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gardons-nous de lui jeter la pierre, nous souvenant que, dans bien des circonstances, notre conduite n'a peut-être pas été tout à fait exempte de blâme. En examinant un peu sa propre conscience, on se sent porté à avoir plus d'indulgence pour les actions d'autrui.

D'ailleurs, tout ne fut pas rose, dans cette seconde expédition de notre héros, et il eut à endurer bien des souffrances, le long de la route.

Enfin, au bout de trois jours, affamé et brisé de fatigue, il alla frapper à la porte d'une ferme isolée, et demanda un morceau de pain avec la permission de se reposer un peu. Cette fois, Jean-Louis était bien tombé. Toute la famille était aux champs, hors la fermière, qui gardait la maison, avec un petit garçon de trois ou quatre ans.

C'était une bonne acadienne qui s'attendrit au premier coup d'œil sur l'état de notre héros. Elle lui donna un grand bol de lait avec une grosse miche de pain. Il y avait longtemps que Jean-Louis n'avait été à pareil festin; aussi s'en donna-t-il à bouche que veux-tu.

Après son repas, il se mit en frais d'amuser le petit garçon de la fermière. Comme tous les paresseux, Jean-Louis était rempli de petits agréments de société, lesquels avaient été sa seule étude. Il marchait sur les mains, faisait la roue, se suspendait par les pieds aux bâtons de l'échelle, fabriquait, avec son seul mouchoir, des rats, des souris, voire des bons hommes. très-sortables. Bref, il enchanta le bambin qui ne voulait plus le quitter, et gagna tout-à fait le cœur de la fermière.

Le soir, lorsque les travailleurs revinrent du champ, la bonne femme eut une longue conversation avec son mari, et il fut décidé que l'on garderait Jean-Louis jusqu'au printemps-s'il voulait travailler et qu'il aurait, pour ses services, la nourriture et l'habillement, plus un écu par mois.

Jean-Louis, consulté, trouva ces offres magnifiques et n'eut garde de les refuser.

Voilà donc notre héros valet de ferme et contemplant devant lui un avenir doré. Etrange contradiction! Chez son père, il trouvait ces travaux humiliants et dégradants; ici, ils lui apparaissaient sous un jour tout à fait agréable. Mais laissons faire un peu. Peut-être Jean-Louis changera-t-il d'avis, la chose lui est déjà arrivée. Et d'ailleurs, il n'est pas le seul de son espèce: j'ai connu bien des enfants du même âge et même plus

vieux qui brûlaient le lendemain ce qu'ils avaient adoré la veille. Ce sentiment est un peu dans la nature humaine, et l'âge mûr lui-même n'en est pas exempt.

Le lendemain, Jean-Louis commença son travail. Il ne s'agissait plus de faire des cabrioles pour amuser un enfant de trois ans. Il fallut aller au champ et travailler d'importance. Le fermier n'était pas un homme dur; mais il n'aimait pas les paresseux et, chez lui, on gagnait son pain.

Je vous surprendrai, peut-être, en vous disant que Jean-Louis ne se fit pas trop tirer l'oreille. Son expérience passée lui avaitelle fait prendre les choses sous un jour nouveau; ou bien, la Providence, qui veille sur les plus petits, lui avait-elle soufflé au cœur un peu de courage? Je crois qu'il y avait des deux. Dans tous les cas, Jean-Louis en avait gagné beaucoup; et il faut lui tenir note de ce bon point, puisque nous ne lui avons pas ména gé les mauvais.

Lorsque la moisson fut engrangée et les pommes de terre mises en cave, on put se reposer un peu. Il était temps. JeanLouis commençait à faiblir. La récolte des pommes de terre, surtout, l'avait désenchanté. Il faut dire que c'est un travail ennuyeux, surtout pour celui qui n'y est pas habitué; et beaucoup de mes petits lecteurs comprendront que Jean-Louis se soit un peu relâché.

L'hiver venu, notre héros fut adjoint à l'aîné des garçons dont la tâche était de soigner les bestiaux. Ce n'est pas un métier difficile; il est au contraire agréable et très sain, c'est ce que disent du moins les professeurs d'hygiène; et, pour cette fois, j'avoue que je partage leur opinion.

Eh bien, croiriez-vous que Jean-Louis ne fut pas du tout content, qu'au contraire, il se trouva le plus malheureux des hommes? C'est pourtant vrai. Mais, il faut s'expliquer: JeanLouis avait peur des chevaux; mais une peur invincible. Quand il lui fallait pénétrer près de la crèche, pour porter le foin, l'avoine ou l'eau, il tremblait de tous ses membres et se croyait sur le point de mourir. Il avait tort, me direz-vous: les chevaux n'ont pas pour habitude d'avaler les enfants. D'un autre côté, si vous songez que Jean-Louis, à l'âge de quatre ans, avait été saisi entre les puissantes mâchoires d'un étalon et rejeté violemment à vingt pieds plus loin; que, dans sa chute, il avait été très maltraité et qu'il en avait eu pour près d'un mois à garder le lit; vous comprendrez combien son imagination avait

dû être frappée, et comment la peur pouvait encore durer. Il ne faut pas encourager la poltronnerie; mais il ne faut pas non plus, parce qu'on a les nerfs solides, se moquer de ceux que leur constitution plus faible, ou les suites d'un accident rendent moins hardis.

Donc Jean-Louis avait peur. Il y avait surtout un grand cheval blanc qui lui causait des transes mortelles. Les animaux ont plus d'esprit qu'on ne le pense. Or, ce cheval blanc avait deviné les craintes de Jean-Louis, et chaque fois que l'enfant s'approchait pour le soigner ou le bouchonner, il couchait l'oreille, frappait du pied et geignait d'une manière qui paraissait terrible. Quand il fallait surtout lui mettre la bride, c'était toute une cérémonie.

Jean-Louis en dépérissait. Aussi, lorsque le printemps fut revenu, était-il tout découragé.

Il eut l'idée de s'enfuir; mais une bonne pensée lui vint: il demanda son congé, qui lui fut accordé, non sans quelques difficultés. Car le fermier trouvait, avec raison, qu'ayant nourri et logé Jean-Louis à ne faire presque rien pendant la mortesaison, il était juste qu'il profitât de ses services à l'heure du travail. Cependant la bonne fermière intervint encore, et, un beau matin d'avril, Jean-Louis put partir avec un sac rempli de vivres et cinq beaux écus tout neufs cousus dans la doublure de son paletot.

Il y a des gens qui ont fait le tour du monde avec beaucoup moins.

-A continuer.

NAPOLÉON Legendre.

VERCINGETORIX

NOUVELLE HISTORIQUE DEVANT SERVIR D'INTRODUCTION A L'HISTOIRE ROMANTIQUE DES FRANÇAIS

PAR

ALFRED DE VERVINS

VI

A GERGOVIA

Nous sommes au soir du sixième jour, depuis que les voyageurs ont reçu l'hospitalité chez le collier-d'or.

Depuis la veille, Vercingétorix et ses compagnons sont en Arvernie, mais ils ne voyagent plus avec la même rapidité, moins parce qu'ils sont en pleine montagne, que parce que le jeune brenn, connu de toute sa nation et annoncé à tous les Arvernes, par ces crieurs qui transmettaient une nouvelle des bords de l'Océan aux rives de la Méditerranée dans le même jour, est obligé de s'arrêter fréquemment.

En effet, à mesure qu'ils approchent de Gergovie, leur voyage se change en une espèce de marche triomphale, car Vercingétorix est la gloire de sa nation et représente pour tous l'indépendance des Gaules. Non-seulement ce sont ses dévoués qui arrivent parés comme pour une fête ou une bataille, mais ce sont les populations de toutes les villes, de toutes les bourgades et de tous les villages, à plusieurs lieues de la route, qui se pressent sur son passage. De toutes parts, dans la campagne, on voit bondir des cavaliers au versant des grands monts; tous les sentiers aboutissant à la route jettent sur son chemin des chars pleins de guerriers et de jeunes femmes qui ont voulu accompagner leur fiancé, leur mari, leur frère ou leur père, pour voir le héros arverne; toutes les éminences sont cou

vertes de ces fières et nobles créatures qui préfèrent toujours la mort au déshonneur, et qui fournirent ces exemples mémorables et particuliers à la Gaule, de s'entre-tuer pour ne pas être profanées par les vainqueurs. Des nations entières périrent de cette façon héroïque (1). Enfin, les enfants, échappant à leurs mères, faisaient irruption sur la chaussée, les uns traînant une lance, les autres une longue épée, d'autres encore pliant sous le poids du gai paternel, dérobé au mur de la maison, dans ce jour d'effervescence patriotique; ils venaient jusque sous les pieds des chevaux, entre les roues des chars, jetant au ciel, comme leurs pères, leurs mères, leurs sœurs, une invocation dans laquelle étaient réunis les noms de Vercingétorix et d'indépendance. Le jeune général répondait à leurs acclamations enthousiastes en leur donnant rendez-vous sous Gergovie à huit jours de là, et leur annonçant que les valeureux Carnutes avaient commencé la guerre sainte, en immolant, à Genabe, tout ce qui était Romain ou ami des Romains.

Enfin ils arrivèrent à Gergovie, la grande Gergovia des Arvernes, comme l'appelle un illustre écrivain.

La ville était bâtie sur un plateau s'élevant de douze cents pieds au-dessus du talwey de la montagne; les pentes en étaient si abruptes, que les chemins devaient serpenter aux flancs de ce fort gigantesque, pour être praticables. Cette disposition de la route permettait de voir d'en bas une foule allongée comme une immense procession, descendant hâtivement dans la vallée. Les hommes brandissaient des armes; les femmes agitaient des écharpes aux vives couleurs, et les enfants, qu'on voyait évoluer comme la cavalerie légère aux côtés d'un corps d'armée, quittaient souvent le chemin pour prendre, en

(1) Aux champs Raudiens, près Verceil, le 30 juillet 101 av. J. C., les Kimris furent littéralement anéantis; mais, après les avoir vaincus, Marius eut une nouvelle lutte à soutenir pour pénétrer dans le retranchement de chariots qui formait l'enceinte du camp. Lorsque les femmes virent la bataille décidément perdue, elles firent demander à Marius s'il voulait leur garantir l'honneur et les attacher au service des Vierges sacrées-les Vestales. Le vainqueur refusa. Alors toutes les femmes, vêtues de deuil, montèrent sur leurs chariots et défendirent longtemps cet asile avec un courage désespéré. Quand toute résistance devint impossible, elles égorgèrent leurs enfants et s'entre-tuèrent. C'est ainsi que disparut la nation des Tughènes. - Plutarque: in Mario. - Flor. III. 3-P. Oros. VI. 16.- Well. Pat. II. 12.-Aug. Thierry. II. p. 198-219H. Martin 1. p. 125.

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