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Et je crois, sans mentir, qu'il y prierait encore,

Sans un sommeil de plomb qui, juste avant l'aurore,
Vint le surprendre enfin. Il fut tout ébahi

D'entendre" Introibo ad altare Dei”

Saluer son réveil. Mais il n'eut pas d'angoisse :
C'était la voix d'un prêtre ayant sa tête à lui,

Et tête qui pensait pour toute la paroisse ;
C'était, sans le nommer, le curé d'aujourd'hui.
Donc, mon oncle entendit dévotement sa messe,
Puis il fut le trouver, lui disant à confesse

Tout ce qu'il avait vu.... "C'est très-bien, mon enfant,

Il faudra soulager ce pauvre revenant ;

Le bon Dieu le permet. Je le ferais moi-même,

A votre charité s'il n'avait eu recours.

Je serai là, tout prêt à vous porter secours,
Si de l'esprit du mal c'était un strafagème."

Par le bedeau, le soir, dans l'église conduit,
Mon oncle avait repris son poste avant minuit,
Tout seul. Il entendait marcher dans le vestiaire,
Le curé récitant rondement son bréviaire.

Quand l'heure fut venue, il vit une lueur

Passer près de l'autel.... et voici que s'allume

Un cierge.... un autre après...." A tout l'on s'accoutume: J'avais cette fois-là, dit-il, beaucoup moins peur;

Et sans trop m'effrayer les douze coups sonnèrent,

Et le prêtre sans tête entra bien lentement,

Et me fit signe encor, mais plus timidement,
D'avancer dans le chœur ; et les cierges donnèrent
Une lueur plus vive au moment où je fus,
Près de lui, prendre place. Il avait l'air confus,
Tout d'abord; mais sa voix tremblante et sépulchrale

Se raffermit bientôt ; à plus court intervalle

Venait chaque verset.... puis j'étais moins transi.

Il prenait du courage et m'en donnait aussi.

Je répondais plus haut ; je servis les burettes,

Sans craindre d'approcher mes mains de ses manchettes.

Puis, l'église soudain sembla se transformer;

Et l'on voyait partout des cierges s'allumer;

La vierge dans son cadre avait l'air plus heureuse,

Et se penchant vers nous, souriait gracieuse.

Les petits chérubins gazouillaient finement;

Les grands saints tout dorés regardaient tendrement ;

Ils se parlaient entr'eux dans un très-beau langage,

Qui n'était pas français, ni latin davantage.

La voûte transparente avait l'air de monter

Par degrés vers le ciel, les murs de s'incruster

D'agate, de porphyre et d'opale et le reste,
Comme on le dit de ceux de la cité céleste.
L'orgue rendait tout seul des sons harmonieux;
Et, quand vint le Sanctus, de douces symphonies
Descendirent d'en haut. Comme aux cérémonies
Des plus grands jours, l'encens le plus délicieux
Sortait je ne sais d'où.

Le prêtre, plus agile,
Avait la voix sonore. Au dernier évangile,
Au mot veritatis, il se tourne vers moi.

Me laissant voir en face un radieux visage,

Il me dit: "Mon enfant, merci pour ton courage!
Le bon Dieu saura bien récompenser ta foi....
Je monte en paradis.... Pour expier l'offense
D'avoir été distrait et léger à l'autel,

J'ai, pendant cinquante ans, attendu la présence
D'un servant qui voulût me faire aller au ciel,
En priant avec moi...."

Mon oncle ne put dire

Comment tout le mystère à la fin s'acheva;

Car au milieu du choeur le curé le trouva

Dans un état d'extase, et puis dans un délire

Qui dura plusieurs jours. N'entendant rien du tout,

Son bréviaire fini de l'un à l'autre bout,

Ne sachant que penser de cela tout en somme,

Il venait au secours de ce pauvre jeune homme.
Il ne vit dans l'église aucun signe nouveau,

Et se dit que le mal était dans le cerveau

De l'écolier. Plus tard, connaissant mieux l'affaire,
D'un miracle il trouva que la preuve était claire.
C'est ce qu'a dit mon oncle et je l'ai toujours cru.

-Cette histoire est trop belle et n'est pas de ton crû.
C'est sûr, fit une voix.

-Allons! il se réveille,

Ou bien c'est qu'il faisait tantôt la sourde oreille!
Viens nous conter ce que tu vis au Labrador.
Voyons, fanfan, tu dois t'en souvenir encor:
L'histoire de Lanouet!

Et fanfan Ladébauche,

Balançant ses grands bras, comme un homme qui fauche,

S'en vint tout lourdement tomber au milieu d'eux.

-A Continuer.

P. J. O. CHAUVEAU.

LA VERSIFICATION

DES

ANCIENS HYMNOLOGISTES LATINS (1)

MON CHER AMI,

La question que j'ai dessein de vous exposer n'est pas née d'hier, mais je ne sache pas qu'elle ait été traitée spécialement. Quoiqu'elle semble toute d'érudition, elle ne laisse pas que d'avoir son côté intéressant. Aussi, j'espère que vous n'éprouverez pas trop de peine à me lire.

Il va sans dire que je n'ai pas l'intention de faire une étude de détails, et bien moins encore d'épuiser la matière.

Et d'abord, voici ma proposition:

LA VERSIFICATION DES ANCIENS HYMNOLOGISTES LALINS EST CELLE DES BARDES CELTIQUES.

La poésie des bardes, qui a produit tant d'œuvres charmantes et si peu connues, est devenue depuis peu, en Angleterre et en France, l'objet d'un véritable culte. Des sociétés archéologiques se sont formées et sont parvenues à réunir de nombreux documents. Les recherches chronologiques entreprises à leur endroit, ne permettent guère de douter de l'authenticité et de l'âge des poèmes, notamment de ceux que l'on reconnaît comme postérieurs au Ve siècle de notre ère. La certitude est complète depuis le XIe siècle.

Ce serait un travail immense, que de compulser ces volumes, pour montrer, dans toute une suite de siècles, la source poétique des celtes, coulant à pleins bords dans la verte Erin, la Bretagne, les Gaules, l'Italie du Nord; communiquant à la poésie latine en décadence quelque chose de son énergique mélodie, avant de se confondre avec elle, pour aller se perdre enfin, tout entière, dans le torrent du Francique

(1) Le travail que j'offre à la Revue de Montréal est fait depuis longtemps. Je l'avais adressé sous forme de lettre à un ancien élève et ami. Je lui laisse cette forme, avec toutes les libertés qu'elle autorise.

vainqueur. Ensuite, les modestes ressources d'un particulier, et la pénurie des bibliothèques publiques elles-mêmes, en fait d'ouvrages celtiques, ne permettent pas de profiter de tous les travaux déjà faits. Je vais donc me contenter de placer des jalons sur la route à parcourir et de vous donner un simple aperçu, une esquisse du sujet.

On peut ramener aux règles suivantes le mécanisme prosodique des chants bardesques:

I. Les vers sont ordinairement disposés en Rann ou stances, de quatre, et rarement de cinq, sept ou huit vers, présentant un sens complet.-La stance de quatre vers s'appelle ceathrughad -prononcez kahroû-quatrain.

Le premier couplet, c'est-à-dire, les deux premiers vers, s'appelle couplet capital (geoladh); le second, couplet final (comhadh). La stance de moins de quatre vers est dite stance incomplète ou brisée.

Les vers sont généralement de sept ou huit syllabes, et varient pourtant beaucoup, d'après la mesure ou nombre de syllabes du dernier mot du premier vers, relativement à la mesure du mot correspondant aux autres vers du même rann.

Les quatre principales combinaisons de vers sont :

La Dan direach ou mètre direct. Les stances ont quatre vers; les vers, sept ou huit syllabes, avec l'allitération, l'assonance, la rime et le parallélisme.

La Droighneach ou épine noire. Chaque vers a de neuf à treize syllabes; chaque mot final a trois syllabes; les derniers mots des deux vers du couplet final constituent une rime parfaite ou imparfaite. Les autres conditions du Dan direach doivent y être remplies.

L'Oglachas ou mètre servile, qui ressemble au mètre direct, mais ne s'astreint pas rigoureusement aux six règles. Il en est de même de la Brulingacht ou Stance pleine, qui se distingue des autres en ce que chaque mot final y a trois syllabes.

II. L'ALLITÉRATION, en gaëlique uaim (son, symphonie, accord) veut que dans chaque vers, ou du moins dans chaque couplet, certaines syllabes commencent par le même son articulé.

Il y a deux espèces d'allitération :

L'allitération proprement dite ou allitération à l'oreille, et l'allilération apparente ou allitération à l'œil.

Elles ont lieu, la première lorsque les deux derniers mots d'un

vers, la seconde, lorsque deux mots consécutifs ou presque consécutifs, commencent par une voyelle ou par la même consonne. Dans les plus anciens poèmes, l'allitération apparente n'est admise que dans le couplet capital.

Voici la première stance du poème des "Trois Marie" par St. Kiarian (A. D. 541). Je le transcris aussi bien que je le puis en caractères ordinaires :

Sagart do bhi, feacht eile;
Do bhé' ainm gan ainfheine
Isacair an fion-fhlaith fial;

D'uaislibh clainne Israil....

"Un jour se trouvait là un prêtre, dont le nom était sans doute Issachar, le beau, le généreux prince, un des nobles enfants d'Israël." L'allitération est beaucoup plus sensible encore dans les vers suivants d'Amergin, le poète guerrier, frère de Milesius, qui florissait, selon la chronologie d'O'Flaherty, l'an 1015 avant J.C:

Ailin iath n-'Ereann
Er mac muir mothach
Mothach Sliabh sreathach,
Sreathach coill ciotach.

Les chants armoricains fournissent de semblables exemples. Voici une courte citation du fameux barde Taliesin :

Eskel kerz klez klodvaour,

Eskel gnaev maour

Livet

Kan ne kesir kestedlez

I nuz leouenez

Lazret,

Meden gallon geveliad

Esilez he tad

Hag he taed.

"Il n'y avait point d'entraves à sa protection; (elle avait) des ailes, son épée rapide et glorieuse; des ailes, sa grande lance affilée.

"Qu'on ne cherche point d'égal à ce chef de l'occident, à ce (prince) brillant, à ce rude moissonneur d'ennemis, à ce (digne) fils de son père et de son aïeul."

· Maronad Owen mab Urien, ou chant de mort d'Owen, fils d'Urien (1). Les langues tudesques firent de l'allitération le caractère distinctif de leur versification. Ottfried de Wissembourg, qui,

(1) Extr. du Recueil de M. de la Villemarqué.

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