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L'EXPÉDITION DE L'AMIRAL SIR HOVENDEN WALKER:

CONTRE QUÉBEC

EN 1711 (1)

Ce fut le 11 avril 1711, à sept heures du soir, que le contreamiral de l'escadre blanche, Sir Hovenden Walker, accompagné par le brigadier-général, l'honorable John Hill, commandant les troupes de débarquement destinées au Canada, vint recevoir au palais de St. James les ordres de la reine Anne.

Ces instructions royales étaient précises. Apres avoir pris rendez-vous à Spithead, l'amiral et le général devaient au premier vent favorable faire voile directement pour Boston. Une fois rendu là, Sir Hovenden Walker détachait de l'escadre un nombre suffisant de vaisseaux pour armer, équiper et convoyer les troupes de New-York, du Jersey et de la Pensylvanie qui devaient prendre part, par terre, à l'expédition du Canada, puis, une fois cette mission accomplie, renforcer sa flotte de tous les vaisseaux disponibles et remonter immédiatement le St. Lau rent pour se mettre en mesure d'attaquer Québec au plus tôt.

Embossé devant la malheureuse ville, l'amiral anglais avait ordre d'employer toutes les forces suffisantes, tous les moyens connus pour la réduire, pendant que le lieutenaut général Nicholson, maintenant en route pour organiser les milices de la colonie anglaise, combinerait un mouvement qui s'exécuterait par terre.

Tout ce qu'il est donné à l'esprit humain de prévoir avait été employé pour assurer le succès de cette campagne, préparée longuement d'avance et destinée dès l'abord, à être commandée par Sir Thomas Hardy (2). Les médecins de la flotte avaient été pourvus de douze mois de médicaments. On avait poussé

(1) Nous donnons ce chapitre comme la primeur de l'ouvrage que M. Faucher de Saint-Maurice doit publier bientôt les souvenirs de trois croisières dans le golfe Saint-Laurent. Ce travail formera deux volumes. Le sujet en est très-intéressant, et la réputation de l'auteur n'a pas besoin de réclame.

(1) Vide.-Introduction du journal de Walker, p. 3.

la précaution jusqu'à embarquer d'énormes grues pour hisser les canons anglais sur les remparts de Québec, et les larges vaisseaux de Sir Hovenden renfermaient une flotille de flibots à fond plat, destinés à être jetés sur le lac St. Pierre pour empêcher l'ennemi de communiquer avec les assiégés, et protéger en même temps-ils étaient armés en frégate-les canots et les flûtes qui emmenaient les troupes de Nicholson (1). Les embarras d'argent avaient même été prévus, et on avait donné droit à Walker-droit qui lui fut contesté plus tard—de tirer à vue sur les commissaires de la marine, s'il arrivait à ses équipages de manquer de vivres ou de munitions.

En cas de succès-ce dont, avec le secours du Dieu tout puissant, la reine Anne n'avait aucune raison de douter, puisque tous les préparatifs avaient été faits, tous les ordres avaient été donnés, tous les moyens avaient été pris pour mener à bonne fin cette campagne (2)-une force navale anglaise devait rester dans le St. Laurent, pendant que les prises faites sur les Français transporteraient en Europe le gouverneur ennemi, les troupes prisonnières, les religieux et toutes autres personnes comprises dans les articles de la capitulation. Puis, quand ces choses glorieuses seraient passées dans le domaine de l'histoire britannique, lorsque la Nouvelle France aurait pris rang au nombre des vassaux de celle qui s'intitulait alors reine d'Angleterre, de France (3) et d'Irlande, un ordre d'embarquement devait être donné aux troupes qui n'étaient plus nécessaires au maintien de la paix, et Sir Hovenden Walker s'empresserait alors de revenir, non toutefois sans avoir attaqué Plaisance, dans le cas où la saison lui permettrait d'approcher Terreneuve Enfin, pour conclure, comme de tout temps il y a eu une pointe de commerce dans les guerres anglaises, Sa gracieuse Majesté

(1) D'après le rapport officiel de MM. Thomas Taylor et Ed. Bradshaw, chargés d'examiner l'état de cette flottille, elle se composait de vingt baleinières portant chacune six rames et dix pagayes, et de vingt flibots à fond plat portant huit rames chacun.-Vide Appendice du journal de Walker, p. 243.

(2) In case of Success (of which with the Blessing of Allmighty god we have no reason to doubt considering the preparations that have been made, and the Directions that have been given, and the Methods that have been taken to carry on this Expedition.) Royal instructions for our trusty and well beloved Sir H. Walker, rear admiral of our White Squadron.

(3) Le titre de roi de France, pris pour la première fois par Edouard III d'Angleterre, fut porté par ses successeurs jusqu'en 1801.

terminait en disant qu'une fois ces hauts faits accomplis, l'amiral licencierait les transports dont le service pouvait se passer, et leur donnerait pour mission d'aller dans les îles et les ports du continent américain, y prendre cargaison, et alléger d'autant la taxe publique, tout en faisant le bénéfice du commerce et de la richesse nationale (1).

Muni de ces instructions royales, l'amiral Sir Hovenden Walker s'empressa de se rendre à Portsmouth, puis à Spithead, où l'attendaient des vents contraires, des calmes plats, des accidents de mâture, enfin toute cette série de contre-temps qui s'abattent sur une escadre à voile, et retardent l'appareillage du lendemain au lendemain.

Une journée, c'étaient les officiers de la flotte qui n'avaient pas encore reçu l'ordre d'obéir à l'amiral, et ne voulaient écouter que Sir Edward Whitaker, plus ancien que lui. Le lendemain, c'était l'impossibilité d'obtenir un transport pour aller chercher l'infanterie de marine à Plymouth Puis, les troupes arrivées, les vaisseaux n'avaient pas les garnitures d'ancres nécessaires; le gros temps s'en mêlait, et la mer était trop forte pour embarquer les mortiers de siége. S'il ventait bonne brise, les navires n'étaient pas encore suffisamment approvisionnés. S'ils regorgeaient de vivres, au moment d'appareiller, un grain fondait sur la frégate le Devonshire, et lui rasait tous ses mâts de hunes, pendant qu'une seconde frégate, le Swiftsure, perdait ses mâts de perroquet. Le grain passé, le calme prenait, et pendant que toutes ces contrariétés fondaient à tire d'aile sur la flotte, le secrétaire St. John-plus tard lord Bolingbroke-ne cessait de dépêcher courrier sur courrier à l'amiral, pour lui dire que c'était le bon plaisir de Sa Majesté de le voir prendre la mer au plus tôt.

Enfin, à force d'écrire, de donner des ordres, et d'éreinter des courriers, tout devint prêt, et ce fut le 29 avril 1711, à quatre heures du matin (2), que l'amiral Walker quitta son mouillage

(1) And as to such Transports of which you shall have no further occasion, you are to direct them to go and seek Freights, either upon the Continent of America, or in the Islands, to ease the Publick of the Burthen of such Transports, and for the good and benefit of the Trade of Great Britain.-Royal instructions.

(2) Les frégates avaient pour six mois d'approvisionnements; les transports pour trois mois.-Livre de loch de l'amiral.

par un vent frais est-sud-est, pour continuer cette longue série de contrariétés, d'hésitations et de malheurs, qui devait se terminer le long des falaises de l'Ile-aux-OEufs.

Conformément à ses ordres, l'amiral mettait le cap sur Boston, où il était allé 25 ans auparavant, en 1686.

A bord, sur 12,000 hommes d'embarquement, tous-l'amiral et le général exceptés-ignoraient l'objet de l'expédition. A 153 lieues des îles Scilly, Walker avait fait mettre en panne et distribuer à chacun de ses capitaines un pli cacheté, contenant le nom du lieu où l'escadre devait se rallier. Pourtant ces précautions avaient été inutiles, et le précieux secret avait été mal gardé.

Le 2 mai, Walker ayant été forcé par une saute de vent d'an crer à Plymouth, pendant que ces transports se réfugiaient à Catwater, un matelot français embarqué sur le Medway, un renégat qui prétendait avoir fait quatre voyages dans la rivière du Canada, ayant entendu dire dans un des caboulots de la ville, qu'une flotte destinée à la conquête de la Nouvelle-France était de passage en ce moment, se fit offrir à l'amiral anglais pour la piloter à Québec. Walker épouvanté, se prit à dissimuler devant lui, assurant qu'il allait croiser dans la baie de Biscaye, et le fit embarquer à bord du l'Humber, avec ordre de le bien. traiter, ce qui devait être du goût de ce nouveau Palinure, car le colonel Vetch, donnant plus tard des notes sur le compte de ce transfuge, écrivait du détroit de Canso à l'amiral, que le pilote français lui faisait non-seulement l'effet d'un ignorant, d'un prétentieux, d'un cancre et d'un ivrogne, mais encore qu'il était sous l'impression qu'il tramait en sa tête rien qui vaille (1) Walker comptait beaucoup sur l'expérience de cet homme pour éviter les dangers de la navigation du St. Laurent, dangers que son imagination exagerait au point de croire, qu'une fois l'hiver venu, le fleuve ne formait, jusqu'au fond, qu'un bloc de glace. La lettre du colonel venait de détruire une de ses plus chères illusions.

(1)

SIR,

August 1711-At sea.

I could not but judge it my duty to give you a caution with regard to your French pilot, whom I would have you by no means depend upon; for I find him to be not only an ignorant, pretending, idle, drunken fellow, but fear he is come upon no good design.

Sir, your's devoted to serve you,

SAM. VETCH..

D'ailleurs, les contrariétés continuaient à s'acharner sur le malheureux officier.

A peine en mer, Sir Hovenden Walker s'apercevait d'une impardonnable distraction: le transport Mary avait été oublié à Catwater avec une partie du régiment du colonel Disney (1). Par une nuit d'orage le mât de misaine du Monmouth était emporté comme une paille. La marche de l'escadre se voyait continuellement retardée par les transports qui marchaient comme des sabots; par tous les temps, il fallait leur faire passer péniblement des cables de remorque. Dans un cas pressé, étaitil urgent de communiquer avec le général Hill embarqué sur le Devonshire, celui-ci souffrait trop du mal de mer pour s'occuper de choses sérieuses (2).

L'indiscipline alla jusqu'à se mettre de la partie. Malgré la défense formelle de se séparer de la flotte et de courir sus aux voiles ennemies, un soir, près du banc de Terreneuve, le capitaine Buttler du Dunkirk et le capitaine Soannes de l'Edgar, deux officiers qui avaient pour consigne l'importante fonction de répéter les signaux de l'amiral aux vaisseaux de l'escadre, se couvrirent de toiles et appuyèrent vivement la chasse à un petit navire marchand qui louvoyait sur l'horizon. Alors il fallait sévir; un conseil de guerre était réuni, et de ces deux vieux officiers qui auraient pu être si utiles en montrant l'exemple, l'un, le capitaine de l'Edgar-parce qu'il fut constaté que le secrétaire de l'amiral avait oublié de lui communiquer la consigne-se voyait réprimandé sévèrement et retrancher trois mois de solde, l'autre-celui du Dunkirk-était renvoyé du service.

Malgré ces déboires, le 25 juin, après cinquante-huit jours de mer, l'amiral Walker arrivait devant Boston, où l'attendaient des fêtes brillantes et de lamentables déceptions.

En mettant pied à terre, Sir Hovenden sembla devenir le lion de la Nouvelle-Angleterre. L'ouverture des cours de l'Université de Cambridge se faisait le 4 juillet, sous sa présidence. Le 5 et le 10 du même mois, il assistait au défilé des troupes d'infanterie de marine, passées en revue sur Noodles Island, par le général

(1) Vide Walker's Journal, page 58.

(2) This blowing weather has so disordered me, that I cannot answer your letter of this day's date with my own hand.-Letter of general Hill from aboard the Devonshire, May 8, 1711.

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