Obrazy na stronie
PDF
ePub

Boniface, les Colonne n'eussent pas manqué de révéler des faits qui, avec le renom de sainteté dont était entourée alors la mémoire de Célestin, auraient rendu odieux leur auteur; il est à remarquer, au contraire, que, sur un point si grave, ils gardèrent le silence. On peut dire que Boniface se montra sévère pour son prédécesseur; mais il ne fut pas cruel'.

1. « (Celestinus) tentus in custodia, non quidem libera, honesta tamen, in castro Fumonis. » Ptolom. Luc. in Acta sanct. maii IV, p. 421.

[ocr errors]

Nous arrivons au célèbre différend dans lequel Boniface VIII devait succomber et la théocratie avec lui. On ne saurait trop regretter, pour l'histoire de ce pontificat, que les registres de Boniface conservés au Vatican n'aient pas été mis au jour, ou qu'à défaut de ces registres, ceux des actes de ce pape qui se trouvent épars dans les collections imprimées n'aient pas fait l'objet d'une publication particulière'. Du moins possédons-nous, pour les évènements dont nous allons tracer l'exposé, le recueil important de Dupuy, dans lequel ont été réunies les pièces principales du débat, tant celles qui proviennent de la cour de Rome que celles qui émanent de Philippe le Bel. Il est vrai que ce recueil a été composé dans des conditions qui ne satisfont que médiocre

1. Potthast, dans son Reyesta pontificum, ouvrage composé uniquement, comme on sait, d'après les documents imprimés, ne mentionne que 1263 lettres de Boniface VIII. Il est inutile de faire remarquer que ce chiffre est loin de représenter le nombre total des lettres de ce pape.

ment aux exigences de la critique. Les textes en sont parfois défectueux, les dates mal établies; en outre, certains actes apocryphes ou sur lesquels peuvent s'élever des doutes y sont donnés comme authentiques, tandis que d'autres d'un caractère privé se trouvent confondus avec les pièces qui ont figuré dans le procès. Malgré ses défauts, l'œuvre de Dupuy n'en est pas moins pour l'historien d'un secours considérable, et il ne nous semble pas qu'on ait jusqu'ici tiré de ces documents toutes les ressources qu'ils comportent. Quant aux écrits parus de nos jours sur ce sujet, on pourra consulter, avec le livre du P. Tosti, un savant ouvrage de M. Boutaric, intitulé la France sous Philippe le Bel1, ainsi qu'un travail plus ancien de M. Kervyn de Lettenhove, auquel nous avons déjà eu recours dans les pages précédentes, et qui a pour titre Recherches sur la part de l'Ordre de Citeaux au procès de Boniface VIII. On doit toutefois prendre garde que M. Boutaric n'a consacré à la question dont il s'agit qu'un chapitre de son ouvrage, laissant ainsi dans l'ombre plus d'un point important. De son côté, M. Kervyn de Lettenhove n'a guère publié qu'une série de documents, se rattachant à certains côtés du débat".

1. La France sous Philippe le Bel, in-8°, Paris, Plon, 1861. 2. Ce livre se compose en effet presque uniquement de dépêches transmises de Rome au comte de Flandre par des ambassadeurs que ce prince avait envoyés près du Saint-Siège à l'occasion des difficultés survenues entre lui et le roi de France.

Le P. Tosti lui-même, malgré l'étendue de son travail, ne donne à cet égard que de faibles éclaircissements. En somme, il n'est aucun ouvrage récent où la matière ait été complètement traitée, et il convient, à l'aide des textes, de la reprendre à nou

veau.

On sait que les premières difficultés qui s'élevèrent entre Philippe le Bel et Boniface naquirent de la bulle Clericis laicos, par laquelle, en 1296, le pape défendit, sous peine d'excommunication, à tous laïques, princes, rois ou empereurs, d'exiger ou de recevoir des subsides du clergé, comme à tout ecclésiastique de payer ces subsides, sans l'autorisation du siège apostolique'. Cette bulle ne fut point, comme on l'a dit, un acte d'hostilité dirigé particulièrement contre Philippe le Bel; car on la publia en même temps en France, en Angleterre et en Allemagne'. Il est vrai qu'une partie du clergé de France avait adressé des plaintes au Saint-Siège sur les exactions de ce prince; mais le pape avait reçu d'Angleterre des plaintes analogues contre Édouard Ier. Philippe le Bel, qui était alors en guerre avec l'Angleterre et méditait la conquête de la Flandre, vit dans cette bulle un péril pour ses intérêts, et s'op

1. Le P. Tosti et M. Kervyn se trompent en datant cette bulle du 18 août 1296. Elle n'a pas, il est vrai, de date de mois. Mais, d'une autre bulle datée du 18 août 1296 (Rayn., IV, p. 209), et où il est parlé de la bulle Clericis laicos comme « nuper edita que celle-ci est antérieure au 18 août.

2. Rayn., IV, p. 207-209

[ocr errors]

il résulte

[ocr errors]

posa aussitôt par un édit à l'exportation de l'or et de l'argent hors du royaume 1. Atteint à son tour par une mesure qui privait Rome de revenus considérables, le pape répliqua par la bulle Ineffabilis, où, tout en rectifiant sur quelques points sa première constitution, qu'il disait avoir été interprétée avec malignité, -il la confirmait dans ses dispositions générales, qualifiait d'insensée la conduite d'un prince qui risquait par sa témérité de s'aliéner la protection du Saint-Siège, et déclarait, quant à lui, qu'il affronterait la persécution, l'exil et la mort, pour défendre les libertés de l'Église3.

La vivacité de langage qui régnait dans cette bulle n'était pas moindre dans la réponse attribuée à Philippe le Bel, et qui commençait par ces mots : Antequam clerici essent, rex Franciæ habebat custodiam regni sui et poterat statuta facere. La suite était digne de cet exorde. Le roi y disait que tout sujet, clerc ou laïque, noble ou non noble, qui refusait d'assister l'État dans ses besoins en était un membre

1. Philippe rendit plusieurs édits de ce genre. L'édit daté du 17 août 1296, que donne Dupuy, Hist. du diff., p. 13, ne semble pas répondre par son dispositif à celui dont se plaint Boniface dans sa bulle Ineffabilis (« quod si forsan assumpseris causam edendæ ejusdem constitutionis prætextu nostræ constitutionis quam nuper edidimus »). Baillet (Hist. des Démêlés) se borne à dire que Dupuy a confondu deux édits en un seul, et ne donne le texte ni de l'un ni de l'autre. Cf. Fleury, Hist. eccéls., XVIII, p. 535.

2. 21 septembre 1296.

3. Dupuy, p. 15-19.

4. Dupuy, p. 21-23.

« PoprzedniaDalej »