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plus anciennes et plus riches, des recueils périodiques voués à l'avancement et à la vulgarisation de tous les genres de connaissances; mais cette idée n'a pu jusqu'ici recevoir parmi nous qu'un commencement de réalisation, grâce à l'énergie de quelques hommes d'étude et aux faveurs du Gouvernement. Le temps de multiplier de pareilles entreprises n'est pas encore venu. Du reste, le fût-il, on sait qu'une Revue comme la nôtre a toujours trouvé sa place, et l'a gardée avec honneur dans les autres pays, malgré l'apparition d'œuvres spéciales. Pour celleci, sa spécialité est précisément de n'en pas avoir, d'être générale, de ne rien exclure, de tout embrasser presque au même titre.

Il ne sera pas toujours possible, avec un programme si large, de donner régulièrement à chaque matière toute l'attention qu'elle mérite, ni tout l'espace qu'elle pourrait légitimement occuper. Mais nous prétendons ne rien négliger. Le tableau des matières est là, complet, sinon aussi détaillé qu'il pourrait être, au front de notre Revue. Eh bien, nous n'hésiterons pas à le déclarer, ce n'est là ni une annonce solennelle à la mode du jour, ni une formule empruntée à quelque publication étrangère et qui n'engage à rien, ni un pavillon honorable destiné à couvrir une richesse d'emprunt, une marchandise de contrebande, ou un butin ravi à l'étranger. Non; c'est un programme à remplir, qui sera rempli en effet, et à nos dépens, nous dirions volontiers à la sueur de notre front. Nous l'avons dressé avec réflexion; et en le mettant aujourd'hui entre les mains de nos lecteurs, nous avons, avec la connaissance de ce qu'il promet, l'espoir bien fondé de n'avoir, au moment de l'exécution, ni à le désavouer, ni à le tronquer, contre l'attente légitime de ceux qui nous auront accordé leur confiance.

Nous voudrions maintenant faire passer, l'un après l'autre sous les yeux du lecteur, tous les objets partiels qui forment le domaine de cette Revue, et indiquer avec soin les principaux caractères qui les distinguent. Ce ne serait là ni un horsd'œuvre, ni une cérémonie inutile, puisque l'une des fins obligées d'un prospectus est précisément de faire connaître autant que possible toutes les matières qu'on se propose d'étudier dans la suite. Mais, puisqu'il faut se borner, nous nous contenterons de jeter un coup d'œil sur trois points de notre programme, lesquels pourraient être, ou moins familiers à quelques-uns de nos lecteurs, ou plus sujets que les autres aux écarts de l'interprétation; savoir: la Théologie, l'Économie sociale et la Politique.

Théologie.

Pour former un seul de ces hommescomplets qu'on vit paraitre encore quand le moyen âge allait finir, nous n'avons plus le sel théologique qui faisait germer toutes les supériorités.

LOUIS VEUILLOT

Univers du 23 Novembre 1876.

Ce mot, Théologie, que nous mettons au sommet parce qu'il doit y être, signifie la science de Dieu. Dieu est l'objet principal de la théologie, mais il n'en est pas l'objet adéquat. D'une manière subordonnée, elle embrasse également les œuvres divines ad extra, dans l'ordre de la création et de la nature, comme dans celui de la sanctification et de la grâce, qu'elle ne considère pourtant que relativement à Dieu, premier principe et fin dernière.

A ce premier point de vue, la théologie serait déjà la plus noble des sciences. Mais ce qui la distingue de toutes les autres,. c'est qu'elle s'éclaire à la lumière surnaturelle d'un double flambeau, le flambeau de la révélation et celui de la foi. La révélation rayonne sur l'objet, pour lui donner un éclat que n'a point en ce monde la vérité laissée à elle-même; la foi rayonne sur la raison, intelligence et volonté, pour l'élever, en lui communiquant une énergie que l'on chercherait en vain dans les replis les plus secrets de sa noble nature.

La théologie suppose donc et la révélation et la foi.

Elle suppose la révélation, puisque d'un côté, c'est l'autorité expresse de Dieu, ou l'autorité-science et veracité-de Dieu révélateur, ou la parole de Dieu suffisamment proposée, qui forme son appui, et que de l'autre, c'est dans les vérités révélées qu'elle trouve à la fois ses principes et son aliment propres. Elle suppose aussi la foi, car c'est par la foi, uniquement par elle, que la théologie peut user en effet de cet appui, s'alimenter à la source pure des vérités révélées. Autrement l'autorité de Dieu même, ainsi que la vérité révélée, ignorées ou méconnues, resteraient sans effet, sans valeur, absolument comme si elles n'existaient pas.

Mais la foi dont nous parlons doit être surnaturelle, parce que la raison, dépourvue de cette lumière divine qui la vivifie in

trinsèquement, réduite à ses humbles forces, ne pourrait pas accueillir comme il convient l'objet élevé par la révélation à la gloire d'un rayonnement surnaturel. Il n'y aurait plus alors de proportion entre le connaissant et le connu; et la vérité révélée, malgré l'éclat divin qu'elle a revêtue, ou plutôt à cause même de cet éclat, resterait à l'égard de la raison, bornée à ses propres lumières, dans une sphère supérieure, à une hauteur inaccessible.

Donc la théologie repose sur la foi. Intrinsèquement animée de sa vie, appuyée avec elle sur le roc de l'autorité divine, s'éclairant avec elle à la lumière du témoignage divin, s'abreuvant avec elle à la source miraculeuse des vérités révélées, elle s'avance, avec une royale majesté, incedit regina, à la conquête scientifique d'un domaine qu'elle connaît déjà et possède par la foi.

C'est une science, mais une science chrétienne, dans toute l'ampleur de l'expression: Sacra doctrina.

C'est la science des vérités de la foi, science proportionnée à la raison, sans doute, mais à la raison éclairée par la foi.

Elle repose sur la foi, suivant la belle expression de Clément d'Alexandrie: Super fidem ædificatur (1).

Elle est la foi même, comme le répètent si souvent les SS. Pères, laquelle, toujours ferme et inébranlable, cherche sans jamais s'écarter de ses voies, l'explication, la confirmation scientifique, l'ample et claire manifestation de ce qu'elle croit: Fides quærens intellectum.

La théologie s'entoure, il est vrai, de toutes les sciences rationnelles critique, philologie, herméneutique, histoire, philosophie surtout; mais en les prenant à son service, elle se souvient qu'elle est reine.

Elle sait qu'il ne lui est ni permis, ni libre de renoncer à ses titres, à ses principes, à ses lumières propres.

Elle sait que les principes ou les vérités des sciences ration nelles, ne sont ni ses principes, à elle, ni ses vérités.

Elle sait que soutenue, éclairée d'en haut, elle ne peut rien céder à ses inférieures; mais qu'elle doit, au contraire, les soumettre à son sceptre, les diriger, les corriger au besoin, en un mot, les traiter comme des vassales, des servantes.

Vouloir descendre à leur niveau serait abdiquer; et en abdiquant, elle s'anéantirait elle-même: elle ne serait plus rien. (1) Strom. VII, p. 772, 757.

Cependant, remarquons-le bien, de ce que la foi précède la théologie, il ne s'ensuit pas que la foi précède la raison. Oh! non, la foi ne précède pas la raison. Au contraire, c'est la raison qui précède la foi. La raison peut connaître, connaît en effet, et avec certitude, plusieurs vérités, avant de croire; elle s'approche de la foi; elle y conduit l'homme à l'aide de la révélation et de la grâce (1); et c'est en cela que la foi, quoique surnaturelle, uniquement appuyée sur le témoignage, est néanmoins à juste titre, dans un sens très-vrai, appelée raisonnable.-On enseigne cependant que la foi est aveugle. Oui, mais qu'est-ce à dire? Est-ce à dire que le fidèle n'a aucun motif solide de croire, ou qu'il ignore entièrement la valeur des motifs qui réclament son adhésion? Est-ce à dire qu'il n'entend rien non plus à ce qu'il croit? Oh! non. La foi n'est pas aveugle de cette façon. L'homme ne saurait être appelé, ni par l'homme, ni par Dieu, à donner, sans savoir pourquoi, l'adhésion libre de son intelligence, ou à croire une vérité qui échappe absolument à sa vue. C'est un principe, que Dieu conduit chaque être selon sa nature: l'être raisonnable comme raisonnable, la brute comme brute. Il ne saurait mépriser l'essence des choses, dont il est l'auteur. Donner son adhésion à une vérité sur une autorité inconnue, équivaudrait à s'appuyer sur le néant. Croire ce que l'on ne voit aucunement, ne serait pas simplement ne rien croire, ce serait croire le rien, c'est-à-dire le comble de l'absurdité.

Cette connaissance dont nous parlons est requise, même relativement au plus profond des mystères.

Quand on dit que la foi est aveugle, cela signifie simplement que le motif de la foi, ou la raison pour laquelle on adhère à une vérité révélée, n'est pas la démonstration rationnelle de cette vérité, et que cette adhésion ne laisserait pas que d'être aussi ferme, la vérité en question fût-elle indémontrable, au-dessus de la raison. Cela signifie simplement que la foi repose essentiellement sur l'autorité du témoignage, témoignage connu, témoignage infaillible, et non pas sur l'intuition ou le raisonnement. Par conséquent, s'agit-il d'une vérité à la fois démontrée et révélée, le fidèle y donne son adhésion en vertu d'un double motif: il y adhère en vertu de l'évidence, en tant qu'elle est démontrée, et en vertu de l'autorité du témoignage, en tant

(1) L'exercice de la raison précède la foi et y conduit l'homme à l'aide de la révélation et de la grâce. Propos. 3. S. Congreg. Indic. 1855.

qu'elle est témoignée: double adhésion, adhésion de la raison et adhésion de la foi : deux actes très-distincts, très-compatibles (1), mais qu'il ne faut jamais confondre.

Appliquons ces notions générales aux principales divisions de la science sacrée.

La théologie débute par l'Apologétique. C'est son premier pas. Elle n'a pas encore pris son vol vers le firmament où se meuvent comme des astres, dans une céleste harmonie, les vérités révélées. Ses investigations se portent sur les fondements, les sources, les règles de la foi. Elle se borne à considérer le grand fait de la révélation, et par conséquent les motifs de crédibilité qui paraissent dans l'histoire de la providence surnaturelle et des manifestations divines, à reconnaître le mode suivant lequel la vérité révélée est parvenue jusqu'à nous et se conserve toujours la même, pure, dans l'Ecriture et la Tradition, par le ministère de l'Eglise divinement instituée.

On dirait, en la voyant contempler ces grandes assises, remuer en tous sens ces pierres, les examiner sous toutes leurs faces, les ajuster habilement l'une à côté de l'autre, on dirait qu'elle cherche le roc solide, qu'elle veut éprouver ces bases, et trouver pour la foi un appui digne de sa confiance. Il n'en est rien cependant; car avant qu'elle eût commencé son travail scientifique, avant qu'elle eût jamais mis le pied sur ce terrain, la raison en avait déjà reconnu l'existence et la solidité, et là, comme sur un fondement inébranlable, elle avait avec assurance, dans la lumière et la chaleur fortifiante de la grâce, assis la ferme persuasion de sa foi.

Pour parler sans figure dans une matière de cette importance, distinguons trois actes: une première connaissance, savoir: Que Dieu infaillible a parlé; une seconde connaissance, savoir: Que Dieu infaillible a révélé telle vérité déterminée et dans tel sens; en troisième lieu, l'assentiment ou l'adhésion donnée à cette vérité révélée, sur l'autorité infaillible de la parole de Dieu.

Cette adhésion est l'acte formel de foi.

L'acte formel de foi suppose donc, et implique, une double connaissance, laquelle vient elle-même d'une connaissance au

(1) La science et la foi peuvent avoir le même objet matériel. C'est ce qu'enseigne l'Ecole, bien que saint Thomas semble avoir exposé une doctrine contraire.

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