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et de folles herbes. Des gens à systèmes, des philosophes sans doctrine étaient inhabiles à continuer Estienne.

Ce dernier reconnaît cinq voyelles et dix-sept consonnes; il n'admet pas le k, dont Baïf et Ramus l'ont sans doute dégoûté. Quant à la prononciation de ces signes, il adopte le latin pour base, et se borne à constater les exceptions particulières à notre idiome; procédé excellent, si le lecteur sait le latin: il faut l'avouer, c'était traiter le français comme un patois.

On trouve là une explication de l'emploi fréquent de l'y dans les anciens livres, raison qu'un imprimeur était plus apte que tout autre à donner. Estienne, d'ailleurs, n'énonce presque jamais un fait sans en rechercher le principe; il se conforme à l'usage, mais le commente et l'explique. Le secret de la didactique du langage est là.

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<< Nos anciens, dit-il, s'en sont aidés (de l'y) quand un i venoit « seul au commencement d'un mot, faisant seul une syllabe, comme yvraie, yver, yvre : à cause que y a forme telle qu'il ne se peut joindre avec la lettre suyvante. Pareillement quand au milieu « d'un mot il y avoit un i entre deux voyelles, comme envoyer, je « voyoye; à fin qu'on n'assemblast l'i de la syllabe précédente avec la syllabe subséquente, et qu'on ne dist: — Je vo-io-ie, envo-ier. " Aussi en la fin des mots finissans en diphthongue ont mis un y, comme moy, toy, soy, roy, foy, iray, appuy, ennuy.» Moins grammaticale que l'explication de Meigret, celle-ci est, par cela même, plus probable; l'autre a pu faire loi par la suite.

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Ainsi le but était tout simplement d'indiquer à l'œil la division des syllabes dans des cas douteux alors, par l'emploi d'une lettre qui, ne se liant pas à celle qui la suit, semble propre à marquer la coupure de la syllabe. Cette coutume, du temps d'Estienne, vieillissait en quelques-unes de ses applications.

Nos grammatistes, qui font provenir la diphthongue de cette interprétation du grec deux sons, auraient lu profitablement Estienne, attendu que la plupart des diphthongues ne rendent qu'un son, ou, eu, au, ay, etc..., « lesquelles, dit Estienne, ont appelé diphthongues, qui est un mot prins du grec, signifiant le son de deux. Il y en a sept: ai ou ay, ei, oi ou oy, ui, au, eu, ou. » Il y ajoute le pronom je, preuve qu'on prononçait alors comme on écrivait, ie. Mais évidemment on articulait je dans certaines provinces, et, par exemple, à Lyon. Toujours logique, Estienne

forme une catégorie spéciale des triphthongues; puis il traite, à la façon des grammaires latines, des parties du discours, classées de même en neuf; et afin de ne pas excéder ce nombre consacré, il absorbe l'adjectif dans le nom, et l'adjonction de l'article se trouve compensée.

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Les noms sont sujets à sept accidents: espèce, comparaison, genre, nombre, figure, cas et déclinaison. A deux espèces : primitive et dérivative, montagne, montagnard, etc.... Quant à la figure, ils sont simples ou composés. L'auteur ne mentionne les cas et les déclinaisons que pour en constater l'absence.

Robert Estienne croit nos articles dérivés du latin et du pronom ille, illa, illi. Le latin l'induit à prendre parti contre certains gallicismes consacrés; ainsi il s'autorise de ce qu'on dit : ille est honestus, qui... pour écrire, au sujet du pronon celui, celle: « ... Pour bien parler, on ne met jamais ci ne là après, car ils sont << adverbes dénotans certain lieu. Parquoy, c'est mal parlé françois « de dire, celuy là est homme de bien, qui...; car il fault dire: a celuy est homme. »

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Cet érudit prisait notre idiome d'autant plus qu'il ressemblait à sa mère, bien différent de ceux qui le voulaient faire naître tout armé de leur cerveau.

Estienne définit les verbes neutres ceux qui n'ont point de déclinaison passive, explication commune aux verbes latins, et plus juste que celle de Ramus. Mais il déduit trop servilement nos impersonnels de ceux des Latins, en indiquant par quels changements de lettres on passe des uns aux autres. Le même inconvénient se fait sentir au chapitre Des espèces des verbes; il faut être latiniste pour entendre ici les règles du français. Il divise les conjugaisons en quatre, d'après les désinences de l'infinitif, à la manière de Donatus et de Meigret. C'est d'après les mêmes errements qu'il admet, ce que nous n'avons pas, des verbes passifs. Assurément amor est un verbe; mais comment admettre que le verbe être puisse former une seconde espèce par l'adjonction d'un participe, véritable adjectif, et que ces trois mots : Je suis aimé, constituent un verbe? Il est évident que l'on peut conjuguer être prudent, être sage, tout aussi bien que être aimé : la seule différence est que, dans l'un des cas, l'adjectif est dérivé d'un verbe, et que dans l'autre il ne l'est pas. C'est donc là une complication vaine. Il n'existe de verbes passifs que dans les traités de nos grammairiens.

Sa division des verbes impersonnels en dérivés des Latins terminés en tur, et de ceux qui se terminent par un t, me paraît également caduque: l'on aime, l'on a aimé, n'est pas un impersonnel, c'est la traduction de cette proposition régulière: homo amat, amavit; et il est évident que si il pleut, il faut, sont des impersonnels, on aime, on avertit, n'en sont pas.

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A l'article des adverbes, Robert Estienne en signale quelquesuns qui ne sont pas venus jusqu'à nous; tel est cipricimi, contraction de ci-pris, ci-mis, et dont l'usage le plus fréquent était en ce lieu: Sitôt pris, sitòt pendu. Tels sont encore auprime, et orprime (ad horam primam); piéça; tandi (in tempore dicto), ciens, liens, à propos desquels l'auteur blâme la mauvaise coutume d'écrire léans et céans; entredeux, qui est regrettable, etc... A propos de guère ou gaires, Robert dit qu'il signifie beaucoup ou moult, et ne se met jamais sans une négation précédente.

On voit que l'Académie naissante a négligé ces bonnes lectures, en rédigeant son dictionnaire; c'est une observation que nous avons déjà faite ailleurs, en l'étendant à des remarques analogues sur les mots personne, rien, aucun, remarques que d'autres critiques ont depuis reproduites. N'ayant pas encore, à cette époque, lu la grammairc d'Estienne, nous n'avions pu lui faire honneur de sa remarque, qu'il étend plus loin (p. 127), au mot rien.

L'ouvrage se termine par un travail ingénieux, mais vraiment superflu, intitulé De la mutation des lettres des mots latins faicts françois, dans lequel l'auteur se propose d'ériger en règles formelles les diverses modifications lexicographiques au moyen desquelles les mots français se sont formés des latins. Pour les uns, la mutation concerne les désinences, pour d'autres la racine; pour ceux-ci ce sont des annexes au milieu des mots, pour ceux-là des syncopes; ici c'est une réduplicative, là une contraction, et parfois plusieurs de ces accidents réunis. La loi change suivant toutes les désinences latines, et encore chacune de ses applications est-elle souvent l'objet d'exceptions nombreuses. Cette étude semble imaginée à l'usage d'un contemporain d'Horace, qui, n'ayant aucune idée d'une langue telle que la nôtre, souhaiterait de connaître en gros comment ce dialecte inconnu procède de la langue polie. J'ai compté de ces règles jusqu'à cent trente-cinq, fabriquées pour les exemples; on pourrait en doubler le nombre, et le quintupler, si l'on y comprenait, ce qui est indispensable, toutes les anomalies.

Le modèle burlesque de ce genre de travail serait : Avertir se forme de monere, en changeant mo en a, et nere en vertir. Ce bel argument a été le cheval de bataille de plus d'un grammairien.

La déconfiture orthographique de Meigret, de Peletier du Mans et de quelques autres, ne mit pas fin à l'esprit d'innovation et à l'audace féconde du pédantisme.

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Ramus et sa gramère; il change deux fois l'orthographe. Distinotion de l'u du v, et de l'i du j. Procès en parlement suscité par la lettre q. D'où provient que l'on a dit j'étions. Règle des participes, versifiée par C. Marot. Illusions des grammairiens de la Renaissance. Alphabet de Baïf; sa prosodie burlesque et son langage travesti. Multiplicité et insuffisance des grammaires,

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En 1562, Pierre de la Ramée fit paraître, à l'imprimerie d'André Wechel, un livre laconiquement intitulé GRAMÈRE. Il avait eu connaissance de l'ouvrage de Jacques Dubois, du traité d'Étienne Dolet sur la ponctuation et les accents, des doctrines de Jean Pillot écrites en latin, ainsi que du Tretté de la gramère françoëze de Louis Meigret, «euvre (à son gré) plu haut, e plu manifice, e de plu rice e divers étofe. » Ramus était au courant de la dispute orthographique survenue, entre Meigret et Peletier du Mans, contre Guillaume des Autels, dispute alors presque abandonnée, de l'aveu même de notre auteur: « lé plu nouveaus ont évité cete controverse. »

La prudence de ces plu nouveaus n'imposa point à la Ramée, esprit habitué à la contradiction, affriandé des émotions de la lutte, et ravi par l'ambition d'innover. Ses réformes orthographiques ne furent pas spontanées; il s'essaya d'abord, puis modifia ses opinions, comme on peut s'en convaincre en comparant deux éditions de sa gramère, mises au jour à dix ans d'intervalle. La première, celle de 1562, disposée sous forme de leçons familières, par demandes et par réponses, s'ouvre ainsi :

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teur) entendre de vous la gramere fransoeze, einsi ce jé entendu «la grece et latine, moienant c'il ne vou soe moleste. P. Sertes, << nule çoze ne me sauroet être plu agréable ce de favorizer a tan

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