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HISTOIRE

ROMAINE

JUSQU'A L'INVASION DES BARBARES

PAR

VICTOR DURUY

Ouvrage autorisé par le Conseil de l'Instruction publique

12
DOUZIÈME ÉDITION

PARIS

LIBRAIRIE HACHETTE ET Cie

79, BOULEVARD SAINT-GERMAIN, 79

1873

KD45665

HARVARD UNIVERSITY LIBRARY

50*53

PRÉFACE.

Il y a trois âges dans le monde ancien, trois périodes dans son histoire la période orientale ou le temps des monarchies sacerdotales, le développement solitaire des nations, l'immobilité des castes; la période grecque, ou la liberté, le mouvement et la diffusion des idées; la période romaine ou l'unité politique, l'organisation administrative, l'égalité des droits. Chacune a sa grandeur, parce que chacune a son rôle dans l'ensemble du développement historique de l'humanité. Mais au premier aspect, elles sont loin de présenter toutes trois le même intérêt.

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Lorsque de la Grèce, si pleine de vie, de lumière et de beauté, vous passez dans le monde romain, froid, silencieux et sévère, l'horizon d'abord se rétrécit, le ciel paraît plus sombre, l'imagination s'éteint et la pensée s'arrête. C'est que la Grèce garda longtemps les élans, la passion et les enthousiasmes de la jeunesse, tandis que Rome eut, dès ses premières années, la maturité sérieuse, mais forte, de l'âge de la réflexion et du dévouement calculé. Au lieu de l'art, vous trouvez aux bords du Tibre la politique, au lieu de la pensée, l'action, au lieu d'individualités brillantes. une discipline austère; mais aussi à l'anarchie, à la fat blesse sociale succèdent l'ordre et la grandeur publique. Pendant bien longtemps, la gloire à Rome n'a pas de nom; elie peut y dire: Je m'appelle Légion.

Si donc l'artiste et le philosophe s'éloignent, le jurisconsulte, l'homme d'Etat et l'historien demeurent à regarder croître cette grande chose qui commence au pied du mont Palatin, dans un berceau d'enfant, et qui devient un univers, orbis romanus.

Et cette fortune arriva sans secousse, sans coups soudains et imprévus. Grâce au plus habile mélange de prudence et d'audace, d'ambition active et de constance infatigable, tout se développe avec la régularité d'une déduction logique ou l'enchaînement nécessaire des lois naturelles; on dirait la croissance lente, mais puissante, de l'arbre qui couvrira la terre de son ombre.

J'ai raconté longuement ailleurs cette magnifique histoire, et j'en donne dans ce volume un récit abrégé 1. Ici je voudrais montrer l'esprit de ce livre et résumer ce qui s'y trouve épars, je veux dire les causes principales de la grandeur de Rome, celles de sa chute, et marquer les résultats; car j'aime l'histoire qui conclut et celle qui fournit des leçons.

Causes principales de la grandeur romaine.

Sans trop accorder aux influences matérielles, on peut affirmer que la situation géographique de Rome aida beaucoup à sa fortune; car il y a des positions fatales, et une vertu, une puissance, au reste, nullement mystérieuses, sont attachées à de certains Heux Londres, Lisbonne, Marseille, Gênes, Venise, Alexandrie sont forcément ou redeviendront des villes riches et prospères. « Constantino

1, Voy. pour les développements mon Histoire des Romains dont e IVe volume paraîtra incessamment. Pour les détails géographiques je demanderai aussi la permission de renvoyer à la Géographie romaine que j'ai déjà publiée.

ple vaut un empire, » disait Bonaparte. Carthage deux fois détruite se relèvera sans doute encore; et, sans être prophète, on peut prédire que les environs de l'isthme de Panama attendent aussi quelque grande cité.

C'est entre les vastes plaines du Latium et de l'Étrurie, au-dessous des montagnes de la Sabine, que s'éleva la ville éternelle, à cinq lieues de la mer, aux bords du Tibre, le plus grand des fleuves de l'Italie péninsulaire, et sur sept collines de facile défense1. Au nord et au sud, de riches contrées invitaient au pillage; à l'est, d'intrépides montagnards devaient recruter l'armée ou la rendre invincible en l'exerçant par des attaques peu dangereuses, mais continuelles. Placée sur la limite de trois civilisations et de trois langues, entre les Rhasénas de l'Etrurie, les Ausones du Latium, les Sabelliens de la Sabine et du pays des Éques, Rome se trouva, autant par sa situation que par la volonté de son fondateur, le grand asile des populations italiennes. Elle fut la ville de la guerre, car tout autour d'elle étaient des étrangers, des ennemis; la cité riche en hommes, et aux mœurs sévères, à la vie frugale et laborieuse, car son aride territoire ne donnait rien que par un rude travail, qui, pendant 600 ans, éloigna la mollesse. Assez près de la mer pour la connaitre et ne la point redouter, assez loin pour -n'avoir rien à craindre des pirates grecs, volsques ou étrusques, elle n'était ni Sparte, ni Athènes, ni exclusivement maritime, ni exclusivement continentale. Voisins à la fois des montagnes, des plaines et de la côte, les Romains ne devaient ressembler ni aux pâtres, ni aux laboureurs, ni aux marins, mais avoir en eux ces trois carac

4. Voy. Tite Live V, 45, où Camille énumère les avantages de la position de Rome.

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