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LES REGISTRES DES PAPES

ET

LE REGESTA PONTIFICUM DE JAFFÉ

I

Une coutume de la chancellerie pontificale au moyen âge, coutume encore observée de notre temps, était de transcrire sur des registres les actes expédiés au nom de la cour de Rome. Ces registres étaient conservés dans les archives du Saint-Siège. Nous avons indiqué, dans nos Études précédentes ', le but de cette transcription. Indépendamment des copies qu'on délivrait, au besoin, sur la demande des personnes intéressées, on recourait aux pièces ainsi transcrites pour constater certains faits, pour continuer une correspondance, pour contrôler les lettres pontificales dont on suspectait l'authenticité. Depuis 1198, date de l'avènement d'Innocent III, jusqu'à nos jours, la série des registres ne pré

1. Voir, dans ce volume, nos études sur Nicolas Ier et sur Innocent III.

sente, pour ainsi dire, pas de lacunes. D'Innocent III à Pie V, ils forment un ensemble de 2,016 volumes. Si la valeur historique de ces registres n'a pas besoin d'être démontrée, encore moins est-il nécessaire de signaler celle des registres plus anciens, appartenant à une époque où les documents sont moins nombreux et où l'histoire de l'Église représente en quelque sorte celle du monde. Malheureusement il ne nous est demeuré des siècles qui ont précédé Innocent III que le registre des actes de Grégoire Ier (590-604), un fragment de celui de Jean VIII (872-882) et le registre ou plutôt une transcription incomplète du registre de Grégoire VII (10731085).

Il n'est pas douteux que ces trois registres ou fragments de registres antérieurs à 1198 ne soient les restes d'un ensemble aujourd'hui perdu. Nous savons, par la correspondance de Nicolas Ier, que ce pontife gardait lui-même sur un registre le double des actes expédiés en son nom, et que, de son aveu, il ne faisait que suivre, à cet égard, une coutume déjà ancienne de l'Église romaine. D'un autre côté, dans la collection de canons du cardinal Dieudonné, contemporain de Victor III (1086-1087), on trouve mentionnés, outre les registres de Grégoire Ier, de Jean VIII et de Grégoire VII, dont nous venons de parler, ceux des papes Honorius Ier, Grégoire III, Zacharie, Étienne VI et Alexandre II, qui ont occupé le Saint-Siège aux vir, VIII, IXe et x1° siècles. Enfin Honorius III et Grégoire IX, qui ont gouverné l'Église de 1216 à 1241, se réfèrent, dans plusieurs de leurs lettres, aux registres de Pascal II, Gélase II, Luce II, Eugène III, Anastase IV, Adrien IV et

Alexandre III, tous papes du XIIe siècle '. Ces indications, et d'autres analogues, que nous pourrions ajouter, prouvent que, de Grégoire Ier à Innocent III, ou, en d'autres termes, de la fin du vi° siècle à la fin du xi1o, l'usage des registres existait à la chancellerie romaine. Cet usage était-il déjà en vigueur dans les temps qui précédèrent Grégoire Ier? C'est ce qu'on ne saurait démontrer d'une manière péremptoire, les documents àntérieurs à ce pontife ne contenant aucune mention précise de ces sortes de registres. Il est du moins certain que de bonne heure, et en vue des affaires toujours plus considérables qu'ils avaient à diriger, les papes avaient senti la nécessité de garder par-devers eux, sous une forme ou une autre, la transcription de leurs actes. En 419, le pape Boniface Ier, rappelant des lettres de l'un de ses prédécesseurs, Innocent Ier (402-417),

1. Pertz, Archiv, V, p. 29-32 et 87-89. Hannover, 1821, in-8°. Jaffé, Regesta, Præfatio, p. IV. Dans les lettres d'Honorius III et de Grégoire IX, il est également fait mention des registres d'Urbain II, qui fut pape de 1088 à 1099.

2. Dans sa chronique du Mont-Cassin, Pierre Diacre, qui vivait au xe siècle, dit qu'il a eu entre les mains les registres de Grégoire VII et de ses successeurs : « Ea quæ conscribenda sunt ex registris Romanorum pontificum Gregorii septimi et successorum ejus... decerpsimus. » (Monumenta Germaniæ, SS. VII, p. 755.) Ajoutons qu'Innocent III, à divers endroits de sa correspondance, mentionne les registres d'Eugène III, d'Alexandre III et de Luce III (Ep. I, 99, 448, 540, 549; X, 212; XII, 42). Rappelons aussi qu'en tête du Liber censuum, livre rédigé en 1192 sous Célestin III, Cencius dit avoir puisé les éléments de son travail dans divers documents, dont il donne la désignation, et, en particulier, dans les registres des papes tant anciens que modernes (in voluminibus regestorum antiquorum pontificum Romanæ ecclesiæ et modernorum). Murat., Antiq. ital., V, 852.

ajoutait ces mots significatifs : « Ut scrinii nostri monimenta declarant. » Vers 402, saint Jérôme, écrivant à Rufin qui l'accusait d'avoir fabriqué une lettre du pape Anastase Ier (398-400), disait : « Si vous me soupçonnez d'être l'auteur de cette lettre, que ne la cherchez-vous dans les archives (chartario) de l'Église romaine??»

A quelle époque et par suite de quelles circonstances une collection si précieuse a-t-elle ainsi disparu? Sur cette question très obscure, on est réduit à des conjectures. Il y a lieu de penser que la perte de cette collection n'est pas due à un évènement unique, et que des accidents divers et successifs en ont été la cause. Les déclarations du cardinal Dieudonné prouvent qu'une partie notable des registres antérieurs au pontificat de Grégoire VII subsistait encore à la fin du xr siècle3; mais, par cela même qu'il ne mentionne qu'un certain nombre de ces registres, alors que d'autres eussent pu lui fournir, pour son recueil de canons, des matériaux importants, on doit croire que quelques-uns étaient déjà détruits. Il serait d'ailleurs surprenant que, dans les désordres dont Rome fut le théâtre depuis le com

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1. Jaffé, Regesta, p. 30, epist. CXLII.

2. Hieron. adv. Ruf., lib. III. — Voir aussi les Origines de l'Église romaine, par les Bénédictins de Solesmes, 1836, in-4o, p. 311 et suiv.

3. I ressort d'un recueil manuscrit récemment découvert au British museum, et dont il sera parlé ci-après, que les registres de Léon IV, d'Etienne VI et d'Alexandre II existaient encore au commencement du XIe siècle (Neues Archiv, Hannover, 1880, t. V, p. 327, 340, 343, 376, 400).

4. On peut ainsi supposer que le registre de Nicolas Ier n'existait plus à l'époque du cardinal Dieudonné, lequel ne cite en effet, dans son recueil, qu'une lettre de ce pape.

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