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les intelligences élevées et pratiques. M. le Play en a eu la première vision, il y a près de 40 ans, au milieu d'une grande agglomération d'ouvriers, venus des pays les plus divers pour travailler aux mines des monts Ourals. Ces ouvriers, au nombre de cinquante mille environ, avec leurs femmes, leurs enfants, leurs vieillards, formaient entre eux des groupes nationaux distincts, et ils offraient par leur assemblage comme un microscome des populations de l'Europe et de l'Asie. Le jeune savant français, appelé à la direction de ces vastes travaux et au commandement de toute cette multitude, était habitué à ne point voir de réunion d'hommes sans l'écharpe du commissaire de police et le tricorne du gendarme; aussi remarqua-t-il avec étonnement que dans cette masse d'individus de tous pays l'ordre se maintenait, bien qu'ils ne sentissent pas la présence et la force d'une autorité publique. Frappé de ce fait, il regarda de plus près la manière de vivre de chacun de ces groupes, de cet ensemble de familles, surtout aux groupes dont les familles montraient, avec le plus de régularité et de constance, les dehors d'une bonne tenue morale; et il reconnut que là où l'ordre était constant, il y avait des pratiques religieuses, la soumission à l'autorité des pères, de la réserve et des égards envers les femmes, certaines habitudes de respect pour ainsi dire hiérarchiques; et que, dans les groupes où l'ordre était plus ou moins intermittent, ces mêmes conditions de discipline morale faisaient, au contraire, plus ou moins défaut. Le jeune directeur des travaux de l'Oural trouva l'aperçu trop important pour en rester là; il ramena à des données positives ce que jusqu'alors il n'avait fait qu'entrevoir; puis à l'aide d'une méthode d'observation et de vérification, qui n'est pas la moindre des découvertes de cet esprit sagace, puissant et sûr, il s'appliqua à l'étude, sur place cette fois, de l'état social et moral des populations dans les divers centres de l'Europe. Les conclusions qu'il avait déduites de l'état des travailleurs de l'Oural furent confirmées, agrandies l'ordre était partout en raison directe de la présence en chaque pays de certaines conditions morales; les invariables lois de la prospérité, de la force, de la liberté des nations étaient trouvées !

"Ces lois, par une coïncidence qui ne surprendra aucun de ceux à qui nous avons l'honneur de nous adresser, sont presque toujours l'antithèse et la condamnation des prétendus principes proclamés en 1789 en dehors de tout légitime développement historique; et toujours, ajoutons-le, ces lois sont telles qu'elles

semblent être les postulata civils et politiques du christianisme,. quand elles n'en sont pas déjà le précepte même fondamental et formel.

"Il serait superflu de faire remarquer aussi que la découverte de M. le Play n'a rien à démêler avec les utopies plus ou moins ingénieuses où se sont égarés les esprits de nos générations révolutionnaires et révolutionnées. Ce que M. le Play a découvert, nous tenons au mot, ce n'est en vérité que la coutume de l'Europe chrétienne, formée au moyen âge, "l'âge du mérite inconnu," dit l'historien Muller; depuis affreusement attaquée et opprimée par les criminels attentats des légalités révolutionnaires, mais nulle part déracinée ou détruite entièrement; partout où l'état latent et près de sourdre du sol, pour s'épanouir encore au gré des besoins de la nature humaine pour laquelle est faite. C'est même là ce qui, malgré la puissante hostilité révolutionnaire, rend particulièrement praticables les doctrines de la réforme sociale."

Le premier numéro de la Civilisation Catholique a dû paraître au commencement de mars; mais pour cela, il lui a fallu réunir 300,000 francs, c'est-à-dire mille annuités de 100 francs, pendant trois ans. Nous les lui souhaitons, et la générosité française est assez connue pour que nous soyons certain qu'elle les a trouvés. Nous ne pouvons nous empêcher de penser à notre pauvre petite Revue : elle a trouvé aussi des esprits intelligents et des cœurs généreux; mais trois cent mille francs!

III

On annonçait dernièrement la fondation, à Madrid d'un journal et d'une Revue destinés à défendre la vérité catholique, attaquée là comme ailleurs, nos lecteurs le savent. Du journal, qui s'appellera La Foi-La Fe-nous dirons seulement qu'il donne les plus belles espérances, à raison des catholiques distingués et sincères qui le dirigent.

La Ciencia Cristiana est publiée par un écrivain renommé et très-estimé en Espagne, M. Orti y Lara. Il s'est assuré la collaboration de plusieurs philosophes, juristes et littérateurs catholiques d'une grande valeur. Cette revue sera avant tout philosophique; mais elle s'efforcera aussi d'inculquer et de propager les saines maximes du droit. Nous espérons avoir l'occasion d'en parler plus tard à nos lecteurs.

B. FOURNIER.

LES BANQUES

Les historiens des temps reculés étaient plus occupés à ra conter les massacres, les guerres et les autres événements de leu temps qu'à nous transmettre des renseignements bien détaillés sur un sujet aussi aride que la science financière.

Chez les Juifs il y avait des prêteurs d'argent; il leur était défendu de faire un profit sur leurs compatriotes. Ils s'en dédommageaient sur les étrangers. L'Evangile raconte que des courtiers tenaient bureau dans le temple même, et qu'un jour le Sauveur les en chassa.

Ces courtiers recevaient des dépôts, sur lesquels ils payaient intérêt. Ils faisaient ensuite, à un taux plus élevé, des avances de fonds à ceux qui en voulaient. Ils échangeaient l'argent de leur propre pays pour la monnaie ayant cours dans les pays environnants; au moins on peut le supposer.

Chez les autres peuples de l'antiquité, assez peu remar quables par leur fidélité au septième commandement, et qui comptaient parmi leurs dieux le patron des larrons, les temples servaient de lieux sûrs, où l'on pouvait déposer ses capitaux. Si la seule utilité des temples était la sûreté, ils avaient du moins cet avantage sur un grand nombre d'institutions financières de nos jours.

Rollin rapporte que vers l'an 278 avant Jésus-Christ, Brennus, chef gaulois, envahit la Grêce avec 152,000 guerriers, et qu'il essaya de piller le temple de Delphes, où il y avait un trésor immense. Si l'on en croit les anciens, hommes et dieux firent des prodiges pour défendre leurs valeurs.

C'est le premier exemple d'une irruption dans les bureaux d'une banque.

Mais les temples avaient des inconvénients sérieux.

Les dépositaires ne faisaient aucun emploi des capitaux, et conséquemment les déposants ne recevaient aucun intérêt. Cet état de choses ne pouvait durer longtemps. Des banques destinées à employer les capitaux furent fondées. Ces institutions. , devinrent très-florissantes à Athènes. Le mécanisme en était analogue à celui des établissements semblables chez les Juifs,

c'est-à-dire qu'elles empruntaient à un taux aussi peu élevé que possible, et qu'elles prêtaient à un taux exorbitant. On peut se faire une idée des profits qu'elles firent, quand on sait que ce taux s'élevait de 12 à 90 070.

Chez les Romains il y avait de nombreuses banques, dont le fonctionnement ne différait pas beaucoup de ce qui est connu aujourd'hui. Il y avait aussi des institutions dites de prêt, où les pauvres pouvaient recevoir des secours sans payer d'intérêtCes dernières institutions n'ont pas survécu à l'Empire Romain

Les descendants des Romains, les Italiens, n'avaient pas hérité du mépris de leurs ancêtres pour le commerce. Ils sont les inventeurs de la tenue des livres en partie double, et ils furent pendant de longues années les financiers de l'Europe. Ils étaient tellement nombreux en Angleterre, qu'une des rues de Londres, pour cette raison, a été nommée rue Lombard; c'est la rue des grands financiers encore aujourd'hui.

Les banques modernes commencèrent chez ce peuple, et y pri-rent leur nom. Elles furent créées pour subvenir à des besoins tout à fait différents de ceux qu'elles ont coutume de satisfaire aujourd'hui. C'étaient plutôt des compagnies financières qu'autre chose. Les gouvernements de ces temps ne différaient pas de ceux de nos jours; ils n'avaient pas toujours un chemin de fer du Pacifique à construire, mais s'ils ne se donnaient pas ce luxe, ils avaient d'autres entreprises qui le valaient bien les guerres et autres améliorations publiques.

De nos jours, quand un gouvernement a besoin d'argent, on a recours c'est ce que l'on fait au Canada à un courtier de la rue Lombard, qui reçoit pour sa peine un percentage. En Italie, on ne faisait pas tout à fait de même : on fondait un établissement auquel on donnait le nom de banque. La plus ancienne est celle de Venise. On suppose qu'elle a eté fondée en 1157, par l'Etat, qui à la suite d'une longue guerre, se trouvait devoir un montant très-respectable. Les créanciers se formèrent en société, avec des priviléges spéciaux. Un de ces priviléges était le droit de faire transférer un montant du crédit d'un compte au crédit d'un autre compte; l'obligation était imposée aux particuliers et aux marchands de solder leurs dettes ayant rapport aux ventes et d'effectuer le paiement, des lettres de change en argent de la banque, c'est-à-dire que, d'un côté, les débiteurs étaient tenus de porter à la banque les montants qu'ils devaient, et que, de l'autre, les créanciers étaient obligés

de recevoir leurs paiements en Banco, ou au moyen d'un simple transfert d'un compte à un autre compte.

Adam Smith dit à ce propos que le currency d'un grand pays, tel que la France ou l'Angleterre, consiste presque toujours en sa propre monnaie, frappée par l'Etat. Si pour une cause ou pour une autre, ce currency se trouve déprécié, l'Etat, en réformant la monnaie, réformera le currency; mais il n'en est pas de même pour le currency d'un petit Etat, tel que Gênes ou Hambourg, dont en général la monnaie est composée de pièces frappées par les Etats avoisinants. Les pays ainsi situés ne sont pas toujours à même de réformer leur currency en réformant la monnaie. Si les lettres de change faites à l'étranger sont payables dans ce currency, la valeur de toute somme dans un currency aussi incertain aura pour effet de tourner les échanges contre cet Etat, car ce currency sera évalué à l'étranger au-dessous de sa valeur réelle. Afin de remédier à l'inconvénient auquel les assujétissait un échange aussi désavantageux, ces petits Etats, lorsqu'ils commencèrent à veiller à leurs intérêts commerciaux, ont souvent décrété que les billets au-dessus d'un certain montant devaient être payés, non pas en currency ordinaire, mais par un ordre sur une certaine banque établie sur le crédit et sous la protection de l'Etat, ou bien par un transport fait dans les livres de cette même banque. Cette banque était toujours obligée de payer en bel et bon argent, selon l'étalon de l'Etat. Les banques de Venise, de Gênes, Amsterdam, Hambourg et de Nuremberg paraissent avoir été créées pour cet objet. Quelques-unes, il est vrai, ont été ensuite employées à d'autres fins.

L'argent de ces banques, étant meilleur que le currency ordinaire du pays, portait nécessairement un agio, qui était plus ou. moins considérable, suivant que le currency était plus ou moins dégradé au dessous de l'étalon de l'Etat. L'agio de la banquede Hambourg, par exemple, qu'on dit être ordinairement de14 020, est la différence supposée entre le bon argent de l'Etat et le currency usé, déprécié, et rogné qui venait de tous les autres Etats. Avant 1609, la grande quantité de pièces rognées et usées, que le commerce considérable d'Amsterdam avait apportée de toutes les parties de l'Europe, avait réduit la valeur de son currency de 9 010 au-dessous du bon argent nouvellement monnayé. On eut beau frapper de nouvelles pièces, aussitôt émises, elles étaient ou fondues ou exportées, et l'on restait.

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