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Dit le père. Il avait, soi-disant, un trésor;
Il en parlait souvent et voulait que son or
Servit à son neveu, le fils de Jean Touchette,
Pour le faire éduquer.”

Après avoir fouillé

Partout, on découvrit un coffre-fort rouillé,

Tout petit, mais bien lourd; pistoles, portugaises,
Piastres d'Espagne, écus, doublons, piastres anglaises,
Tout compté, formaient bien plus de trois mille francs.
Le père Duchesneau se chargea de la somme
Au nom de l'héritier; c'était un si brave homme,
Bon parmi les meilleurs, franc parmi les plus francs,
Que je le laissai faire. Il prit encore avec,

La montre, les fusils, et les peaux les plus belles
De martre et de renard, pour les vendre à Québec,
Disant qu'à son retour j'aurais de ses nouvelles.

Dans l'automne suivant, deux voyageurs un soir, L'un jeune, l'autre vieux, frappèrent à ma porte. Le vieux dit en entrant: Mon fanfan, je t'apporte Des nouvelles tout plein; de plus tu vas savoir Le fin mot du mystère au sujet de Baptiste. Ce monsieur que voilà, c'est son neveu François, Son héritier, qui vient... par ici... tu conçois.... - Je conçois qu'il faut boire et manger, et j'insiste, Père, pour que l'on prenne au moins un petit coup. Après nous jaserons un peu de tout.... beaucoup De notre ami Lanouet.... son neveu lui ressemble, Et je suis très-content de vous avoir ensemble.... Seulement je crois bien que vous ne ferez pas, Avec un civet cuit sans oignons, un repas Bien soigné; car enfin, faut que je vous le dise, Je suis pauvre à présent comme un vrai rat d'église ; Mais toujours, mes amis, c'est offert de grand cœur !

Nous causâmes bien tard, tout en faisant honneur A mon maigre festin. J'appris bien des histoires, Comment les avocats et leurs maudits grimoires Avaient failli manger la moitié du gâteau. Comment aussi fin qu'eux, le père Duchesneau Sut par un compromis régler toute l'affaire.

- Nous avions tous signé par-devant le notaire,

Dit-il, je n'avais plus qu'à porter au curé,

Pour des messes, vingt francs. Il commençait à lire

A peine mon écrit.... Etes-vous assuré

De ce nom-là, Lanouet, fit-il; voulez-vous dire

Lanouet du Labrador? - D'où le connaissez-vous ?
Vous ne fûtes jamais en mission chez nous.
-Non, mais je corresponds avec un prêtre en France,
Je le charge souvent des messes en souffrance....
Cela semble impossible.... enfin nous allons voir.
Puis il prit une lettre au fond d'un grand tiroir,
Disant. C'est qu'elle vient, voyez-vous, d'un saint prêtre.
On y lisait ceci :

Daté de Caudebec,

Fête de saint Etienne - Au curé de Québec.
Messire le curé, je ne voudrais pas être
En retard avec vous.... J'ai reçu ces jours-ci
Votre bonne missive et la lettre de change;
Le tout mérite bien que l'on dise merci.
Souffrez que je vous conte une aventure étrange
Qui vient de m'arriver.... J'exorcise un garçon,
Que le méchant esprit poursuit d'une façon
Cruelle et dangereuse. Il ne lui laisse trève
Ni jour, ni nuit; souvent, il le traîne à la grève
Pour le faire noyer. Comme un homme enivré,
Le pauvre enfant trépigne et jure et se démène.
Je croyais, grâce à Dieu, ce chrétien délivré
De son affreux tourment. Depuis une semaine,
Le démon se taisait. Il reparut encor
Hier, plus furieux, et faisant un tapage

Plus infernal, criant: Je viens du Labrador,

De chez Lanouet. Et puis répondant avec rage,
Interrogé par nous: Je n'ai pu réussir,

Car Marie était là ! Vous pourrez découvrir

S'il a dit vrai. Priant Dieu pour qu'il vous conserve

En parfaite santé, surtout qu'il vous préserve

De tout esprit du mal, sorcier ou manitou,

Vous et votre troupeau, de tout mon cœur je signe

Votre humble serviteur Jean de Kergariou,

Curé de Caudebec et prêtre bien indigne.

-Tu le vois donc, Fanfan, c'était bien le démon,

Et la blanche lumière était la sainte Vierge.
Comme a dit le curé, tu lui dois un beau cierge!
Là-dessus vous pensez s'il m'en fit un sermon !
Je n'avais pas besoin de toute sa morale;
On n'est jamais flatté d'avoir vu de si près
Sa Majesté le roi de la cour infernale!
J'en frissonnais encor plus de deux ans après,
Et redoutais sans cesse un second tête-à-tête,
La nuit surtout, avec cette vilaine bête.
Le père Duchesneau m'avait donné pourtant
Un chapelet bénit. Il me dit en partant:

Pour ne pas avoir peur, souviens-toi de Marie.
Elle a sauvé Lanouet.... de celui qui la prie
Elle a toujours grand soin.

Le temps était très-beau,

Quand je les conduisis à bord de leur vaisseau,
Mais, cependant, à peine avaient-ils pris le large,
Qu'un nordais enragé vint secouer leur barge.

Ils me l'ont dit depuis, d'affreux miaulements,
Semblables tout à fait aux cris d'un chat sauvage,
Les suivirent toujours, s'élevant du rivage.
On entendait aussi de grands ricanements
Applaudir dans les airs aux coups de la tempête.
Pendant trois jours et plus, la mer se fit un jeu
De leur terreur, et puis lorsqu'ils se faisaient fête
D'arriver chez Lanouet, ils virent un grand feu
Et ne trouvèrent plus, débarqués sur la plage,
Que cendres et fumée, au lieu de l'héritage
Que cherchait le neveu.... bien trop heureux encor
D'avoir pu conserver peaux de martre et trésor.
Les flammes n'avaient point laissé planche sur planche.
Le diable, c'est trop clair, avait pris sa revanche !

On ne discute point l'histoire du trappeur.
Mais elle met en verve un autre voyageur,
Qui vient dire comment, un soir, dans sa cabane,

Il a de ses yeux vu le Matché-manitou,

A l'appel d'un jongleur descendre par un trou.

De bien d'autres récits, la pauvre caravane
S'amusa jusqu'au jour, le groupe d'auditeurs
Se faisant de plus mince en plus mince, à mesure
Que le sommeil, ami de l'humaine nature,
Triomphait doucement du talent des conteurs.
Il faut le dire aussi, plus d'un récit de chasse
Auprès du merveilleux avait trouvé sa place.

ÉPILOGUE.

Ces contes, dira-t-on, sont à dormir debout!

Je le veux bien, lecteurs, si c'est là votre goût.

Mais chaque jour pourtant, dans vos papiers-nouvelles, Que de contes aussi !.... Vous en lisez de belles !

Réclames, faits divers, feuilletons et romans,

Spiritisme, magie, absurdes nécromans,

Remèdes à tous maux, pancartes revernies,

Vieilles inventions plus ou moins rajeunies,

Anecdotes, bons mots, fabriqués au besoin,
Vains propos de salons recueillis avec soin,
Discours improvisés, mais imprimés d'avance,
Eloges à prix fait ou portant redevance,
Faisant de tout cela votre pain quotidien,
Vous n'avez rien à dire au plus crédule indien !

Du reste, on n'a pas su le dernier mot encore
De tous ces vieux récits que le vrai peuple adore,
Plus d'un sage docteur met de l'eau dans son vin,
Et ne se moque plus du merveilleux divin,

Ni de l'autre. Ils sont même, à leurs heures, aimables
Au point de regarder comme choses probables

Ce que d'honnêtes gens ont pu voir de leurs yeux!

C'est le poète anglais qui nous le certifie,

Plus de prodiges sont, sur terre et dans les cieux,

Que n'en rêva jamais notre philosophie !

Ce qu'un grand homme admet, on le voit trop souvent
Fièrement repoussé par le demi-savant.

Chose bizarre au fait, tandis que la science
Hésite et se récuse, on entend l'ignorance
Nier brutalement. Tous nos bons épiciers,

Se croyant plus fins qu'eux, se moquent des sorciers.

Légendes, doux récits, qui berciez mon enfance,
Vieux contes du pays, vieilles chansons de France,
Peut-être un jour, hélas! vos accents ingénus,
De nos petits neveux ne seront plus connus.
Vous vous tairez, ou bien l'écho de votre muse
Ira s'affaiblissant partout où l'on abuse
De ce grand vilain mot, si plein d'illusion,
Et trop long pour mes vers: Civilisation.

O poëmes naïfs, dont le peuple est l'auteur,
Légendes que transmet à la folle jeunesse,
Avec un saint amour, la prudente vieillesse,
Votre charme est surtout aux lèvres du conteur,
Et, malgré votre nom, il faut bien vous le dire,
On ne vous croira plus lorsqu'on pourra vous lire !

P. J. O. CHAUVEAU.

POPULATION

DE LA

PROVINCE DE QUEBEC

Familles et maisons.-En 1851 il y avait dans la province de Québec 142,763 familles et 123,983 maisons ou demeures occu-pées, ce qui faisait 6.23 personnes par famille et 7.01 par demeure ou maison.

Le nombre des familles était 183,844 et celui des maisons habitées 155,088 en 1861, ce qui donnait 6.04 personnes par famille et 7.16 par maison.

En 1871 il y avait 213,303 familles habitant 180,615 maisons, ou 5.58 personnes par famille et 6.59 par maison.

Le nombre de personnes composant la moyenne de chaque famille aurait donc diminué de 0.19 de 1851 à 1861, et de 0.46 de cette dernière époque à 1871, ou de 0.65 dans les vingt ans compris entre 1851 et 1871, ce qui représente à peu près la déperdition causée par la concentration de la population dans les villes, où les gens se marient plus âgés qu'à la campagne et contractent des mariages qui sont moins féconds.

Il est assez difficile d'expliquer comment l'agglomération de la population dans chaque maison a pu augmenter de 1851 à 1861; mais on découvre aisément pourquoi elle a diminué de 0.57 de 1861 à 1871. La dernière partie de cette décade, en effet, a vu les commencements de la fièvre des constructions, qui a naturellement marché de pair avec les spéculations de ter rains, dans plusieurs localités populeuses. Ainsi Sherbrooke, qui comptait, terme moyen, 7.49 personnes par maison en 1861, n'en avait que 6.13 en 1871; soit une diminution de 1.36. Le nombre des maisons s'y est accru de 786 à 1,388 ou de 76.59 pour 100, tandis que la population n'a augmenté que de 44.58 pour 100, ce qui accuse une différence de 32.01 pour 100 entre l'augmentation de la population et celle du nombre des maisons.

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