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Dans tout le voisinage,
Garde la paix; enfin
Déteste ce langage

Qui blesse le prochain.
L'amitié se relâche

Quand on se voit souvent;
On n'a pas de disgrâce
Quand on sort rarement.

A chaque jour servile
Sans cesse occupe-toi :
Ta vie sera utile,

Et c'est là notre loi.
Observe le dimanche

En allant au saint lieu.

Ton âme restera blanche

Aux regards de ton Dieu.

Si Auger ne sait pas lire, il écoute les sermons de son curé; c'est évident. Il y a dans ces couplets de la facilité, d'excellents sentiments, et des conseils fort utiles. Toutes les chansons de mon vieux compatriote ne sont pas marquées au coin d'une pareille piété. Cela serait devenu fastidieux; car la chanson est, de sa nature, légère et gaie. Elle se trouve à la gène dans un costume trop sévère, et elle perd sa grâce en devenant cantique. Auger a bien soixante ans sonnés aujourd'hui. Il est le père heureux d'une nombreuse famille. L'une de ses filles est sœur

de charité.

III

A mesure que les années avancent, l'instruction se répand parmi le peuple. Il y a cinquante ans celui qui savait lire était fort considéré. Si avec cela il savait écrire, on disait de lui: c'est un savant. Aujourd'hui, Dieu merci, les ténèbres se dissipent...... et l'on n'est pas savant pour si peu. Les deux poètes dont je veux parler maintenant savent donc lire... que dis-je ?... ils écrivent même. Octave Normand et Lazare Tace sont deux cousins; et tous deux ils sont nés poètes.

Pourtant ils mourront sans voir leurs fronts ceints des lauriers que d'autres plus heureux ont pu recueillir. Ce sont des intelligences d'élite restées dans les ombres, des intelligences que n'ont pas touchées les rayons du soleil. Normand, plus instruit que son cousin, a même franchi le seuil des séminaires. Il a atteint la quatrième. Des malheurs de famille l'ont rappelé

à la campagne. Il s'est fait batelier comme son père, comme ses frères.

Souvent il est venu sur les quais de Montréal vendre du bois aux heureux citadins. Il aimait cette vie sur l'eau. Elle offre, en effet, beaucoup d'attraits aux poètes. Un jour, la petite goëlette qui portait toute sa fortune-je veux dire ses cahiers de poésies-la petite goëlette sombra sur les côtes de l'Isle d'Orléans, dans une rencontre avec un steamer. A peine le poète eut-il le temps de sauver sa vie.

Un peu plus tard, je le trouve exerçant le métier de bûcheron pour donner le pain à sa jeune famille. Aujourd'hui, il travaille comme journalier sur le chemin de fer, à la gare d'Arthabaska. Il est âgé de trente et quelques années. Il est propriétaire d'une jolie petite femme, et père de plusieurs beaux enfants-mais il ne fait plus de vers. Je possède la seule pièce qu'il ait écrite depuis longtemps. Elle est adressée à un ami dont le père venait de mourir. Je vous la donne avec ses imperfections. C'est une épître en vers alexandrins.

A MON CHER COUSIN

Sèche tes pleurs, ami, sèche tes tristes pleurs !
Confie au vent du soir tes trop justes douleurs !
Peut-être diras-tu dans ta grande tristesse:

Comment ne pas gémir quand la peine nous presse?
Comment rester muet, quand les échos divers
Semblent se réunir pour dire à l'univers
Les soucis, les soupirs d'une âme infortunée?
Je le sais, mon ami, cette terre est semée
Que d'amères douleurs, que d'informes débris!
Que de pénibles maux et de cuisants soucis!
Jadis où l'avenir me semblait plein de charmes,
J'ai subi comme toi ces cruelles alarmes !

Il avait perdu son père, aussi lui; et c'est alors qu'il dut renoncer à l'étude.

Sèche tes pleurs, te dis-je; Oh! oui, sèche tes pleurs!......
Confie au vent du soir tes trop justes douleurs !

Tu le sais, au-dessus de la voûte azurée,
Que vient orner encore de sa présence aimée
Cette étoile du soir, pure comme la fleur
Qui répand au lointain sa plus suave odeur;
Oui, tu le sais, il est un sentier plein de charmes
Qui mène au vrai bonheur en finissant les larmes,
C'est là que reposent tant d'êtres fortunés,
Tant d'amis d'autrefois, de parents bien-aimés !

Aussi c'est là que veille, admis au rang des anges
Qui chantent du Très-Haut les grandeurs, les louanges,
Cet être si chéri, ce père tant aimé !......

Et du haut de ce Ciel, où tout n'est que beauté,
Comme il doit regarder avec douleur amère

Les maux que nous souffrons sur cette pauvre terre!
Et pour ses doux enfants, oh! que son tendre cœur
Doit former bien souvent des souhaits de bonheur!
Et tu voudrais troubler, par d'inutiles larmes,
Ce bonheur mille fois plus doux que tous les charmes !

Sèche tes pleurs, te dis-je; oh! oui, sèche tes pleurs !
Confie au vent du soir tes trop justes douleurs !
Et qu'est-ce que la vie? Un vent, une fumée,
Un orage du soir, une brise embaumée,
Un éclair de bonheur qui brille au firmament,
Et qui va tout à coup périr dans le néant !...
C'est là qu'elle nous mène, amertume profonde !
Cette bien courte vie, en erreurs trop féconde!
Le superbe orgueilleux, le héros si puissant,
Que lui reste-t-il donc de son nom florissant?

Quelques penseurs flatteurs, quelques mots que l'histoire
Voudra bien raconter, souvenir de sa gloire!
Peut-être seulement quelques pleurs superflus,
Qu'un écho qui répète: Il est mort! il n'est plus !
Sèche, sèche tes pleurs; ne verse plus de larmes.

En quittant cette vie, il a fui les alarmes ;
Bon époux et bon père il a d'un Dieux jaloux
Mérité la clémence et calmé le courroux !

Cette page n'est pas sans défauts. Si elle était la production. d'un esprit cultivé, d'un homme instruit, elle serait mauvaise même; car une œuvre littéraire est bonne ou mauvaise en soi, et elle l'est par comparaison. Mais c'est une main tremblante qui l'a écrite ; je veux dire une main que la bêche du journalier et la hache du bucheron ont fatiguée et brisée; c'est une intelligence rongée par la rouille-s'il m'est permis de parler ainsiqui a conçu ces alexandrins! J'ai sans doute raison de penser que Normand serait aujourd'hui l'un des habitués du Parnasse, et peut-être un enfant-gâté des muses, si au lieu de fouiller la poussière et la neige, à quatre shelings par jour, depuis quinze ans, il eût feuilleté les livres; s'il eût étudié et médité, au lieu de s'abrutir-pardonnez-moi le mot-par un travail manuel pénible et sans merci.

PAMPHILE LE MAY.

(A suivre.)

REVUE

DE

MONTREAL

A MA BELLE-SOEUR

MADAME LEMAN

Madame, quand le ciel vous fit dépositaire
De ces deux chers enfants qui sont votre fierté,
Avez-vous réflechi que Dieu-charmant mystère !
Triplait ainsi chez vous la grâce et la beauté?

Vous le savez sans doute, il n'est rien sur la terre,
Non, rien de comparable à cette majesté,
Que, dans son doux éclat et sa splendeur austère,
Sur un front calme et pur, met la maternité.

Madame, j'aime à voir cette auréole sainte
Resplendir où déjà brillait la double empreinte
De la pensée unie à tous les dons du cœur ;

Et c'est parce qu'en vous j'admirais tant la mère,
Que je vous ai voué la tendresse d'un frère,
Avant d'avoir le droit de vous nommer ma sœur.

LOUIS-H. FRÉCHETTE

Tome I, 2e livraison, mars 1877.

LA CRISE COMMERCIALE ACTUELLE

I

Cette crise a pris naissance aux Etats-Unis, où elle a éclaté en 1873.

La guerre civile a profondément modifié la situation économique de la grande république américaine. Ne possédant guère de crédit à l'étranger, le gouvernement américain dut demander à la richesse et à l'industrie nationales à peu près tout ce dont il eut besoin, pour maintenir ses nombreuses armées en campagne. Comme la recette des impots ne suffisait pas à payer ces grandes dépenses, il fut contraint de les solder au moyen du papier-monnaie. Il en émit pour des milliards, dont deux restent encore à payer. L'émission de ce papier, portant intérêt à un taux comparativement élevé, eu égard à sa valeur, donna naissance à la classe des rentiers, à peu près inconnue jusqu'alors aux Etats-Unis. L'existence de cette classe oisive, vivant de ses rentes sans travailler, a immobilisé des millions, en sorte que les sommes énormes dépensées par le gouvernement, au lieu d'ajouter un nouvel élément aux forces productives et aux ressources financières des Etats-Unis, se sont retirées de la production, bien loin de venir féconder et stimuler de nouvelles entreprises.

Une partie du papier-monnaie émis par le gouvernement fut cependant dirigée dans cette voie, et il y eut à la suite de la guerre une recrudescence d'activité dans l'industrie et le commerce, à tel point qu'avec les recettes publiques seulement, on put en quelques années réduire le chiffre de la dette de plus de deux milliards. Mais une mauvaise opération financière vint bientôt ralentir cet élan. Pour racheter le papier-monnaie et ramener les paiements en espèces, le secrétaire du trésor, M. McCulloch, résolut de convertir les obligations 6700 en titres. 5100, et de se procurer par là l'or qui devait remplacer et racheter le papier-monnaie. Les nouveaux titres furent lancés sur les marchés étrangers; mais cette opération eut des résultats toutà-fait différents de ceux que M. McCulloch en avait espérés. Les 5100 furent pris; et au lieu de les payer en or, on les solda pour la grande partie en traites tirées sur les importateurs amé

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