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glants terminés, on courait au théâtre voir les danseurs et les mimes. Des spectacles impurs après des spectacles de mort; et, pour les plus austères, des écoles de rhéteurs qui retentissaient de vaines et creuses déclamations; voilà les enseignements que recevait le peuple romain. Quelques exemples de courage, de fidélité, d'héroïsme, donnés par les enfants, les femmes et les esclaves des proscrits, comme Épicharis et Arria, quelques belles morts stoïques, comme celle de Thraséas, montraient heureusement qu'il n'y avait pas prescription pour la dignité humaine'.

Caractère de la littérature sous l'empire.

L'établissement d'un gouvernement monarchique, la formation d'une cour, devaient avoir une influence fâcheuse sur la littérature. Celle-ci se sépara du peuple pour vivre au palais du prince et dans les maisons des grands, loin des inspirations fortes et originales qu'elle eût trouvées dans la foule; mais y avait-il un peuple romain?

Avec un gouvernement hypocrite, une religion honteuse d'elle-même, un peuple avili et une société sans une idée généreuse, que pouvait devenir la littérature? Ce qu'elle fut: ingénieuse, recherchée, surtout déclamatoire. L'idée et la passion manquaient; tout fut donné à la forme. Que feront Sénèque, Lucain, Tacite, Pline le Jeune dans son Panegyri que? tous ils déclameront, un seul avec génie.

Carnéade avait introduit à Rome, un siècle et demi avant notre ère, l'étude de la rhétorique. Ses successeurs, chefs de la nouvelle Académie, ne gardèrent de la doctrine de Platon que tout juste assez pour se gagner un peu de res

1. Épicharis, courtisane romaine, entra dans une conspiration contre Néron. Soumise à la question, elle ne révéla rien; menacée une seconde fois de la torture, elle craignit de faiblir, et s'étrangla avec sa ceinture. Arria était l'épouse du sénateur Pœtus. On le conduisait à Rome, accusé de complot contre Claude. Sa femme vint avec lui, et, avant d'arriver à la ville, se frappa le sein d'un poignard, puis, tendant l'arme à son époux : « Tiens, Pœtus, cela ne fait pas de mal. » Sa fille, mariée à Thraséas, voulait aussi mour avec lui; elle n'y renonça que quand il lui eut ordonné de vivre pour leurs

enfants.

pect et garder quelque gravité. Leurs tendances réelles furent toutes pratiques, leur école devint une école d'hommes d'État, où la principale occupation fut l'art de bien dire et celui de bien disputer, afin de saisir cette arme redoutable de la parole qui, dans une république orageuse, gagnait les charges, la fortune et la gloire, ou sauvait la vie. Tant qu'il y eut une tribune, on entendit des orateurs: mais lorsque Auguste eut pacifié jusqu'à l'éloquence, la rhétorique, c'est-à-dire l'effet étudié, remplaça la passion, et ce qui n'était qu'un travail préparatoire resta l'exercice de la vie entière. De là le ton forcé auquel se monte la littérature de l'empire. Sous Auguste, avec Tite Live, elle est encore oratoire; sous Claude, avec Sénèque, l'habile arrangeur de mots, elle ne fait plus que de la rhétorique; sous Néron, elle déclame dans la Pharsale, et volontiers elle ferait comme l'empereur qui, en face de Rome en flammes, saisit sa lyre et chante la ruine de Troie.

A se tenir si loin de la vie réelle, la littérature romaine ne pouvait vivre longtemps: à peine passe-t-elle l'âge des Antonins. C'est dans la langue que la décadence apparaît d'abord. Les Grecs disaient: « La langue des hommes est comme leur vie. » Le bel idiome de Cicéron et de Virgile, en effet, se déforma sous les mêmes influences qui abaissaient le génie romain. Le grec était devenu la langue du beau monde et de la cour. Adrien s'était si savamment hellénisé qu'il prononçait ridiculement le latin, et c'était en grec que Plutarque enseignait à Rome, en grec que Marc Aurèle écrivait ses pensées. Ces étrangers, accourus dans la capitale de tous les coins de l'empire, y apportèrent des expressions, des phrases, des tournures nouvelles. Dès le temps d'Auguste, Asinius Pollion, Mécène avaient pris sous leur patro nage ces importations étrangères qui défiguraient le viei idiome du Latium. Cet idiome même, s'étendant à toutes les provinces occidentales, dut faire de larges concessions aux habitudes nationales. L'ancienne simplicité, le naturel se perdirent. Le style de la poésie devint celui de la prose; on rechercha les expressions inusitées, singulières, et il en résulta une langue pompeuse qui fit une étrange disparate

avec la vulgarité des idées et des sentiments qu'elle avait à rendre, quand ce n'était point Tacite qui la parlait.

Cette décadence se fait sentir après ce qu'on appelle le siè cle d'Auguste, quoique le goût des lettres fût toujours resté dans la maison des Césars. Auguste lui-même, Germanicus, Tibère, Caligula, Claude, Néron, écrivirent en vers ou en prose; mais la tyrannie dégradait les muses, en voulant leur arracher des flatteries vénales, ou les effrayait lorsque, pour leurs écrits, elle précipitait de la roche Tarpéienne Saturninus, étranglait en prison Paconianus, tuait Scaurus, Crémutius Cordus et une multitude d'autres. Ce n'est pas que le goût des lettres fût tombé; on aimait, on recherchait les livres on formait des bibliothèques qui sauvaient au moins les anciens trésors des littératures grecque et romaine, et comme ce goût gagnait la province, il fut utile à la propagation des livres dans tout l'empire. Il y avait des libraires à Lyon, à Autun, et nous savons que les Epigrammes de Martial couraient la Gaule et la Bretagne. Il y avait même des sociétés littéraires. Auguste avait fondé une académie dans le palais impérial; Caligula créa celle de Lyon. A l'exemple de Vespasien, qui assigna à certains professeurs un traitement de 100 000 sesterces', avec exemption de quelques-unes des charges publiques, Trajan, Adrien, les Antonins, établiront des cours publics dans plusieurs villes, en accordant un traitement de 9000 drachmes à ceux qui les feront. Toutes les grandes cités avaient de plus des écoles qui devenaient autant de foyers d'où la lumière se répandait de proche en proche sur les provinces les plus éloignées. Et cependant la décadence se montre partout.

Lucain, Sénèque, Tacite, les deux Pline.

L'Espagnol Lucain, neveu de Sénèque, et condamné à mort par Néron, à l'âge de 29 ans, se plaça encore à quelque distance de Virgile, dans sa Pharsale, sinon par l'élégance

4. Les musiciens, les acteurs avaient déjà deux fois, quatre fois autant, ma en cela nous faisons beaucoup mieux les choses que les anciens.

de la versification et le charme des épisodes, du moins par l'intérêt de son poëme, bien autrement national que l'Énéide, et par l'énergie de son style, malheureusement obscur souvent et affecté. Mais les Argonautiques de Val. Flaccus (mort en 88) sont bien pâles à coté de la Pharsale. Le poëme de Silius Italicus sur la seconde guerre punique n'est que de l'histoire versifiée; ce poëte fut consul sous Néron, en 67. La Thẻbaïde de Stace bien postérieure, car Stace était né en 61, est ampoulée et obscure. Le temps était favorable à la satire. Perse (mort en 62) s'en tint à la satire générale. Juvénal (mort sous Adrien) flagella sans pitié les mœurs dépravées de son temps. Pétrone (mort en 66) peignit dans son Satyricon des débauches sans nom. Le genre satirique déclina lui-même. Martial n'écrivit que des épigrammes, mais il en composa 1500. La fable ne compte qu'un nom, Phèdre, contemporain de Tibère, et la tragédie un nom aussi, Sénèque le Tragique.

Dans la littérature en prose la chute est moins rapide. Velléius Paterculus, sous Tibère, écrivit encore l'histoire (Histoire romaine) avec une grande élégance. Valère Maxime, son contemporain, est déjà plus déclamatoire (des Faits mémorables). Sénèque, le précepteur de Néron, l'oncle de Lucain, ajoute un grand nom à la littérature romaine. II rappelle, dans ses traités philosophiques, la facilité de Cicéron, mais non la pureté de son style; des subtilités et des déclamations refroidissent à chaque instant le lecteur, qui s'abandonne cependant en quelques endroits aux charmes d'une morale presque chrétienne. Les dix tragédies qu'on lui attribue ne sont certainement pas toutes de lui. Leur défaut de plan, le manque d'action, des déclamations pompeuses et vides montrent la faiblesse de la muse tragique chez les Romains. Quintilien, Espagnol comme Sénèque, tâcha d'arrêter, dans son Institution oratoire, la décadence du goût par de sages préceptes et en donnant lui-même un modèle.

Pline l'Ancien (Histoire naturelle) est célèbre plutôt par son savoir universel que par les grâces de son style, et meurt en 79 par dévouement à ia science, en s'approchant de trop près du Vésuve, au moment de la fameuse éruption qui engloutit Herculanum et Pompéi.

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Son neveu, Pline le Jeune, écrit, dans un style de décadence bien que fort élégant encore, le Panégyrique de Trajan et une multitude de Lettres qu'on reconnaît trop avoir été faites pour la postérité bien plus que pour ses correspondants, ce qui les rend froides et peu intéressantes. Il eut pour ami un des plus grands écrivains de la langue latine, C. Cornélius Tacitus, le gendre d'Agricola, le peintre immortel des Césars dans ses Annales et ses Histoires, le peintre véridique des barbares dans sa Germanie. Tous deux florissaient sous Trajan.

Cette liste peut s'augmenter encore de quelques noms moins célèbres: l'agronome Columelle et le géographe Méla, sous Claude; Quinte-Curce, historien d'Alexandre, qui mêle trop de fables à ses récits; on le croit contemporain de Vespasien; Suétone qui, sous Adrien, écrivit une biographie des douze Césars; Florus, contemporain de Tacite et de Pline, qui laissa un abrégé emphatique de l'histoire romaine; Frontin qui, sous Domitien, fit un traité des aqueducs et quatre livres sur la tactique militaire.

Après Adrien, le mouvement s'arrête. Déjà la poésie épique est morte; les divers genres lyriques s'éteignent successivement, l'histoire n'est presque plus que de la biographie, et la poésie, comme la prose, n'offre que des noms obscurs. Pour rencontrer un poëte de quelque valeur il faut aller jusqu'à Némésianus, qui vivait sous Numérien. Calpurnius, son contemporain, a laissé des églogues estimables. Pour la prose, nous trouvons le rhéteur Fronton (sous Antonin) qu'on osa comparer à Cicéron, Justin, l'abréviateur de Trogue Pompée (sous Marc Aurèle), les six compilateurs de l'Histoire Auguste, Spartien', Vopiscus, Lampride, etc., les panégyristes, Claudius Mamertinus (sous Dioclétien), et Euménius (sous Constantin).

Si l'histoire est négligée, le roman se montre avec éclat sous la plume d'Apulée, et la jurisprudence s'élève à une grande hauteur avec Papinien, Paulus, Gaïus et Ulpien. Ces grands légistes préparèrent, par leurs travaux, la gloire de la jurisprudence romaine qui fondait le droit sur ces trois préceptes : vivre honnêtement, ne pas léser autrui, et rendre

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