Obrazy na stronie
PDF
ePub

Ce qui est certain, c'est que l'acte du consentement final est un acte complexe dans ses causes, auquel prennent part et l'intelligence et la volonté. Ce dernier acte est, suivant l'aspect sous lequel on le considère, une manière de voir et un consentement. Comme consentement, il relève surtout de la volonté ; comme manière de voir, il relève plutôt de l'intelligence. Mais cette manière de voir définitive, ce jugement dernier, implique déjà le consentement de la volonté, et ce consentement implique à son tour le jugement de l'esprit (1). En somme, l'objet n'agit pas sur l'intelligence et la volonté réunies de la même manière que sur l'intelligence seule; la réaction qu'il provoque, c'est à-dire le choix, est de l'homme tout entier, il est libre.

Ici nous touchons au nœud des difficultés les plus graves qu'on soulève contre la liberté et qui nous sont adressées par les partisans du déterminisme intellectuel. Si l'acte libre se composait de deux actes distincts et séparables, l'un d'intelligence et l'autre de volonté, on ne voit pas dans lequel des deux la liberté pourrait se réfugier. Car l'acte d'intelligence n'est pas libre, s'il est seul. D'autre part, comment la volonté pourrait-elle par elle seule conférer la liberté, puisqu'elle suit l'intelligence et qu'elle ne peut se mettre en désaccord avec elle qu'en obtenant de quelque manière sa complicité? L'acte libre procède

(1) C'est la pensée des scolastiques qui regardent la détermination tantôt comme étant formellement de l'esprit et matériellement de la volonté, et tantôt comme étant formellement de celle-ci et matériellement de la première. (Cf. S. Th. 1a 2, q. 13, a. 1.)

donc de l'intelligence et de la volonté qui se réunissent pour l'accomplir d'une manière indivisible.

Mais on comprend, après cela, comment la volonté peut imposer son joug à l'esprit après avoir dû le subir elle même. Contrainte par l'esprit sur certains points évidents et vis-à-vis du bien en général et du bonheur, objets parfaits et adéquats, qui ne renferment aucune cause de répulsion, elle reprend sa liberté sur les biens particuliers; elle est d'autant plus libre que l'esprit raisonne davantage et se porte à plus de conclusions distinctes. Or celles-ci sont infinies, pour ainsi dire; la liberté humaine, à certains égards, est donc sans limite.

930. La liberté et les inclinations, etc. Il nous suffira, après ces considérations, d'indiquer les rapports de la liberté avec les autres facultés et avec le milieu social où elle s'exerce. Parmi les forces naturelles ou acquises avec lesquelles la liberté doit compter, nous remarquerons les inclinations, les passions, les habitudes. Il est incontestable qu'elles limitent plus ou moins le champ de la liberté : nul ne peut lutter longtemps contre toutes ses inclinations, toutes ses passions et toutes ses habitudes réunies. Mais, si l'on considère que la plupart des habitudes, ou du moins les principales et les plus exigeantes, sont volontaires et acquises, qu'elles changent par l'exercice; si l'on considère qu'il est possible, sinon d'extirper ses passions, du moins de les opposer les unes aux autres et de les diriger, on verra bien vite que la volonté peut ranger à son service la plupart de ces forces inférieures qui paraissaient devoir secouer le joug et la tyranniser.

931. La liberté et le milieu social. - Il en

est de même du milieu social, de la famille, du pays, des circonstances et du temps où l'on vit. Toutes ces conditions paraissent comprimer l'essor de la liberté ; maison verra bien vite que l'homme de caractère et de volonté a d'ordinaire d'autant plus de pouvoir et de liberté qu'il paraît mieux enchaîné. Ses devoirs de famille, de profession et de société, la nécessité des temps et des circonstances, avec lesquels il doit compter, sont moins des entraves que des moyens d'action dont profitent son énergie et sa raison, peut-être son génie. C'est ce qui explique l'action puissante exercée quelquefois par un seul homme, si faible en lui-même, sur tout un peuple et même sur les destinées de l'humanité (1).

(1) Cf. notre Théorie du libre arbitre,

CHAPITRE LV

DE LA CONNAISSANCE INTELLECTUELLE

ORIGINE, SON OBJECTIVITÉ.

L'IDÉE, SON

932. Problème de la connaissance intellectuelle. Dans les chapitres précédents, nous avons traité successivement de la nature de l'homme et de ses facultés. Il nous reste maintenant à traiter directement des actes qui distinguent l'homme et le spécilient, c'est-à-dire de la connaissance intellectuelle ou de la pensée proprement dite. Quelles sont les conditions de l'exercice de la pensée ? Que faut il entendre par les idées? Quelle est leur origine et sont-elles objectives? Telles sont les premières questions qui s'offrent à notre curiosité. Pour les résoudre, il ne faudra rien moins que soumettre à une nouvelle critique les systèmes les plus fameux; car il n'est pas de problème plus fondamental en philosophie que celui de l'origine des idées, lié de si près à celui de l'objectivité de la connaissance. Cependant, après les leçons précédentes, il nous sera possible de le résoudre avec brièveté et clarté.

THESE. Pour expliquer la connaissance intellectuelle, il faut admettre des idées ou espèces intelligibles (impresses et expresses). L'idée a pour

principe tout à la fois le sens et l'esprit : le sens, qui fournit la matière; l'esprit, qui fournit la forme, par sa vertu d'abstraire et de concevoir. En établissant cette vérité capitale, les scolastiques excluent toutes les hypothèses contraires, sensualistes et idéalistes, sur l'origine de la connaissance; ils établissent également l'objec tivité des idées, qui ne sont pas précisément ce que l'esprit comprend, mais plutôt ce par quoi il comprend, qui sont moins l'objet que le moyen de la connaissance.

933. Rôle de l'idée dans la connaissance : elle unit l'objet au sujet. Pour expliquer la connaissance intellectuelle, il faut d'abord admettre des idées ou espèces intelligibles.

Il est évident, en effet, qu'on ne peut expliquer la connaissance que par l'union de l'objet connu avec l'esprit qui le connaît; la connaissance n'est donnée qu'autant que le connu est dans le connaissant. Or cette union de l'objet avec l'esprit, cette introduction, pour ainsi dire, de l'objet dans l'esprit, ne peut avoir lieu que par une assimilation, que par une similitude de l'objet dans l'esprit. Car, si l'on suppose une autre union, on confond l'objet avec le sujet, l'esprit avec l'objet de sa connaissance; l'esprit absorbe tout; en connaissant toutes choses, il ne connaît que lui-même ; en considérant l'univers, il n'est occupé que de sa propre pensée de là le panthéisme idéaliste et ses monstrueuses conséquences. Il faut donc conclure que la connaissance intellectuelle s'explique par une similitude de l'objet dans l'esprit. Mais c'est précisément cette similitude, cette expression spirituelle, que nous appelons espèce intelligible ou idée.

« PoprzedniaDalej »