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Non seulement on ne peut établir par aucune preuve certaine que Nicolas Ir ait fait usage en quelque manière des pièces falsifiées de la collection pseudoisidorienne, mais on ne peut pas même affirmer qu'il ait eu cette collection entre les mains. Le seul point qu'on soit en droit d'admettre, c'est qu'il en connaissait l'existence. Quant à l'opinion que ce recueil lui aurait été apporté par Rothade, elle ne repose sur aucun fondement solide; et ce n'est que sous le pontificat d'Adrien II (867-872), ou même

tégré dans sa dignité « au nom de Dieu, des apôtres, des papes ses prédécesseurs et du concile de Nicée ». Ce concile, remarque Hinschius, n'ayant promulgué aucun canon qu'on pût alléguer sur ce sujet, tandis que de fausses décrétales de Jules et de Félix II supposent, au contraire, des décisions de cette assemblée qui s'y peuvent rattacher, Nicolas Ier a dû avoir ces décrétales sous les yeux. Mais Hinschius n'a pas pris garde que, quelques lignes plus loin, Nicolas Ier vise un canon du concile de Nicée statuant que « chaque église doit conserver ses privilèges »; que, dans d'autres lettres (Ep. 66), il se prévaut de ce canon pour défendre les privilèges du Saint-Siège, et qu'en invoquant le concile de Nicée dans le passage dont il s'agit, il avait sans aucun doute ce même canon en vue. D'ailleurs comment admettre que ce pape eût allégué frauduleusement le concile de Nicée, quand les prélats auxquels il s'adressait pouvaient eux-mêmes vérifier dans le Codex canonum les actes de ce concile?

1. C'est du moins ce qu'on peut conclure d'une lettre de Loup de Ferrières à Nicolas Ier (Migne, Patr. lat., CXIX, Ep. 130).

2. D'après une découverte faite par le Dr Maassen, en 1872, à la bibliothèque Ambrosienne de Milan, on devrait croire que les Fausses Décrétales étaient introduites à Rome dès 869. Il s'agit d'un manuscrit contenant le texte d'un discours prononcé à cette date dans un concile à Rome, et dont Muratori n'avait publié que la première partie. Or, dans la seconde partie qu'a mise au jour M. Maassen, se trouvent plus de trente-deux passages extraits des Fausses Décrétales et tous relatifs aux prérogatives du Saint-Siège.

sous celui de Jean VIII (872-882), que l'on constate d'une façon positive l'introduction des Fausses Décrétales à Rome.

Au reste, nous ne croyons pas que l'œuvre du Pseudo-Isidore ait exercé sur la constitution de l'Église l'influence décisive qu'on lui attribue com

Mais cette seconde partie nous paraît offrir tous les caractères d'une addition faite après coup. Elle n'a aucun lien avec la première; la transition de l'une à l'autre est des plus maladroites. D'ailleurs cette première partie présente un ensemble complet et parfaitement défini, et il y a en outre ceci de remarquable que, dans celle-ci, l'orateur s'appuie sur des textes qui sont tous authentiques, tandis que, dans l'autre, il ne cite que des textes apocryphes. Ajoutons que ce manuscrit date, selon M. Maassen, du xe siècle, et, selon M. Bethmann, du xie, d'où l'on pourrait conclure que l'addition a été faite à l'une ou l'autre époque. (Voir dans la Revue des questions historiques, avril 1880, un travail très bien fait du P. Lapôtre, qui démontre, contre M. Maassen, que ce discours n'a pas été prononcé par Adrien II, mais qui, par une réserve regrettable, a laissé de côté la partie relative aux Fausses Décrétales et n'a point porté sa discussion sur l'âge et l'authenticité du manuscrit.) Un document plus important à nos yeux est une lettre d'Adrien II, adressée, en 871, aux prélats du synode de Douzi, et qui renferme une citation de saint Antère tirée manifestement du Pseudo-Isidore. Toutefois, si l'on n'a pas ici de raisons suffisantes pour affirmer qu'il y ait eu interpolation, est-on en droit de concevoir certains doutes. Et d'abord on ne trouve, dans la correspondance d'Adrien II, aucune autre lettre faisant allusion au PseudoIsidore. Le successeur d'Adrien, Jean VIII, dont il nous reste plus de trois cent cinquante lettres, se tait de même absolument sur les Fausses Décrétales. Il y a donc là une singularité difficile à expliquer. A un autre point de vue, l'insertion du passage dont il s'agit ne s'explique pas davantage. On sait qu'Adrien II n'invoque l'autorité d'Antère que pour justifier la translation de l'évêque Actard du siège de Nantes à celui de Tours. Or cette translation était demandée au pape par Charles le Chauve, par les prélats du synode de Douzi, par le clergé et le peuple de Tours. Adrien II n'avait conséquemment aucun besoin de la justifier. D'un autre côté, en

munément'. En ce qui regarde le droit d'appel à Rome, lequel est formulé à tout moment dans les Fausses Décrétales, Nicolas Ier n'avait pas besoin, pour en soutenir le principe, de recourir à ces pièces apocryphes, ni même aux lettres authentiques de ses prédécesseurs 2, ce droit étant expressément reconnu par le concile de Sardique. D'ailleurs, à l'époque de Nicolas Ir, ce droit résultait, en quelque sorte, de la force des choses. On voit, en effet, ecclésiastiques de tout ordre, séculiers de toute condition, de tout pays, se disant victimes de l'injustice ou de la violence, s'adresser au pape comme au juge suprême de la chrétienté ; et, si le droit d'appel

même temps qu'il écrit aux prélats du synode de Douzi, il adresse, sur ce sujet, une lettre à Charles le Chauve. Or ces deux lettres sont identiques en plusieurs points, et la citation d'Antère, qui se trouve dans l'une, ne se trouve pas dans l'autre. Enfin c'est d'après un manuscrit de l'abbaye de Saint-Rémi de Reims que nous possédons la lettre aux prélats du synode de Douzi dans les termes où elle nous a été transmise (Labb. Concil., VIII, 932); mais Baronius, qui a vu la même lettre à Rome, n'en a trouvé qu'un texte mutilé, et, par une particularité digne de remarque, la mutilation a été opérée à l'endroit où commence, dans le manuscrit de Reims, le fragment emprunté à Antère (Baron., Ann. eccl., XV, 249, 250). Que si l'on écarte, au point de vue qui nous occupe, et la lettre d'Adrien de 871 et la seconde partie du discours de 869, ce serait dans une Vie de saint Gregoire, dédiée au pape Jean VIII par le diacre Jean, que se rencontrerait la première preuve positive de l'introduction des Fausses Décrétales à Rome.

1. Cette opinion, soutenue par plus d'un érudit, est aussi celle de l'eminent professeur à l'École des Chartes, M. Ad. Tardif.

2. C'est ainsi que ce mot de Nicolas Ier sur l'appel, que nous avons rapporté ci-dessus (p. 35), est tiré textuellement d'une lettre de Gélase.

3. Nicol. I, Ep. 23; cf. Ep. 75.

n'eût pas été déjà établi par les canons, il fût sorti de l'opinion. Les doctrines professées par Nicolas Ier à l'endroit des conciles et qu'on rencontre également dans les Fausses Décrétales peuvent donner lieu à des considérations de même sorte. Ces doctrines avaient été formulées longtemps avant lui. Il ne les trouvait pas seulement dans les lettres de ses devanciers'. Au vi° siècle, l'auteur de l'Histoire tripartite écrivait que « c'était une règle de l'Église qu'aucun concile ne pût se réunir sans l'assentiment du pape. » Plus anciennement, les historiens grecs Socrate et Sozomène avaient émis une maxime analogue. Enfin la lettre des Pères du concile de Chalcédoine à Léon le Grand était la reconnaissance formelle du droit qu'avait le pape de confirmer leurs statuts. Ajoutons que si, au x° siècle, ce droit était contesté à Constantinople, il ne l'était pas en Occident; en plusieurs circonstances, les évêques de France et Hincmar lui-même demandèrent expres

1. Pélage Ier dit dans une lettre : « Nullam synodum generalem ratam esse, quæ sedis apostolicæ non fuerit auctoritate congregata vel fulta. Hæc autoritas testatur canonica, hæc historia ecclesiastica roborat, hæc sancti patres confirmant. » Jaffé, Regesta, no 634. Cette lettre est attribuée par Baluze (Misc. III, 3) à Pélage II. Cf. des lettres de Léon le Grand et de Gélase dans Jaffé, ibid., nos 268, 313, 382.

2. «Non oportere præter sententiam Romani pontificis concilia celebrari. » Hist. trip., IV, c. ix.

3. Socr., 1. II, c. v; Sozom.,' l. II, c. Ix.

4. Voy. cette lettre dans les oeuvres de Léon le Grand, Migne, Patr. lat., Ep. 98; cf. ibid., Ep. 100, la lettre de l'empereur Marcien au même pontife.

sément à Nicolas Ier de ratifier de son autorité les décisions prises par eux dans des synodes'.

Pour tous les autres principes exposés par Nicolas I, on pourrait de même alléguer des précédents. En somme, il faut bien le reconnaître, ce pontife ne faisait que s'appuyer sur des doctrines établies ou exprimées avant lui, sinon généralement acceptées. A la vérité, il n'empruntait au passé que les doctrines favorables à la puissance du SaintSiège, forçant même, en certains cas, l'interprétation des textes qu'il invoquait'. Mais, dans cette interprétation, comme dans le choix de ses arguments, il subissait lui-même l'effet d'une tendance universelle. Un mouvement d'opinion, qui remontait déjà à une date éloignée, poussait de tous côtés l'Église à la monarchie. Dès le milieu du ve siècle, l'historien Socrate constatait que le siège de Rome avait passé du sacerdoce à une sorte de royauté 3. Et il ne faudrait pas croire que ce fût là uniquement un résultat de l'ambition ou de la témérité de cer

1. Nicol. I, Ep. 32, 35.

2. C'est ainsi que, dans une lettre (Ep. 68) à l'évêque de Metz, il disait «Le concile d'Antioche ayant déclaré que le métropolitain gouverne toute la province, le Saint-Siège doit donc gouverner l'Église tout entière. » Il écrivait de même à l'empereur Michel que si, aux termes du concile de Chalcédoine, on pouvait appeler du métropolitain au primat du diocèse, à plus forte raison pouvait-on appeler au pape, primat de tous les diocèses. Ep. 86.

3. Socr. 1. VII, c. xi. Il ajoutait qu'il en était de même du patriarcat d'Alexandrie, et il y a lieu de penser qu'un fait semblable s'était produit dans les autres patriarcats.

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