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Ces considérations nous expliquent déjà comment l'àme, au moment de la mort, reprend possession d'elle-même, dans la mesure où elle en avait été privée par les infirmités du corps et le désordre des organes, et poursuit le cours de sa vie intellectuelle. Nous reviendrons d'ailleurs sur cette vie de l'àme séparée.

2o On nous oppose ensuite que l'àme est individualisée par le corps: telle est du moins la doctrine de saint Thomas. Il semble donc qu'elle doive cesser d'exister distinctement après la destruction du corps. - Mais cette objection n'est qu'une subtilité. L'âme est individualisée par le corps, c'est-à-dire qu'elle est telle, parce qu'elle est destinée à tel corps; mais il serait absurde de considérer l'àme comme une généralité que le corps détermine; l'âme est déterminée et partant individuelle comme âme; mais elle est incomplète sans le corps et ne forme qu'avec lui un individu. complet ou une personne proprement dite.

749. L'âme humaine et l'âme de l'animal. Après les considérations précédentes, il nous sera facile de déterminer la ressemblance et les différences de l'ame humaine comparée avec les âmes inférieures, et aussi avec les purs esprits, qui lui sont supérieurs.

Et d'abord il est évident que l'àme de l'animal est, comme l'âme humaine, un premier principe de vie, et que partant elle est simple; mais comme, d'autre part, les opérations de cette àme sont toutes sensibles et s'exercent par des organes, il s'ensuit qu'elle n'a pas de vie et d'existence indépendantes en un mot elle n'est pas spirituelle (v. no 708). Elle meurt donc ou plutôt elle disparaît avec le corps. Ainsi disparaît, pour ainsi dire, la forme d'une statue de bronze soumise de nouveau à la fusion. Seule l'âme humaine

subsiste comme le bien absolu qu'elle découvre et auquel elle s'attache.

Ce privilège si grand de l'immortalité accuse une profonde différence dans les natures. La réduire à quelque faculté supérieure, à la raison par exemple, sans rien supposer au delà, ce serait commettre la plus grave méprise. Sans doute la différence de l'homme et de la bête est marquée au dehors en définitive par la seule raison; mais cette faculté qui nous distingue, avec les privilèges qu'elle implique, suppose une essence particulière, origine de toutes les différences et de tous les privilèges. Si l'homme diffère de la bête, c'est surtout par le fond mème de son être et de sa substance.

750. L'âme humaine et le pur esprit. Maintenant, si nous élevons les yeux au-dessus de l'âme, nous trouvons les purs esprits, avec lesquels Origène et les néo-platoniciens l'ont confondue. Mais l'àme n'est pas un pur esprit lié accidentellement à un corps pour expier une faute commise dans une prétendue vie antérieure; elle est la forme du corps, c'est-à-dire qu'elle est destinée par sa nature même à animer un corps, à se servir d'organes et à comprendre, après avoir été excitée et informée par les sens. Telle n'est point la condition des purs esprits, affranchis par nature de toute matière et s'appliquant immédiatement à la vérité. L'âme est intelligente, à leur image; mais il y a divers degrés dans l'intelligence, de même qu'il y a divers degrés dans la sensibilité; et l'homme, laissé à ses forces naturelles, s'arrête au plus bas degré, celui qui confine à la sensation : devant lui s'étend le monde des esprits, une science infinie, un océan sans borne, dont les rivages seuls lui sont connus. 751. L'âme humaine et la personne.

Il nous reste en dernier lieu à préciser les relations de l'âme avec l'homme ou la personne. Peut-on dire en toute vérité que l'homme est son âme, que l'âme est la personne humaine, que l'âme et le moi ne font rigoureusement qu'un? - Non; car l'âme n'est pas le principe unique de toutes les opérations que l'homme accomplit. Parmi ces opérations, en effet, il en est de sensibles, dont le principé immédiat n'est pas l'âme ni le corps seuls, mais le composé : c'est l'homme, et non l'âme, qui voit, qui entend, qui se passionne pour le bien ou pour le mal; l'âme n'est donc pas l'homme ni la personne, mais seulement leur meilleure partie.

Si l'opinion de Platon et des spiritualistes modernes qui ont plus ou moins reproduit sa doctrine était vraie, à savoir que l'âme est le principe actif et unique de toutes nos opérations sensibles et intellectuelles et que le corps n'est qu'un simple instrument, il serait vrai de dire que le moi ou la personne c'est l'âme même et que l'homme n'est en définitive, selon la définition de Bonald, qu'une intelligence servie par des organes. Mais l'union de l'âme et du corps est autrement intime; elle l'est à ce point qu'ils se réunissent en un seul principe des opérations sensibles et deviennent un même composé Nous le démontrerons par la suite. Mais déjà l'on voit que, s'il en est ainsi, l'âme n'est qu'une partie de l'homme et de la personne, elle ne suffit pas à les constituer; et c'est parce qu'il est permis, dans le langage courant, de prendre la partie principale pour le tout, que l'on peut parler du moi et de l'âme comme s'ils étaient la personne même et l'homme tout entier.

CHAPITRE XLV

DE L'ORIGINE DE L'AME

La question de l'origine de l'âme n'est pas moins importante que les précédentes, et, comme elle en dépend immédiatement, il convient de ne pas les séparer. L'origine, en effet, répond à la nature et à la destinée; et puisque nous sommes fixés sur la nature et la destinée de l'âme humaine, c'est-à-dire sur sa spiritualité et son immortalité, il nous sera plus facile d'assigner son origine ou son mode de production.

Voici en quels termes peut se formuler la doctrine sur cette matière. Autour de ces points inattaquables se rangent les solutions encore douteuses et divers sentiments discutés entre spiritualistes et même entre scolastiques.

THESE. L'âme humaine ne preexiste pas au corps qu'elle anime; - de plus son existence n'est pas due à l'acte générateur de la créature, mais à l'acte créateur de Dieu.— Cette seconde conclusion est particulièrement défavorable au transformisme.

752. L'âme humaine ne préexiste pas au corps. Ici nous nous trouvons en présence de deux sortes d'adversaires : les platoniciens et les

panthéistes. Les premiers, estimant que l'union de l'àme avec le corps est accidentelle et se produit au détriment de l'âme plutôt qu'à son avantage, ont pensé qu'elle avait été condamnée à subir cette alliance par suite d'une sorte de châtiment. Créée à l'origine des choses, l'âme humaine aurait mené une vie toute spirituelle, maintenant oubliée, mais qu'elle continuera après la mort, si elle s'en rend digne. Sinon, elle sera soumise à de nouvelles incarnations. On voit se dérouler déjà tout le système de la métempsycose, emprunté à l'Orient et inspiré à Platon par Pythagore. Origène a partagé plus ou moins cette erreur et s'en est servi pour expliquer, d'une manière incorrecte, les récits de la Genèse, la chute originelle, les peines de l'enfer, etc.

Avec l'hypothèse platonicienne, il faut signaler celle des panthéistes, stoïciens et autres, d'après lesquels l'esprit humain est comme l'émanation de la divinité elle-même, une étincelle échappée du foyer divin, qui éclaire et vivifie l'univers. Les panthéistes modernes préfèrent se représenter l'âme comme un mode particulier de l'être fondamental ou même de cet être unique qui ferait le fond de toutes les existences.

De cette erreur n'est pas éloignée celle d'Averroès. Il pense que l'intelligence qui nous permet d'abstraire est commune à tous les hommes et émane de l'intelligence première. Cette intelligence serait quelque chose d'analogue à la raison impersonnelle introduite par Cousin et quelques uns de ses continuateurs, pourvu toutefois qu'on entende cette raison impersonnelle au sens littéral, c'est-à-dire au sens le plus panthéiste.

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