Obrazy na stronie
PDF
ePub

elle l'oblige de quelque manière à accepter ses conditions et une certaine infériorité. Bref, ni un corps, ni rien de corporel, ni même rien de lié à un corps dans une même nature, ne peut être infini en perfection. Le monde ne peut pas même être infini en quantité. Au reste, qu'en résulterait-il? La quantité infinie n'en serait pas moins finie comme être ou perfection. Fût il infini en dimension, l'océan ne changerait pas de nature et, bien loin d'être Dieu, il ne vaudrait pas même la plus humble pensée. (Cf. Tome I, n. 470-473.)

565. Le monde est contingent. - Le monde, en effet, est composé dans son être même, comme nous le disions en commençant : il est composé d'essence et d'existence, de puissance et d'acte, c'est-àdire qu'il n'est pas de son essence d'exister, il pourrait ne pas être. La contingence du monde se prouve par là même que la non-existence du monde ne répugne pas; cette non-existence est si peu inconcevable, quoi qu'en disent ceux qui affirment la nécessité du monde, que nombre de philosophes ont nié la réalité des corps et cherché à tout expliquer par des apparences.

Au reste, chaque partie du monde est contingente, elle pourrait ne pas être. Et de fait tous les individus. meurent successivement, ils sont remplacés par d'autres; à une époque, l'homme n'était pas; plus anciennement, la vie n'avait pas encore paru sur le globe. Notre globe lui-même n'est pas plus nécessaire dans le ciel qu'un grain de sable au bord de la mer. Il en est de même de chaque partie de l'univers. Mais l'univers ne peut pas être absolument nécessaire, si aucune de ses parties ne l'est. Bref, les parties de l'univers ne sont nécessaires que relativement, les unes par rapport aux autres : le soleil, par exemple, est nécessaire à la

terre. Donc l'univers entier n'est pas nécessaire abso lument, c'est à-dire qu'il est contingent.

[ocr errors]

566. Le monde est essentiellement dépendant. C'est une conséquence inévitable. Si le monde n'existe pas par lui même ou son essence, s'il est contingent, il a dû recevoir son existence d'un autre, dont il dépend par cela mème. S'il est fini, comment ne dépendrait-il pas de l'infini, qui, tout en lui communiquant l'existence et la perfection, la lui a mesurée ? S'il est muable et s'il change de fait, comment ne dépendrait il pas de la cause de ces changements? S'il est composé, comment ne dépendrait-il pas de ses composants et surtout de la cause qui les a réunis en un même tout?

567. Conclusion. On voit par là comment toutes les affirmations particulières que nous venons d'établir s'enchaînent et se fortifient mutuellement, si bien que chacune est inséparable de toutes les autres. Le monde est contingent? Donc il est dépendant..... muable... fini, etc. Le monde est muable? Donc il est limité, dépendant, contingent, etc. Bref, les caractères essentiels du monde sont liés entre eux comme les attributs divins: l'imperfection appelle l'imperfection comme le parfait appelle le parfait. (Cf. métaph. Des perfections, chap. xxv.)

568. Le panthéisme.

On voit aussi combien

il est absurde de supposer, avec les panthéistes, que le monde a même être, même nature, même substance que Dieu. Le panthéisme est une erreur aussi séduisante que pernicieuse, qui a trouvé des partisans à toutes les époques; il a revêtu diverses formes que nous devons examiner. Plusieurs réfutent le panthéisme en théodicée; d'autres le réfutent en cosmo

logie. On peut présenter cette réfutation ici et là, selon que l'on considère le panthéisme comme détruisant la vraie notion de Dieu ou la vraie notion de la nature.

D'une manière générale, le panthéisme (v. Vocab.) consiste à nier la distinction essentielle de Dieu et du monde. Dans cette erreur, les différences des êtres, et en particulier du Créateur et de la créature, consisteraient en de pures modifications, voire même de simples phénomènes, de pures apparences; ce seraient, en tout cas, de simples développements d'une réalité fondamentale. Dieu serait tout et tout serait Dieu. De ces deux formules, plusieurs panthéistes préfèrent la première; ils absorbent Dieu dans la nature. Les autres préfèrent la seconde et absorbent la nature en Dieu. Ceux-ci sont des théistes et des mystiques égarés; ceux-là penchent plutôt vers le naturalisme et l'athéisme qui en est la suite ainsi Diderot et Goethe. Les uns et les autres nient la création ou la dénaturent. Mais nous devons mieux préciser les formes du panthéisme.

569. L'émanation. Panthéisme indien. Pour expliquer la nature sans la créatien proprement dite, il y a d'abord l'hypothèse de l'émanation: la nature sortirait de Dieu comme l'arbre de son germe, comme le fil du ver à soie, comme l'eau de la nuée. Après s'être séparées de la substance divine, les choses retourneraient à leur point de départ. Tel est le panthéisme indien. Brahma tire tout de lui-même, et la perfection des créatures consiste à retourner à leur principe et à se perdre en lui. Les Perses substituent Zervane-Akérène (le temps sans limites) à Brahma: tout procède de lui par Ormuzd, principe du bien, et

par Ahriman, principe du mal. Les Gnostiques reproduisirent les mêmes erreurs : Dieu produirait de sa substance un premier génie, le plus grand de tous, qui en produirait un second, moins parfait que lui, et ainsi de suite jusqu'aux extrémités de l'être. Dieu ramènerait ensuite par la rédemption tout ce qui est sorti de lui. Les néo-platoniciens n'ont guère fait que combiner ces erreurs avec l'idéalisme.

570. Panthéisme réaliste. D'autres panthéistes, avec Spinosa, ne voient dans la nature que des modes réels de l'infini, qui se développerait de deux manières et suivant deux lignes parallèles, comme pensée et comme étendue de là les esprits et les corps. A ce panthéisme se ramène assez bien celui de l'école d'Elée et des Stoïciens. Xénophane comprend mal ce principe : Rien ne se fait de rien. Parménide confond l'objet de la pensée avec le sujet. Les Stoïciens (Zénon, Cléanthe) regardent Dieu non seulement comme le principe du monde, mais encore comme sa cause formelle, motrice, vivifiante. Dieu serait l'âme du monde; la nature serait comme un animal divin : << Mens agitat molem et magno se corpore miscet », a dit le poète, en traduisant cette pensée. Et pour employer une autre comparaison, que les matérialistes et naturalistes de ce temps goûteraient mieux, Dieu serait comme un éther fort subtil, remplissant tous les espaces et constituant même toutes choses dans leur fond, reliant ainsi toute la nature pour n'en faire qu'un seul et mème tout.

A ce panthéisme on peut ramener encore celui des réalistes exagérés du moyen âge Scot Erigène, Amaury de Chartres, David de Dinan, qui furent amenés, par leur réalisme, à ne voir au fond de la nature

qu'un seul et même être, dont tous les autres ne seraient que des espèces, ou plutôt des modifications; car il n'y a pas de différence en dehors de l'être en général.

571. Panthéisme idéaliste. Enfin le panthéisme revêt une troisième forme, l'idéalisme. La nature ne serait pas même un ensemble de modes ayant l'infini pour sujet : la nature serait une illusion, une apparence, un phénomène complexe qui manifesterait et expliquerait une seule réalité, l'être absolu. Ce panthéisme est celui de Fichte, de Schelling, de Hégel, et aussi de Cousin, qui l'introduisit en France d'une manière plus ou moins consciente, et qui essaya plus tard de s'en dégager.

Telles sont les principales formes du panthéisme; elles n'ont rien de bien précis, et l'on conçoit que les mêmes panthéistes puissent hésiter souvent entre l'une ou l'autre. Après un examen général du système, nous réfuterons les panthéistes les plus célèbres, en critiquant leurs principales opinions.

572. Réfutation générale du panthéisme. - Toutes les formes du panthéisme ont cela de commun qu'elles affirment une identité de substance, ou d'être et d'essence, ce qui revient au même, entre Dieu et le monde. Soit que le monde émane de la substance divine, soit qu'il modifie Dieu, soit que le fond de tous les êtres leur soit réellement commun et ne diffère pas de l'infini, il restera toujours qu'il y a une même substance ou une même essence ou un même être et une même réalité qui est à la fois nature et Dieu, fini et infini, etc. Or, c'est là une absurdité à laquelle le panthéisme n'échappera pas, malgré toutes les subtilités dont il s'enveloppe.

« PoprzedniaDalej »