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Ce sont précisément les parents de ces farceurs, les excellents bourgeois qui avaient amassé, pistoles par pistoles, la fortune que ces messieurs dépensaient d'une manière si intelligente.

Où sont ces honnêtes citoyens qui tenaient tant à tout ce qui nous est encore cher aujourd'hui, qui remplissaient gratuitement une foule de fonctions publiques, qui prêtaient leur argent sans intérêt, à moins que ce ne fût à constitut ou comme on disait alors à fonds perdu-qui étaient marguillers, membres de la société d'éducation, de la société d'agriculture, de la société du feu, c'est-à-dire contre le feu-magistrats et par là même édiles de la cité, qui donnaient, sous une forme ou sous une autre, presque tout leur temps au public et par dessus le marché souscrivaient et payaient largement pour toutes les entreprises, religieuses, charitables ou patriotiques? Tandis que leurs fils ou leur coquins de neveux, bien à leur insu, faisaient de si belles équippées, eux ne sortaient guère de la maison une fois le coup de canon du couvre-feu tiré, à moins que ce ne fût pour aller à la chambre entendre Papineau et Bourdage tonner contre le gouverneur et les bureaucrates. Chaque semaine, ils attendaient avec anxiété la Gazette Officielle pour voir si, par hazard, ils n'étaient point cassés comme juges de paix ou comme officiers de milice, en punition de leur dernière incartade politique, c'est-à-dire pour avoir, dans une assemblée publique quelconque, proposé ou secondé une résolution quelconque, approuvant la chambre et censurant le gouvernement. Notez bien qu'à cette époque, les Canadiens-français ne formaient qu'un seul parti. Nous n'avions pas encore le gouvernement responsable, et toutes les charges publiques étaient pour les Anglais, avec une exception par-ci, par-là, pour une classe très-peu nombreuse qui faisait cause commune avec eux.

Où sont aussi ces bureaucrates, dont je viens de vous parler, si détestés, un peu plus arrogants peut-être que de raison, mais à leurs heures, polis, sociables, hospitaliers, ayant toujours cela de bon, qu'ils jetaient gaiement par les fenêtres l'argent qu'ils gagnaient ou qu'ils ne gagnaient pas, si bien même qu'il n'en restait pas toujours assez pour ceux qui venaient frapper à la porte, le tailleur, le boucher, le boulanger, par exemple? Cela se voit bien encore aujourd'hui, mais au lieu d'être la règle c'est l'exception.

Où sont les "garrison belles" d'alors, si dédaigneuses des jeunes gens de la ville, si entichées des habits rouges et des épaulettes, toujours prêtes à partir par n'importe quelle tempête de neige, pour un pic-nic chez Kostka Hamel, sur le chemin du Cap Rouge, à Lorette ou au Saut de Montmorency? Où sont les grandes dames si pimpantes, si richement mises, si dévotes et si mondaines, qui faisaient le carême entièrement et quel carême que celui d'alors!-mais qui pendant le carnaval arrivaient à l'église au beau milieu du sermon, en sautillant, presque en dansant, pour entendre la messe du Credo, messe qui a été supprimée comme bien d'autres usages?

Mais où sont, comme a dit un vieux poète français, où sont les neiges d'antan ?... sur nos cheveux sans doute!

Revenons à nos légendes, dont nous ne nous sommes point tant écartés qu'on le croirait.

Bien des choses, parmi celles que nous avons rapidement résumées, qui nous paraissent d'hier, sont inconnues à beaucoup de nos auditeurs-bientôt elles seront à l'état légendaire. D'autres reviendront peut-être; car c'est surtout avec du vieux que l'on fait du neuf.

C'est ainsi que l'on a rétabli la messe de minuit, à Noël, qui avait cessé d'être célébrée, dans les villes du moins, il y a une quarantaine d'années.

A Montréal, on s'est remis dernièrement à chanter la guignonnée la veille du jour de l'an-vieille coutume tombée depuis longtemps en désuétude. Voilà un bon point à donner à notre époque.

Une de nos légendes a une authenticité que je ne lui soupçonnais pas d'abord c'est l'histoire de Lanouet. Il paraitrait que le fait s'est passé à la Baie des Chaleurs et non pas au Labrador. Mais quand je l'ai appris, mon siége était fait. Du reste, Labrador entre plus facilement dans un vers que Baie des Chaleurs. C'est une excuse qui, pour tous les gens du métier, devra paraitre suffisante.

Le prêtre qui reçut une lettre à peu près semblable à celle que j'ai rimée, était le vénérable M. Desjardins, chapelain de l'Hôtel-Dieu, et non pas le curé de Québec; elle venait de la Chine et non pas de Bretagne. Voilà, je l'admets, des variantes assez notables. Mais pour des légendes et des poésies, on n'y regarde pas de si près. L'histoire elle-même, la grande et sérieuse histoire, qui s'écrit en prose, est rarement plus véridique.

Le prologue suppose un campement de nos voyageurs dans les pays d'en haut. Ils se sont, d'une manière ou d'une autre, égarés dans leur course à travers le désert, et la nuit venue, ils trompent leur inquiétude en écoutant les récits de deux anciens. La parole est au père François Laporte, en son jeune temps de la paroisse de Beauport.

(A continuer.)

P. J. O. CHAUVEAU.

PIE IX ET LES PÈLERINAGES

Chaque époque de l'histoire du monde se distingue des autres par quelque grand mouvement qui lui est propre. Pour ne parler que des temps modernes, nous avons eu d'abord les guerres et les migrations des peuples. Aux croisades, on a vu succéder. les voyages et les découvertes. Le mouvement intellectuel, qui atteignait son apogée au XVII siècle, a été remplacé par les révolutions, contre lesquelles nous luttons encore. Les pèlerinages seront le mouvement caractéristique de la seconde moitié du XIX siècle.

Le pèlerinage n'est pas nouveau dans l'Eglise. A différents temps, on a vu les fidèles se porter par groupes plus ou moins nombreux, vers quelques sanctuaires vénérés ; mais, à l'exception des croisades-qui étaient en même temps des entreprises militaires ces pieuses expéditions ne révêtirent jamais le caractère d'un courant général dans l'univers religieux. Tel est le phénomène qui se manifeste aujourd'hui.

Nous venons de rappeler les croisades à propos des pèlerinaNous pourrions faire à ce sujet plus d'un rapprochement curieux et instructif à la fois. Quand la puissance musulmane renversait toutes les barrières et que sa barbarie menaçait d'envahir le monde civilisé, il suffit de la plainte enflammée d'un pauvre religieux pour soulever les peuples et entraîner leurs princes à la défense de la Croix. Depuis lors, l'éclat du croissant a toujours diminué et bientôt il cessera de briller; mais une autre barbarie cherche à nous envahir, et le triangle maçonnique veut absolument supplanter la Croix. Le franc-maçon a moins de courage que le mahométan; mais au besoin, il peut être aussi cruel.

Qui arrêtera ce nouvel envahisseur? Qui réveillera les princes? Peut-être quelqu'un de ces pieux voyageurs qui se rendent aujourd'hui à Rome. Touché de la captivité de l'Eglise dans la personne de son chef, il saura susciter un Godefroy de Bouillon.-Quoi! pour une idée religieuse, vous voudriez soulever le monde? le pousser à une guerre sanglante ?-Ne cherche--t-on pas tous les jours à le bouleverser pour une question de race, un alignement de frontière ? Mais non s'il faut du sang pour ramener les peuples à des sentiments chré

tiens, il n'est pas nécessaire d'en verser d'autre que celui des martyrs-M. de Bismarck le soupçonne. Voilà ce qui nous manque depuis longtemps. Le protestantisme semblait d'abord vouloir allumer des bûchers, mais il les a bien vite éteints. La Russie orthodoxe envoie les catholiques mourir dans les glaces de la Sibérie, le plus silencieusement possible.

Il est certain que si les pèlerinages n'opèrent pas le miracle de réveiller la foi, nous ne devons plus avoir d'espérance que dans le martyre. Le souffle glacial du protestantisme a produit, dans l'ordre moral, le même phénomène que les épidémies dans l'ordre physique. Le fléau a cessé ses ravages, mais les constitutions ont été affaiblies: elles sont bien plus sensibles aux atteintes du mal, et elles ne se fortifieront que par un traitement énergi

que.

"A Rome! A. Rome! Dieu le vent." Que les catholiques aillent faire aux pieds de Pie IX leur profession de foi et qu'ils écoutent avec attention son enseignement, car le Pontife a les paroles de la vie. Et pour pénétrer le sens profond de ces paroles, qu'ils se rendent aux monuments des martyrs. Partout ils entendront, sous des formes diverses, le même langage qui se perpétue à travers les siècles. Que les femmes délicates, et trop mondaines peut-être, visitent ies endroits consacrés par le sang de femmes non moins délicates, aussi instruites, élevées dans la plus haute société ; des nobles romaines, des princesses: Pudentienne, Praxède, Agathe, Cécile, Domitille, etc. Là elles apprendront comment elles doivent se montrer chrétiennes-même à Montréal. — Ah! si notre jeunesse, l'avenir de la patrie-telles sont les expression consacrées-qui ne trouve rien de mieux pour s'affirmer, que de renoncer à ses habitudes de travail et de piété, qui rougit de dérouler un chapelet-si nos jeunes amis, dis-je, passaient près du palais des Césars, la chapelle de St. Sébastien-allaPolveriera leur rappellerait quel usage on doit faire-même au milieu d'une cour de la beauté intellectuelle et des charmes du cœur.

En s'asseyant sur les degrés massifs du Colisée, les pèlerins peuvent évoquer les souvenirs de l'ancienne société, entendre les cris plus railleurs peut-être que féroces de la foule qui vouait les chrétiens aux bêtes, parce qu'ils ne voulaient pas adorer ses idoles. Il y a encore de nombreuses idoles que la société moderne-aussi molle et guère plus polie que l'ancienne-veut

faire adorer. Pour ceux qui lui résistent, elle a des supplices: et des railleries: sa tyrannie est aimable. Aussi, les résistances généreuses sont assez rares; nombreuses, les douces apostasies-même dans notre Canada, pourtant si catholique-apostasies que Pie IX ne cesse de flétrir. Encore une fois, que les pèlerins écoutent religieusement les échos du Colisée et des Catacombes, et ils comprendront qu'il n'y a qu'une manière d'être catholique: c'est de l'être complètement, constamment, envers et contre tous. Tout doit être catholique: principes et maximes, politique et diplomatie: autrement, tout périt. Nous le voyons assez.

Tel est l'enseignement que Pie IX donne du haut de la chaire de saint Pierre et qu'il fait entendre jusqu'aux extrémités du monde, car, en s'adressant aux pèlerins, la parole de Pie IX atteint réellement les extrêmes limites de la terre-in omnem terram exivit sonus eorum.

Au moyen des pèlerinages, nous pouvons espérer de voir s'opérer la révolution pacifique qui rétablira l'ordre dans le monde, parce qu'elle ramènera la lumière dans les intelligences. Autrement, nous aurons le martyre, qui n'est accordé qu'aux élus, si nous n'avons pas la guerre, fléau que subissent les bons et les mauvais.

Nous voudrions disposer du temps et de l'espace nécessaires. pour l'histoire contemporaine des pèlerinages. Que de chosesoubliées à rappeler! Que d'événements non compris s'expliquent aujourd'hui? Que de scènes émouvantes à retracer!

Pie IX a donné le signal qui attire aujourd'hui les peuples vers le Vatican, lorsque, en 1854, il convoqua les évêques à Rome, pour la proclamation du dogme de l'Immaculée Conception.

Le monde fut étonné de la confiance du Pape qui croyait à la possibilité de réunir un si grand nombre d'évêques. La diplomatie fit ses observations; mais la diplomatie ne voit jamais bien loin dans les choses religieuses. La réunion eut lieu, et fut très-nombreuse, comme on sait; mais elle fut de beaucoup depassée par celles de la canonisation des saints du Japon, du dix-huitième centenaire de St. Pierre, du jubilé sacerdotal de Pie IX et du Concile du Vatican. Chaque mouvement a été plus général et plus accentué que le précédent..

On peut objecter que le clergé répondait à une invitation suprême. Pour ceux qui ont vu l'entrain et l'enthousiasme de

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