je l'ai déjà dit et comme je le prouverai mieux en parlant des idées de Paul et de l'apôtre Jean, a obtenu un accroissement successif à mesure que les limites premières et la signification du nom de l'église se sont étendues 1.

'Dans la deuxième et la troisième phase de la doctrine, le caractère personnificateur et collectif du nom de Jésus-Christ sera consacré par les apôtres avec une netteté hors de toute contestation. Lorsque j'en arriverai là, une de mes notes de la fin du volume prendra pour texte un passage de critique qu'un trèshonorable pasteur et professeur de Genève a inséré à mon sujet dans un de ses ouvrages. Je prouverai, au moyen de quelques explications et d'une citation seule, que je ne suis point sorti des droits que les documens me donnaient dans ce que j'ai dit des diverses manières d'envisager l'unité du Dieu des Juifs. Je prouverai que s'il y a du panthéisme dans mon histoire des insti

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