Obrazy na stronie
PDF
ePub

reras plus qu'à suivre Jésus-Christ et à porter sa croix jusqu'à la mort..... » Je dis que si quelque prophète m'avait fait cette prédiction, je n'aurais jugé qu'un seul homme plus insensé que lui, c'eût été l'homme qui aurait cru à la possibilité d'une telle folie.

<< Et cependant, c'est cette folie qui fait aujourd'hui ma sagesse et mon bonheur.

<< En sortant du café, je rencontre la voiture de M. Théodore de Bussière. Elle s'arrête, et je fus invité à y monter pour une partie de promenade. Le temps était magnifique, et j'acceptai avec plaisir. Mais M. de Bussière me demanda la permission de s'arrêter quelques minutes à l'église Saint-Andrédes-Frères, qui se trouvait presque à côté de nous, pour une commission qu'il avait à remplir. Il me proposa de l'attendre dans la voiture ; je préférai sortir pour voir cette église. On y faisait des préparatifs funéraires, et je m'informai du nom du défunt qui devait y recevoir les derniers honneurs. M. de Bussière me répondit : « C'est un de mes bons amis, le comte de La Ferronnays; sa mort subite, ajouta-t-il, est la cause de cette tristesse que vous avez dû remarquer en moi depuis deux jours. >>

« Je ne connaissais pas M. de la Ferronnays; je ne l'avais jamais vu, et je n'éprouvais d'autre impression que celle d'une peine assez vague qu'on ressent toujours à la nouvelle d'une mort subite. M. de Bussière me quitta pour aller retenir une tribune destinée à la famille du défunt. « Ne vous impatientez pas, me dit-il en montant au cloître, ce sera l'affaire de dix minutes..... >

« L'église de Saint-André est petite, pauvre et déserte..... Je croyais y avoir été à peu près seul..... Aucun objet d'art n'y attirait mon attention; je promenais machinalement mes regards autour de moi sans m'arrêter à aucune pensée..... Bientôt..... je ne vis plus rien..... ou plutôt, ô mon Dieu, je vis une seule chose!!!

<< Comment serait-il possible d'en parler? Oh! non, la parole humaine ne doit point essayer d'exprimer ce qui est inexprimable; toute description, quelque sublime qu'elle puisse être, ne serait qu'une profanation de l'ineffable vérité.

J'étais là, prosterné, baigné dans les larmes, le cœur hors de moi-même, quand M. de Bussière me rappela à la vie.

«Je ne pouvais répondre à ses questions précipitées; mais enfin je saisis la médaille que j'avais laissée sur ma poitrine; je baisai avec effusion l'image de la Vierge rayonnante de grâces..... Oh! c'était bien elle !

« Je ne savais où j'étais; je ne savais si j'étais Alphonse ou un autre, j'éprouvais un si total changement, que je me croyais un autre moi-même..... Je cherchais à me retrouver et je ne me retrouvais pas... La joie la plus ardente éclata au fond de mon âme; je ne pus parler; je ne voulais rien révéler; je sentais en moi quelque chose de solennel et de sacré qui me fit demander un prêtre..... on m'y conduisit, et ce n'est qu'après en avoir reçu l'ordre positif, que je parlai selon qu'il m'était possible, à genoux et le cœur tremblant.

<< Mes premiers mots furent des paroles de reconnaissance pour M. de La Ferronnays et pour l'Archiconfrérie de NotreDame des Victoires. Je savais d'une manière certaine que M. de La Ferronnays avait prié pour moi (1), mais je ne saurais dire comment je l'ai su, pas plus que je ne pourrais rendre compte des vérités dont j'avais acquis la foi et la connaissance. Tout ce que je puis dire, c'est qu'au moment du geste le bandeau tomba de mes yeux; non pas un seul bandeau, mais toute la multitude de bandeaux qui m'avaient enveloppé disparurent successivement et rapidement comme la neige, et la boue, et la glace, sous l'action du brûlant soleil.

«Je sortais d'un tombeau, d'un abîme de ténèbres, et j'étais vivant, parfaitement vivant... mais je pleurais! Je voyais au fond de l'abîme les misères extrêmes d'où j'avais été tiré par une miséricorde infinie je frissonnais à la vue de toutes mes iniquités, et j'étais stupéfait, attendri d'admiration et de reconnaissance..... Je pensais à mon frère avec une indicible joie ;

(1) On sait que M. le comte de La Ferronnays, après avoir édifié Rome par ses vertus et par la piété qui éclata dans les dernières années de sa vie, mourut subitement le 17 janvier au soir. La veille, il avait diné chez le prince Borghèse, où M. de Bussière recommanda le jeune israélite aux prières de M. de La Ferronnays, qui témoigna le plus vif intérêt pour cette conversion.

[graphic][merged small]

mais, à mes larmes d'amour, se mêlèrent des larmes de pitié. Hélas! tant d'hommes descendent tranquillement dans cet abîme, les yeux fermés par l'orgueil ou l'insouciance..... Ils y descendent, ils s'engloutissent tout vivants dans ces horribles ténèbres..... Et ma famille, ma fiancée, mes pauvres sœurs!!! Oh! déchirante anxiété! c'est à vous que je pensais, ô vous que j'aime! c'est à vous que je donnais mes premières prières... Ne lèverez-vous pas les yeux vers le Sauveur du monde, dont le sang a effacé le péché originel! Oh! que l'empreinte de cette souillure est hideuse! Elle rend complètement méconnaissable la créature faite à l'image de Dieu.

« On me demande comment j'ai appris ces vérités, puisqu'il est avéré que jamais je n'ouvris un livre de religion, que jamais je ne lus une seule page de la Bible, et que le dogme du péché originel, totalement oublié ou nié par les Juifs de nos jours, n'avait jamais occupé un instant ma pensée; je doute même d'en avoir connu le nom. Comment donc suis-je arrivé à cette connaissance? Je ne saurais le dire. Tout ce que je sais, c'est qu'en entrant à l'église, j'ignorais tout, et qu'en sortant je voyais clair. Je ne puis expliquer ce changement que par la comparaison d'un homme qu'on réveillerait subitement d'un profond sommeil, ou bien par l'analogie d'un aveugle-né qui tout à coup verrait le jour; il voit, mais il ne peut définir la lumière qui l'éclaire et au sein de laquelle il contemple les objets de son admiration. Si l'on ne peut expliquer la lumière physique, comment pourrait-on expliquer une lumière qui, au fond, n'est que la vérité elle-même ? Je crois rester dans le vrai, en disant que je n'avais nulle science de la lettre, mais que j'entrevoyais le sens et l'esprit des dogmes. Je sentais ces choses plus que je ne les voyais, et je les sentais par les effets inexprimables qu'elles produisaient en moi. Tout se passait au-dedans de moi; et ces impressions, mille fois plus rapides que la pensée, mille fois plus profondes que la réflexion, n'avaient pas seulement ému mon âme, mais elles l'avaient comme retournée et dirigée dans un autre sens, vers un autre but et dans une nouvelle

vie.

Je m'explique mal; mais voulez-vous, Monsieur, que je

« PoprzedniaDalej »