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il n'en put trouver le temps. Les conjurés eurent d'autres sujets d'inquiétude. Un sénateur, Pompilius Lénas, ayant salué Brutus et Cassius d'un air plus empressé qu'il ne faisait ordinairement, leur dit à l'oreille: « Je prie les dieux qu'ils donnent une favorable issue au dessein que vous méditez; mais je vous conseille de ne pas perdre un moment, car l'affaire n'est plus secrète;» et peu après ils le virent avoir avec César un long entretien auquel le dictateur paraissait donner la plus grande attention. Déjà Cassius et quelques autres mettaient la main sous leurs robes pour en tirer leurs poignards et se frapper eux-mêmes, lorsque Brutus reconnut aux gestes de Lénas qu'il s'agissait, entre César et lui, d'une prière très-vive, plutôt que d'une accusation. Quand César entra, tous les sénateurs se levèrent pour lui faire honneur; et, dès qu'il fut assis, les conjurés, se pressant autour de lui, firent avancer Tullius Cimber pour lui demander le rappel de son frère. Ils joignirent leurs prières aux siennes, et, comme ils insistaient, il se leva pour les repousser de force. Alors Tullius, lui arrachant sa robe, Casca lui porta un premier coup le long de l'épaule. César saisit la poignée de l'arme en s'écriant: «Scélérat, que fais-tu?» Mais dès qu'il vit Brutus lever le poignard sur lui, il quitta la main de Casca, et se couvrant la tête de sa robe, il livra son corps au fer des conjurés. Comme ils le frappaient tous à la fois, Brutus reçut une blessure à la main; et tous les autres furent couverts de sang.

CHAPITRE XXIV.

LE SECOND TRIUMVIRAT (43-30).

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RETOUR D'ANTOINE EN

IMACTION DES CONJURES; AMNISTIE; FUNÉRAILLES DE CÉSAR (44).— TOUTE-
PUISSANCE D'ANTOINE; OCTAVE. OPPOSITION CONTRE ANTOINE; CICÉ-
RON. GUERRE de modène (43). — FORMATION DU SECOND TRIUMVIRAT;
PROSCRIPTIONS; MORT DE CICERON (43). — INSOLENCE DE LA SOLDatesque.
BATAILLES DE PHILIPPES (42). EXACTIONS D'ANTOINE EN ASIE;
CLÉOPATRE. GUERRE DE PÉROUSE (41-40).
ITALIE; TRAITÉS DE BRINDES ET DE MISENE (39).
SEXTUS POMPÉE (36); DÉPOSITION DE LÉPIDe.
L'EMPIRE (36-30); HABILETÉ D'OCTAVE. EXPÉDITION D'ANTOINE CON-
TRE LES PARTHES (36). CONTRASTE ENTRE LA CONDUITE D'ANTOINE
ET CELLE D'OCTAVE. - RUPTURE (32); BATAILLE D'ACTIUM (31).—MORT
D'ANTOINE ET DE CLÉOPATRE (30).

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GUERRE CONTRE

DEUX HOMMES DANS

Inaction des conjurés; amnistie; funérailles de César (44).

Les conjurés n'avaient fait de plan que pour la conjuration et n'en avaient point formé pour la soutenir. Le coup fait, ils sortirent de la curie, traversèrent le forum en criant que le tyran était mort et allèrent se retrancher au Capitole. Sur le soir Cicéron y vint. Il aurait voulu que le sénat, agissant avec énergie au milieu des deux partis tremblants, se rendît maître de la situation; mais le vieux consulaire était seul actif et résolu; et pendant que les meurtriers hésitaient, les amis de César mettaient le temps à profit. Lépide, son maître de cavalerie, avait soulevé les vétérans campés dans l'île du Tibre; Antoine s'était fait livrer les papiers et les épargnes de César; il avait aussi mis la main sur le trésor public, qu'il fit transporter dans sa demeure. Le péril commun rapprochant ces deux chefs, ils s'unirent, moins pour venger leur maître mort que pour tirer parti des circonstances. Antoine était consul; en vertu de sa charge il réunit le sénat. Les conjurés n'osèrent venir à cette séance, où la discussion fut très-orageuse. Les sénateurs voulaient dé clarer César tyran. Antoine représenta que ce serait abolir ses actes. Tant de gens étaient intéressés à leur maintien que la proposition fut rejetée. Cicéron parla alors; pour concilier tous les intérêts, il demanda la consécration des

droits acquis, l'oubli du passé, la paix enfin et une amnistie. Elle fut proclamée. On invita alors les conjurés à descendre du Capitole; Lépide et Antoine leur envoyèrent eux-mêmes leurs enfants comme otages; Cassius alla souper chez Antoine; Brutus chez Lépide; l'entraînement était général.

Tout n'était cependant pas dit. Puisque César n'était pas un tyran, puisqu'on maintenait ses actes, il fallait accepter son testament et lui faire publiquement des funérailles. Antoine lut au peuple ses dernières volontés. Il adoptait pour fils son neveu le jeune Octave, et à son défaut, Décimus Brutus, l'un des chefs de la conjuration. Pour tuteurs, il lui donnait plusieurs des meurtriers; à d'autres, il faisait des legs considérables. Ces dons de la victime aux assassins réveillaient déjà la colère dans la foule; mais lorsque Antoine ajouta que le dictateur laissait au peuple ses jardins le long du Tibre, et à chaque citoyen 300 sesterces, il y eut à la fois comme une explosion de reconnaissance et de me

naces.

Une autre scène, ménagée avec art, acheva de livrer la ville entière à Antoine. Le jour des funérailles il lut au peuple les décrets du sénat qui accordaient à César des honneurs divins, qui le déclaraient saint, inviolable, père de la patrie. Comme il prononçait ces derniers mots, il ajouta, en se tournant vers le lit funèbre: « Et voici la preuve de leur clémence auprès de lui tous avaient trouvé un sûr asile, et lui-même n'a pu se sauver : ils l'ont assassiné. Ils avaient juré cependant de le défendre; ils avaient voué aux dieux quiconque attenterait à sa vie, quiconque ne le couvrirait pas de son corps ! » Tendant alors les mains vers le Capitole : O toi, Jupiter, gardien de cette ville, et vous tous, dieux du ciel, je vous atteste; je suis prêt à tenir mon serment, je suis prêt à le venger. » Alors il s'approcha du corps, entonna un hymne, comme en l'honneur d'un dieu, puis d'une voix rapide et enflammée, il rappela ses guerres, ses combats, ses conquêtes: O toi, héros invincible, tu n'as échappé à tant de batailles que pour venir tomber au milieu de nous! » et à ces mots, il arrache la toge qui couvrait le cadavre, il montre le sang qui la tache, les coups dont elle est percée. Les san

D

glots de la foule éclatent et se mêlent aux siens; mais ce n'est pas assez. Le corps de César, renversé sur le lit, était caché aux yeux. Tout à coup on vit se dresser le cadavre avec les vingt-trois blessures à la poitrine et au visage; et en même temps le choeur chantait: « Je ne les ai donc sauvés que pour mourir par eux! Le peuple croit voir César lui-même se lever de sa couche funèbre et lui demander vengeance. Ils courent à la curie, où il a été frappé, et l'incendient; ils cherchent les meurtriers, et, trompés par le nom, ils mettent en pièces un tribun qu'ils prennent pour Cinna, le conjuré. Puis, brisant les tribunaux et les bancs, ils dressent un bûcher au milieu du forum ; les soldats y jettent leurs javelots, les vétérans leurs couronnes, leurs armes d'honneur, leurs dons militaires. Le peuple passa la nuit entière autour du bûcher. Une comète qui, vers ce temps-là, se montra au ciel, parut une justification de l'apothéose.

Antoine avait réussi, les meurtriers étaient en fuite. Pour ramener le sénat, profondément irrité qu'on eût ainsi traité l'amnistie votée la veille, Antoine provoqua le rappel de Sextus Pompée, ainsi que l'abolition de la dictature; et il laissa son collègue faire exécuter un démagogue qui, se disant parent de César, agitait le peuple. Il consentit même à avoir une entrevue hors de Rome avec Brutus et Cassius, et ne s'opposa point à ce que les conjurés allassent prendre possession de leurs gouvernements; à ce qu'on rendit à Sextus Pompée ses biens et le proconsulat des mers. Jamais le sénat n'avait trouvé un consulat plus docile. Aussi lorsque Antoine, se plaignant d'être poursuivi, comme un traître, par la haine du peuple, demanda une garde pour sa sûreté personnelle, le sénat se hâta de la lui accorder. Il la porta bientôt à 6000 hommes. C'était une armée, il pouvait dès lors jeter le masque. Toutes ses mesures, en effet, n'eurent plus d'autre but que de regagner le peuple et de se faire partout des créatures.

Toute-puissance d'Antoine; Octave.

Le sénat avait confirmé les actes de César: Antoine étendit cette sanction aux actes projetés du dictateur, et comme

il possédait tous ses papiers, il y lisait ou y faisait écrire. tout ce qu'il avait intérêt d'y trouver. Il vendit ainsi les places, les honneurs, même les provinces, comme la petite Arménie, que lui acheta Déjotarus, comme la Crète, qui paya elle-même, argent comptant, son indépendance. Čes trafics scandaleux relevèrent sa fortune; aux ides de mars il devait 8 millions, avant les calendes d'avril, il avait tout payé et capitalisé 135 millions, qui lui servirent à acheter des soldats, des sénateurs et le peuple. Quand il se crut assez fort, il fit dépouiller Brutus et Cassius de leurs gouvernements de Syrie et de Macédoine pour recevoir en échange ceux de la Crète et de Cyrène; Dolabella, son collègue, s'adjugea le premier; il prit pour lui le second, ou étaient cantonnées des forces considérables. « Le tyran est mort, s'écriait douloureusement Cicéron, mais la tyrannie vit toujours. >>

Sur ces entrefaites arriva à Rome un jeune homme jusqu'alors peu remarqué, Octave, petit-neveu de César par sa mère, fille d'une soeur du dictateur. A quatre ans, il avait perdu son père, chevalier romain de distinction; et César, qui n'avait pas d'enfant, s'était chargé de son éducation. Il voulait l'emmener avec lui contre les Parthes, et il l'envoya à Apollonie, au milieu des légions qui s'y réunissaient, à la fois pour achever ses études et pour se faire connaître des soldats. A la nouvelle de la mort du dictateur, ses amis lui conseillèrent de se réfugier au milieu de l'armée. C'eût été comme une déclaration de guerre au sénat et aux meurtriers Octave, esprit réservé, qui donnait à la prudence autant que César donnait à l'audace, rejeta ce projet. Aussi hardi que son père adoptif, mais d'une autre manière, il n'hésita pas, malgré les avis menaçants de sa mère, à venir seul à Rome, réclamer son dangereux héritage. Il voyagea sans bruit, sans faste. Près de Cumes, il apprit que Cicéron était dans le voisinage; il alla lui faire visite, et séduisit le vieillard par ses caresses et par son feint abandon. A la fin d'avril, il entra dans Rome.

Il avait alors 19 ans à peine; en vain sa mère renouvela ses instances pour lui faire quitter le nom de César. Le se

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