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HISTOIRE DU CANADA A L'USAGE DES ÉCOLES PRIMAIRES ET DES MAISONS D'ÉDUCATION PAR L'ABBÉ L. O. GAUTHIER, DOCTEUR EN THÉOLOGIE, ANCIEN PROFESSEUR D'HISTOIRE AU SÉMINAIRE DE QUÉBEC.—Québec, imprimerie Augustin Côté et Cie., 12, rue Sainte-Anne, Haute-Ville. 1876.

Parva moles, magnum pondus-Ce mot que nous avons entendu dire souvent de la théologie de Busenbaum, nous est revenu plus d'une fois à la mémoire, quand nous avons lu, étudié, et fait apprendre à quelques élèves, l'histoire du Canada de M. l'abbé Gauthier. Oui, voilà bien un petit volume-parva moles -in-18 de 144 pages-mais un petit volume de poids, bien rempli, bien ordonné, bien fait-magnum pondus-en un mot un petit chef-d'œuvre.

On ne pouvait attendre moins de M. l'abbé Gauthier; mais ce que l'on avait droit d'attendre, on l'a en effet ; et on éprouve un sentiment de bonheur en songeant à l'avantage qu'ont désormais les enfants de nos écoles, de pouvoir puiser à si bonne source la connaissance indispensable de notre histoire.

Ce livre ne s'adresse qu'à l'enfance et à la jeunesse; cependant, nous ne craignons pas de dire que tous les lecteurs, à quelque classe qu'ils appartiennent, y recueilleront avec facilité, en peu de temps, plus d'idées justes, plus de notions claires et exactes, qu'ils ne pourront en trouver, généralement, dans les auteurs qu'on est convenu d'appeler nos grands historiens.

Nous ne chercherons pas à varier l'expression de notre admiration, non plus qu'à réunir comme dans un seul tableau les traits principaux qui distinguent cet ouvrage. Nos lecteurs aimeront sans doute à en juger par eux-mêmes, et ils attendent de nous autre chose que des affirmations, quelque sincères qu'elles soient.

Eh bien, raisonnons un peu, livre en mains.

Une histoire se recommande d'abord par l'exactitude des faits. Celle de M. l'abbé Gauthier défie sur ce point la critique la plus sévère. C'est un mérite que n'ont pas manqué de lui reconnaître les hommes les plus versés dans l'étude de notre histoire. Quand il s'agit d'un auteur aussi laborieux, aussi scrupuleux que l'abbé Gauthier, ce témoignage unanime doit suffire, s'il n'est même superflu.

Une histoire, surtout une histoire de ce genre, se recommande par la clarté, la méthode, l'ordre, et disons le mot, l'harmonie

qui doit y régner. L'auteur de celle que nous étudions a cru devoir adopter la méthode catéchétique ou socratique, qui est en effet supérieure à toute autre pour les enfants. Mais il a su en éviter les défauts, par exemple, ceux de trop hacher la matière par la multiplicité des questions ou de ne donner que des récits décousus. Les questions n'ont pas été posées au hasard ou sans discernement. Elles forment autant de points saillants, autour desquels la multitude des faits à narrer se groupe harmonieusement, sans confusion, sans rompre le fil de l'histoire ou le faire disparaître.

Très-souvent, la question laisse entrevoir ou déclare ce qui va suivre. Chaque réponse est un tableau où viennent se grouper les grandes lignes, les principaux traits, tandis que le développement, en caractères plus fins que ceux du texte principal, nous offrent des détails pleins d'intérêt, qui aident la mémoire, frappent l'imagination, et complètent le tableau, comme autant de couleurs et de nuances bien ménagées. Rien de plus facile, même à l'enfant, que de retrouver les détails qui se rattachent aux faits principaux mentionnés dans la première réponse, ou de remonter aux faits principaux à l'aide des détails qui ont frappé son imagination dans la seconde.

Un des plus grand soins de l'auteur a été de dire le plus possible avec le moins de mots possible, sans cesser pourtant d'être clair, sans admettre de termes inconnus aux enfants ou de locution qu'ils ne puissent comprendre. Beaucoup de faits, et cependant le récit n'en est pas surchargé; le style est aisé, libre, coulant, comme si l'écrivain n'avait eu à consulter d'autre guide que son goût ou à ne peindre que des tableaux d'imagination. En un mot, on peut dire à bon droit de ce petit livre d'école, ce que l'on aurait bien tort, malheureusement, de dire de plusieurs autres que nous connaissons: il se lit bien.

Mais le principal mérite d'une histoire ne consiste pas dans la manière d'exposer le faits. La justesse des aperçus et la solidité des réflexions ont plus d'importance que tout le reste. La première de ces qualités n'intéresse, pour ainsi dire, que la mémoire et le goût, tandis que la seconde s'adresse à l'intelligence même et au jugement, qu'il est si important de former.

L'auteur a donc cherché à bien faire connaître les causes et les conséquences des événements. Voyez, par exemple, la question 24:-" Pourquoi Champlain prit-il part aux expéditions des Sauvages contre les Iroquois ?-Il y était engagé: 10. par l'al

liance solennelle, contractée au nom du roi de France, dès 1603; 20. par la nécessité de se concilier l'amitié et la confiance des nombreuses tribus huronnes et algonquines, sans quoi il devenait impossible de faire pénétrer parmi ces infidèles les lumières de la foi et les bienfaits de la civilisation."

Voilà une réponse sérieuse, qui apprend quelque chose. Quelle différence entre cette manière de procéder et ces accusations de "faiblesse" et de "faute" prononcées ex cathedra contre le fondateur de Québec, que certains auteurs ne rougissent pas de mettre sous les yeux et sur les lèvres des enfants de nos écoles, sans avoir songé le moins du monde à leur apprendre quelle raison eut Champlain d'intervenir entre les tribus sau vages, ou même s'il en eut du tout!

Ils ont prononcé, cela suffit. Que leur importe les causes? Ils ne se doutent pas eux-mêmes qu'il y en eut, comment veuton qu'ils s'embarrassent de les indiquer aux autres?

Mes petits enfants, croyez c'est le livre qui le dit. Cette intervention, diront-ils en passant, par manière d'acquit, eut de 66 graves résultats." Comme si la conduite d'un homme devait n'être jugée que par les résultats !

Voyez encore les questions 79, 94, 98, 107, 108, 127, 189, 207, etc., vous y trouverez, énoncées brièvement, avec la plus grande précision, les causes ou les conséquences des faits importants de notre histoire la cause et les suites des dissensions entre l'évêque et le gouverneur, les conséquences religieuses de la paix de 1666, quel but on se proposait en élevant les forts de Cataracouy et de Niagara, quelle fut la cause qui empêcha la conclusion de tel traité de paix avec les Iroquois, les considérations qui forcèrent l'Angleterre à suivre les voies de la justice et de la modération en Canada, la cause de la guerre de 1812, etc., etc.,— causes ou effets qu'un homme instruit peut déjà connaître ou trouver par lui-même, mais qu'il importe souverainement d'apprendre aux jeunes gens, ne fût-ce que pour leur montrer comment on étudie l'histoire.

La peinture des situations, la physionomie de certaines époques, n'ont pas été omises. L'auteur vous donne l'état comparé des forces de la Nouvelle-France et des colonies anglaises à telle époque, par exemple au commencement de la guerre de sept ans, ou quelques années plus tard, en 1758.-"Le Canada, écrit-il, sonffrait à la fois de la guerre et de la famine. Les mauvaises récoltes des deux années précédentes avaient causé

une misère générale, qu'augmentaient encore les malversations de l'intendant Bigot et de ses complices."

Puis il développe ainsi cette réponse générale : "La guerre, en appelant sous les drapeaux presque tous ceux qui étaient en état de porter les armes, ne laissait à la culture des terres que les vieillards, les femmes et les enfants. Aussi l'agriculture souffrait, et la disette, qui se faisait sentir depuis plusieurs années, se changea bientôt en famine, par suite des mauvaises récoltes. Les hivers de 1758 et de 1759 apportèrent les privations les plus pénibles- Le peuple fut réduit à deux onces de pain par jour, les viandes étaient d'une rareté et d'une cherté extrêmes. On voyait des hommes tomber de faiblesse dans les rues de Québec ; et 300 Acadiens réfugiés moururent de misère et de faim. Au milieu des souffrances du peuple, l'intendant Bigot menait joyeuse vie, et ne cherchait, avec ses nombreux amis, qu'à s'enrichir, en spéculant sur la misère publique, ou en volant l'Etat. Dévorés par la guerre et la famine, livrés à de vils spéculateurs, n'ayant presque rien à attendre de la France, parce que l'Angleterre était maîtresse des mers, les Canadiens cependant ne désespéraient point de la lutte. Ils n'avaient pourtant pas 6,000 soldats à opposer à 50,000 Anglais, soutenus par un corps de réserve de 30,000 miliciens. Mais ils étaient décidés à combattre jusqu'à la mort, et à s'ensevelir, s'il le fallait, sous les ruines de la colonie."

On trouvera des tableaux analogues sous les numéros 181, 215, etc., où l'auteur décrit l'état de la colonie au moment où elle passa sous la domination anglaise, ou caractérise une époque, par exemple celle qui sépare 1812 de 1837.

L'auteur a dessiné-c'est le mot-les diverses formes de gouvernement, avec une exactitude et une netteté remarquables. Lisez, par exemple, les réponses aux questions 65, 66, 85, 182, 185, 190, 200. Nous ne pouvons tout citer.

Les caractères des principaux personnages n'est jamais oublié, non plus que les détails qui servent à les faire bien connaître, à les mettre parfaitement en lumière, ou à les flétrir, comme on vient de le voir plus haut, dans le contraste, habilement relevé, entre la famine de 1758 et la conduite de l'intendant Bigot.

M. Gauthier a été impartial et juste dans la distribution des éloges et du blâme. On peut s'en convaincre en lisant les portraits du comte de Frontenac-questions 97 et 125―ou le

jugement qu'il a porté sur les gouverneurs anglais. Citonsquelques lignes: "Le comte de Frontenac avait cet assemblage de qualités et de défauts qui le firent grand ou petit, selon les circonstances. Mais les défauts de son caractère tranchant, absolu, dominateur, se montrèrent peu dans sa seconde admi nistration; ses qualités prédominèrent, et ses talents rendirent au Canada les plus grands services. Il avait trouvé la colonie affaiblie, attaquée de toutes parts, méprisée de ses ennemis; il la laissa en paix, agrandie, respectée. Aussi c'est à juste titre qu'il a été regardé comme le sauveur de la Nouvelle-France."

Les faits éclatants, les nobles actions, et ces paroles qui révèlent l'héroïsme de l'âme sont mis en évidence. Nous n'en donnerons qu'un exemple, où l'on verra que l'héroïsme peut croître jusqu'au sein de la barbarie. "Au printemps de 1660, les Iro quois firent contre le Canada le plus grand effort dont ils fus sent capables. Leur plan était de surprendre et de détruire Québec d'abord, puis d'achever la ruine de la domination française, en se rabattant sur les Trois-Rivières et Montréal. 1,200 guerriers devaient marcher ensemble pour exécuter ce grand projet. La nouvelle d'une invasion aussi formidable jeta le Cañada dans l'effroi et la consternation, parce qu'on manquait de soldats pour se défendre. Heureusement, l'héroïsme de Dollard sauva la colonie. C'était un jeune homme, plein de bravoure, et qui n'avait quitté la France que dans le dessein de se distinguer par de nobles exploits. Seize autres jeunes gens de Montréal s'unirent à lui, décidés à mourir pour le salut de leurs frères. Ils se préparèrent à la mort. Chacun fit son testament; tous se confessèrent, communièrent et promirent aut pied des autels, de combattre et de mourir ensemble. 6 Algonquins, et 30 Hurons commandés par le brave Anahotaha, obtinrent la permission de partager leurs périls et leur gloire. Vers la fin d'avril, les dix-sept héros de Montréal, dirent un éternel adieu à leurs parents et à leurs amis, et marchèrent à la rencontre de l'armée iroquoise. Ils remontèrent l'Outaouais, et s'arrêtèrent au-dessous du saut de la Chaudière, dans un petit fort de pieux. C'est là qu'ils périrent pour sauver leur pays. 200 Onnontagués les attaquèrent, et, pendant sept jours, ils s'épuisèrent en efforts inutiles pour forcer la faible enceinte palissadée. Mais 500 autres Iroquois arrivèrent à leur secours. Dès lors la lutte fut d'un acharnement extrême. Malgré le froid, la soif, l'insomnie, la lassitude, les Français opposaient un courage indomptable aux assauts répétés nuit et jour. Les ennemis, à demi découragés, étaient sur le point de lever le siége, lorsque la désertion d'une trentaine de Hurons vint leur rendre courage, et le fort fut emporté par un suprême effort. Anahotaha trouva une fin digne de lui. Invité à se rendre par un de ses parents passé à l'ennemi: "J'ai donné ma parole aux Français, répond le chef barbare; je mourrai avec eux," et il mourut. La lutte avait duré 10 jours; tous les Français étaient tombés; mais leur mort sauvait la patrie."

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