Obrazy na stronie
PDF
ePub

Étrurie une nouvelle armée, et commit encore la faute de diviser ses forces, au lieu de marcher en toute hâte sur Préneste; tous les détachements qu'il forma furent battus. Quand il apprit la défection de la Cisalpine, obtenue par Métellus, il désespéra de résister plus longtemps, et fit voile vers l'Afrique. Sertorius était déjà parti pour l'Espagne; les chefs populaires abandonnaient l'Italie et cherchaient. à soulever les provinces occidentales.

A ce moment même, les chefs italiens, leurs alliés, tentaient un coup hardi. Écartés des lignes de Lucrétius Ofella, que Sylla couvrait avec toute son armée, tandis que Pompée écrasait, près de Clusium, les troupes de Carbon restées sans chef, ils percèrent une nuit jusqu'à cent stades de la ville. Ils voulaient enlever et « détruire ce repaire de loups ravisseurs de l'Italie, » et s'il fallait périr, périr au moins sous ses ruines après avoir vengé l'Italie. Mais ils perdirent un jour à préparer l'assaut, et ce retard sauva Rome. Le matin du 1er novembre, la petite garnison qu'on y avait laissée, fit une sortie; puis la cavalerie de Sylla accourut; lui-même suivait avec toutes ses forces: à midi il arriva près de la porte Colline. Ce fut la vraie bataille de cette guerre; et comme pour marquer clairement quels intérêts étaient depuis dix ans en question, c'était l'existence même de Rome que la victoire allait décider. On se battit tout le reste du jour et la nuit entière; l'aile gauche, que Sylla commandait, fut mise en déroute. Mais Crassus avec l'aile droite vainquit et poursuivit l'ennemi au loin. Le principal chef des Italiens, Pontius Télésinus, grièvement blessé, fut achevé par les vainqueurs; dans la mort, son visage portait encore empreintes la menace et la haine. C'était le plus noble et le dernier des enfants de l'Italie au moins eut-il, pour luimême et pour son peuple, un glorieux tombeau, un champ de bataille couvert de 50 000 cadavres, dont la moitié étaient Romains.

Préneste ne pouvait plus tenir; elle ouvrit ses portes. Le jeune Marius et un frère de Télésinus retirés dans un souterrain, se battirent entre eux pour ne pas être livrés vivants à l'ennemi. Quelques villes se défendaient encore, elles tombè

rent l'une après l'autre; Volaterra résista deux ans. Hors de l'Italie la guerre continua: Sertorius avait soulevé l'Espagne, et Domitius Ahenobarbus l'Afrique et la Numidie

Les proscriptions (82-81).

Le lendemain du combat de la porte Colline, Sylla haranguait le sénat dans le temple de Bellone; tout à coup on entend des cris de désespoir; les sénateurs se troublent : « Ce n'est rien, dit-il, seulement quelques factieux que je fais châtier; » et il continua son discours en ce moment, 8000 prisonniers samnites et lucaniens périssaient égorgés. Quand il revint de Préneste, il monta à la tribune, parla longtemps de lui-même en termes magnifiques, et termina par ces paroles sinistres : « Qu'aucun de mes ennemis n'espère de pardon. » De ce jour les proscriptions commencèrent. Un préteur, parent de Marius, Marius Gratidianus, fut poursuivi par Catilina, qui lui creva les yeux, lui arracha la langue, les oreilles, les mains, lui rompit les bras et les jambes, et quand ce cadavre, encore animé, ne fut plus qu'un monceau de chairs meurtries et d'ossements brisés, il lui trancha la tête, qu'il porta toute sanglante à Sylla. Le cadavre du vainqueur des Cimbres fut exhumé, livré aux outrages et jeté dans l'Anio. César, alors âgé de dix-huit ans, était parent de Marius et gendre de Cinna; Sylla voulut le contraindre à répudier sa femme. Il refusa et s'enfuit dans les montagnes de la Sabine, où il faillit plusieurs fois périr. Les larmes de sa famille, les prières des vestales arrachèrent sa grâce:

Je vous le laisse, dit le tout-puissant proconsul, mais dans cet enfant il y a plusieurs Marius. » Un grand nombre de victimes avaient déjà péri quand un Métellus lui demanda : « Où et quand comptes-tu enfin t'arrêter? Je ne sais encore. Mais au moins déclare ceux que tu destines à la mort. Je le ferai. Et aussitôt il dressa une liste de 80 noms qu'il fit afficher dans le forum; il laissa passer un iour, et le lendemain il publia une seconde liste de 220 personnes, puis une troisième de pareil nombre. « J'ai proscrit tous ceux dont je me suis souvenu, dit-il au peuple, mais j'en

[ocr errors]

ai oublié beaucoup; leurs noms seront écrits à mesure qu'ils reviendront à ma mémoire. » Du 1er décembre 81 au 1er juin 82, pendant six longs mois, on put tuer impunément; on tua encore longtemps, car Roscius d'Amérie fut égorgé le 15 septembre. Les familiers de Sylla, ses affranchis et surtout ce Chrysogonus, dont Cicéron a immortalisé l'infamie, vendaient le droit de faire placer un nom sur la liste fatale.

Celui-ci, disait-on, c'est sa belle villa qui l'a fait périr, celui-là, ses bains dallés de marbre; cet autre, ses magnifiques jardins. Les biens des proscrits étaient confisqués et vendus à l'encan: ceux de Roscius valaient six millions de sesterces, Chrysogonus les eut pour deux mille.

Quel fut le nombre des victimes? Appien parle de 90 sénateurs, de 15 consulaires et de 2600 chevaliers; Valère Maxime de 4700 proscrits. « Mais qui pourrait compter, dit un autre, tous ceux qu'immolèrent les haines privées ? » La proscription ne s'arrêta pas aux victimes, les fils et les petits-fils des proscrits furent déclarés indignes d'occuper jamais une charge publique.

Dans l'Italie, des peuples furent proscrits en masse; les plus riches cités, Spolète, Interamna, Préneste, Terni, Florence, furent comme vendues à l'encan. Dans le Samnium, Bénévent resta seul debout; à Préneste, tout fut égorgé. La main de fer qui pesait sur l'Italie s'étendit sur l'empire entier. Sylla s'était chargé lui-même de punir la Grèce et l'Asie; il laissa ses lieutenants pacifier les provinces du nord, de l'ouest et du sud; Métellus, la Cisalpine, Valérius Flaccus, la Narbonaise, où les proscrits lui livrèrent bataille; Pompée, la Sicile et l'Afrique. Malgré sa modération habituelle, Pompée se montra sévère : les Mamertins révendiquaient leurs priviléges : « Cessez, leur dit-il, d'alléguer les lois à celui qui porte l'épée. » Dans l'île de Cosyra il fit décapiter Carbon; Norbanus avait déjà péri à Rhodes; un autre chef, Brutus, se poignarda pour ne pas tomber entre ses Inains. En Afrique, Hiarbas avait dépouillé l'autre roi de Numidie, Hiempsal, et attendait le lieutenant de Sylla près d'Utique avec une nombreuse armée. Pompée le battit et le fit mettre à mort. Contre Sertorius, maître de l'Espagne, le

dictateur fit marcher le préteur Annius, qui le chassa; contre les Thraces, le gouverneur de la Macédoine; contre les pirates, un préteur et le proconsul Servilius Vatia. Mais en Asie, Muréna ayant recommencé la guerre contre Mithridate, Sylla, qui voyait autour de lui, dans l'empire même, assez d'embarras et de dangers, défendit à son lieutenant de provoquer un ennemi redoutable.

Foulées par la guerre, les provinces furent encore écrasées d'impôts, car il fallait remplir le trésor de Rome épuisée. On oublia les traités, les promesses. Tous contribuèrent, même ceux qui avaient gagné l'immunité et l'indépendance par leur soumission volontaire ou par d'importants services. Pour satisfaire à ces demandes impérieuses, plusieurs cités durent engager les terres et les propriétés publiques, leurs. temples, leurs murailles. Sylla alla jusqu'à vendre l'Égypte à Alexandre II. Les peuples alliés, les rois amis furent contraints de montrer leur zèle par la grandeur de leurs dons. D'un bout à l'autre de l'empire, il n'y eut personne qui ne payât de son sang ou de sa fortune cette restauration du pouvoir oligarchique.

Législation de Sylla (81-79); extension de l'autorité du sénat aux dépens de la puissance populaire.

Après avoir tué les hommes par le glaive, Sylla essaya de tuer le parti par des lois. Pour les donner, il voulut bien prendre un titre légal, il se fit nommer dictateur, avec droit de vie et de mort sans jugement, pouvoir de confisquer les biens, de partager les terres, de bâtir ou de renverser des villes, d'ôter ou de donner des royaumes. Ses actes antérieurs étaient ratifiés et sa volonté déclarée loi de l'Etat.

Sylla n'avait été toute sa vie qu'un soldat. S'inquiétant bien plus de la puissance de Rome que de sa liberté, il voulut faire régner au forum le silence des camps, et croyant l'aristocratie assez forte pour porter le poids de l'empire, il le lui donna. Il fit entrer au sénat 100 membres nouveaux, et pour faire de cette assemblée le principe conservateur de la constitution, il lui rendit les jugements et la discussion préalable des lois, c'est-à-dire le veto législatif. Il lui con

serva le droit de désigner les provinces consulaires, et plaça les gouverneurs sous sa dépendance, en établissant que ceux-ci resteraient dans leurs provinces tant qu'il plairait au sénat. Les tribuns perdirent le droit de présenter une rogation au peuple; leur veto fut restreint aux seules affaires civiles, et l'exercice du tribunat ôta le droit de briguer une autre charge.

Par ces innovations, les comices par tribus perdaient en réalité leur puissance législative. Celle des comices par centuries souffrait une grave atteinte de la loi qui exigeait que toute proposition fût précédée d'un sénatus-consulte. Quant aux chevaliers, il ne leur laissa aucun rôle dans l'État; et s'il ne proclama pas la censure à jamais détruite, il la supprima de fait; depuis l'an 86 jusqu'à sa mort, et depuis sa mort jusqu'au renversement de sa constitution en l'an 70, on ne trouve pas de censeurs. Afin de paraître faire quelque chose en faveur du peuple et des pauvres, il confirma la loi de Valérius Flaccus qui abolissait les dettes d'un quart. Il abaissa aussi le prix des denrées, mais pour se donner le droit de supprimer les distributions gratuites de blé qui nourrissaient la paresse du peuple, et il établit 120 000 de ses légionnaires dans les terres les plus fertiles de la Péninsule enlevées à leurs anciens propriétaires.

Par ces lois, les tribuns, le peuple et les grands étaient ramenés de plusieurs siècles en arrière, les uns à l'obscurité du rôle qu'ils jouaient le lendemain de la retraite au mont Sacré, les autres à l'éclat, à la puissance des premiers jours de la république. Mais Sylla pouvait-il aussi les rappeler aux mœurs antiques; les nobles, au désintéressement; les pauvres au patriotisme? Il ne le crut pas; il n'essaya pas même de leur rendre, par une épuration sévère, la considération. et le respect d'eux-mêmes. Loin de là, dans le sénat, il fit entrer des gens obscurs et indignes; dans le peuple, il répandit 10 000 esclaves des proscrits, qu'il affranchit et qui portèrent son nom (les Cornéliens). Des Espagnols, des Gaulois obtinrent même le droit de cité; et il laissa les autres Italiens, exceuté ceux qui avaient servi contre lui, répandus dans les 35 tribus.

« PoprzedniaDalej »