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GRÉGOIRE VII

(1073-1085)

I

Le rôle de Grégoire VII ne date pas uniquement de son pontificat. Lorsqu'il fut élevé au SaintSiège, le 22 avril 1073, il exerçait déjà dans l'Église, sous le nom d'Hildebrand, une influence considérable. C'est dire que l'étude de sa vie dans les temps antérieurs à son pontificat s'impose à l'historien. Cette étude ne laisse pas de présenter plus d'une difficulté. Hormis de rares secours que fournissent les lettres de Grégoire, on se trouve, pour cette période, réduit à des chroniques qui, reflétant les passions de l'époque où elles ont été écrites, offrent des différences et parfois des contradictions entre lesquelles il est malaisé de se déterminer. Des savants d'une grande autorité se sont efforcés de tracer une voie sûre au milieu de ces obscurités. Mais, s'il est des points qu'on peut considérer aujourd'hui

comme élucidés, il en est d'autres sur lesquels planent encore certains doutes. Avant d'aborder l'histoire du pontificat de Grégoire, nous allons essayer de fixer les principaux traits de sa vie durant les années qui précédèrent son avènement.

On ne sait au juste à quelle date naquit l'homme extraordinaire qui devait résumer en lui toutes les grandeurs, toutes les audaces de la papauté; et, à moins de nouvelles ressources offertes à la critique, il n'est pas à espérer qu'on puisse donner, à cet égard, autre chose qu'une approximation. Les Bollandistes ont proposé l'année 1020, sans que cette hypothèse, qui s'écarte probablement assez peu de la vérité, soit fondée sur rien de positif. Baronius' a laissé la question pendante. Voigt3, qu'ont suivi, depuis qu'il a été traduit en notre langue, la plupart des écrivains français, a de même jugé plus sage de ne fixer aucune date. Jaffé, à qui l'on doit une excellente édition des lettres de Grégoire sous le titre de Monumenta Gregoriana", propose de placer entre les années 1013 et 1024 la naissance de ce pape. Mais les raisons sur lesquelles il appuie son argumentation nous semblent plus ingénieuses que sûres. On peut toutefois tirer une indication,

1. Act. Sanct. Maii, VI, p. 107.

2. Ann. eccl. XVII, p. 108.

3. Grégoire VII et son siècle. Trad. Jager, éd. 1842, Paris. 4. Monumenta Gregoriana. In-8o, Berolini, 1865.

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qui n'est pas sans valeur, d'un document qu'il a cité et qu'avait, avant lui, cité M. Schirmer dans un judicieux travail consacré aux premiers temps de la vie de ce pontife'. Dans ce document, contemporain de Grégoire, il est dit expressément que ce pape, « élevé à Rome dès l'enfance », y avait vécu << sous le pontificat de dix de ses prédécesseurs3. » Or, si l'on exclut, comme il convient, les papes non reconnus par les Grégoriens, c'est-à-dire les antipapes qu'avant sa propre élévation combattit Hildebrand', - on doit admettre que les dix prédécesseurs de Grégoire, mentionnés dans ce passage, sont Benoît IX (1033-1044), Silvestre III, Grégoire VI, Clément II et Damase II, avec les cinq autres pontifes sous lesquels Hildebrand commença d'être mêlé aux affaires générales de l'Église, savoir: Léon IX, Victor II, Étienne X, Nicolas II et Alexandre II. Ainsi interprété, le texte, d'ailleurs

1. Julius Schirmer. De Hildebrando subdiacono ecclesiæ Romanæ. Berolini, 1860.

2. « Illi sedi (apostolica) nostro tempore Deus... Gregorium papam imposuit, qui, sub decem suis antecessoribus, a puero Roma nutritus et eruditus. » Microlog. de eccl. observ., c. xiv, in Max. Bibl. Patrum, Lugduni, 1677, XVIII, p. 475.

3. Benoît X (Jean de Velletri) et Honorius II (Cadaloùs).

4. Dans une lettre datée du 22 janvier 1075 (Ep. II, 49, in Jaffé, Mon. Greg.), Grégoire dit : « Romæ, quam coactus, Deo teste, jam a viginti annis inhabitavi. » Vingt années comptées en deçà du 22 janvier 1075 nous reportent au 22 janvier 1055. Or il est constant que Grégoire habitait Rome avant cette date, puisque, de son aveu, il quitta cette ville en 1047 à la suite de Grégoire VI, déposé par l'empereur Henri III, pour y revenir plus tard avec Léon IX (Ep. VII, 14 a). De là Jaffé conclut que, dans la lettre ci-dessus, Gré

digne de foi, que nous rapportons, autorise à conclure qu'en 1033, première année du pontificat de Benoît IX, Hildebrand n'avait pas encore atteint l'âge d'homme et approchait au plus de celui de l'adolescence.

Il est hors de doute qu'Hildebrand avait été initié de bonne heure à la vie du cloître'. On peut croire qu'il fut moine, durant quelque temps, à l'abbaye de

goire a entendu signifier qu'il avait commencé d'habiter Rome à
l'âge de vingt ans. Combinant cette interprétation avec l'indication
tirée du microloge, Jaffé établit que, de 1033 à 1044, le futur pon-
tife était âgé de vingt ans, ce qui met sa naissance entre 1013 et
1024. Quant aux mots « a puero » employés par l'auteur du micro-
loge, Jaffé les traduit selon les idées canoniques, d'après lesquelles
l'âge de l'enfance « pueritia » était supposé ne cesser qu'à la vingt-
cinquième année (Gratiani, Decr. P. 1. D. 77, c. 7). Ces diverses
interprétations ne nous semblent pas acceptables. Et d'abord nous
regardons comme inadmissible la traduction proposée par Jaffé des
mots « a viginti annis », et nous aimons mieux, avec Giesebrecht
(cité par M. Schirmer), admettre, de la part de Grégoire, une
inexactitude d'expression, qu'explique d'ailleurs l'émotion qui règne
dans la lettre où ces mots sont écrits. Nous repoussons de même
le sens que Jaffé attribue à l'expression « a puero ». Plusieurs fois,
dans sa correspondance, Grégoire use de ce terme « a puero, a
pueritia », à propos de son éducation à Rome; la même expression
reparaît chez ses biographes (Murat., Rer. ital., ш, p. 315); et il
n'est guère supposable que, dans tous ces passages, on ait détourné
ce terme de son sens habituel pour lui appliquer une signification
spéciale. Une fois même, Grégoire se sert du mot «< infantia » (Ep.
III, 10 a), qui, s'entendant ordinairement d'un âge plus tendre, fe-
rait croire que Grégoire était à Rome dès ses premières années.
Au dire d'un chroniqueur, dont l'autorité n'est pas à dédaigner, Gré-
goire serait même né à Rome d'une famille bourgeoise de cette
ville (Hug. Flavin. in Chron. Virdun. Pertz. Mon. germ. SS. VIII,
p. 422). Il paraît toutefois plus vraisemblable que c'est à Saone, en
Toscane, que naquit Grégoire. (Voigt, p. 1; Schirmer, p. 27.)
1. Murat., Rer. ital., III, p. 314, 315.

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Cluny1. Sur la foi d'un chroniqueur', on l'a fait prieur de ce monastère3. Rien n'est plus contestable. L'auteur du Liber ad amicum, Bonizo, évêque de Sutri, contemporain et apologiste de Grégoire, se borne à rapporter qu'après avoir quitté Rome à la suite de Grégoire VI, que venait de déposer Henri III, Hildebrand entra, comme moine, à l'abbaye de Cluny*. Ce qui a vraisemblablement donné lieu à cette version du priorat, c'est que, vers l'époque à laquelle vécut Hildebrand, un personnage du même nom fut prieur (præpositus) à ce monastère. Un chroniqueur a même fait visiblement confusion entre les deux personnages o.

Sorti de Rome en 1047 avec Grégoire VI, Hildebrand y revint, deux ans après, avec Léon IX. Co pape l'emmena avec lui, soit de Cluny, soit plutôt de Worms", où il avait eu sans doute occasion de

1. M. Schirmer nie le fait, sans fonder sa négation sur des preuves suffisantes.

2. Otto Frising., 1. vi, c. 33.

3. Voigt, p. 5.

4. Bonitho (sive Bonizo), lib. ad am. 1. v, apud Jaffé in Mon. greg., p. 631. Hildebrand paraît avoir été attaché à Grégoire VI en qualité de chapelain.

5. « Hic (Hildebrannus), cum esset (Cluniacensis) monasterii præpositus, bis invitatus est ut officium abbatiæ susciperet. » Act. sanct. Maii, II, 686, in vita S. Majoli, abb. Cluniac. Saint Maieul mourut en 994.

6. « Cluniacensis monasterii pater S. Majolus fertur illud B. Johannis baptistæ adaptasse iste puer (Gregorius sive Hildelbrandus parvulus) magnus erit coram Domino. » Paul. Bernried., 1. 1,

C. II.

7. Ce retour à Rome avec Léon IX, mentionné par Grégoire lui

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