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ments. Déjà on voyait les Alpes et leurs neiges éternelles. Des députés boïes arrivés dans son camp s'offrirent à le guider. Ils le conduisirent par le val Tarentaise au petit SaintBernard, le plus facile passage qu'il y ait dans toute la chaîne des Alpes. Les montagnards essayèrent plusieurs fois de l'arrêter et lui firent courir de sérieux dangers. Ce ne fut qu'après neuf jours de marche, de périls et de combats, qu'il atteignit le sommet de la montagne; il s'y arrêta deux jours pour faire reposer ses troupes. La descente fut difficile on rencontra dans un défilé un glacier recouvert par une neige nouvelle, et où les hommes et les chevaux restaient engagés. La gorge était d'ailleurs si étroite que les éléphants ne pouvaient passer; on perdit trois jours à creuser un chemin dans le roc. Enfin, le quinzième depuis son départ de l'île, il arriva par le val d'Aost dans le voisinage du territoire des Insubres, ses alliés. Mais le passage lui avait coûté près de la moitié de ses troupes; il ne lui restait que 20 000 fantassins et 6000 cavaliers. Il prit cependant d'assaut la ville des Taurins qu'il saccagea.

Combat du Tessin et bataille de la Trébie (218).

Cette activité avait déconcerté les plans du sénat. Sempronius, dont la flotte avait déjà gagné une victoire navale et pris Malte, entre la Sicile et l'Afrique, fut rappelé. Scipion avait de lui-même envoyé son frère Cnéus en Espagne avec ses légions et repris en toute hâte la route de Pise. Il espérait atteindre assez à temps le pied des Alpes pour accabler à la descente l'armée exténuée par les fatigues et les privations. Cette fois encore, malgré sa diligence, il arriva trop tard et ne put que prendre position derrière le Tessin.

Une chaude affaire d'avant-garde, sur les bords de ce fleuve, dans laquelle Scipion fut blessé, l'obligea de se replier derrière le Pô; il assit son camp dans une forte position sur la Trébie. Quand Sempronius arriva avec les légions de Sicile, il voulut, malgré son collègue, livrer bataille, et se laissa attirer au delà des eaux glacées de la Trébie, dans une plaine où la cavalerie numide et d'habiles

dispositions donnèrent encore la victoire à Annibal. La défaite du Tessin avait rejeté les Romains au delà du Pô, celle de la Trébie les rejeta au delà de l'Apennin; sauf Plaisance et Modène, la Cisalpine était perdue.

Bataille de Tṛasimène; dictature de Fablus (217).

Jusqu'ici le plan d'Annibal avait réussi. Mais tandis qu'il s'ouvrait la route de Rome, Cn. Scipion, en Espagne, fermait à ses frères celle de la Gaule. Des troupes envoyées en Sardaigne, en Sicile, à Tarente, des garnisons mises dans toutes les places fortes, et une flotte de 60 galères coupaient ses communications avec Carthage. Il s'en effrayait peu, du reste, car les Gaulois accouraient en foule sous ses drapeaux. Après une tentative pour franchir l'Apennin, il passa l'hiver dans la Cisalpine; et, le printemps venu il pénétra en Étrurie, à travers les immenses marais de l'Arno. Durant quatre jours et trois nuits que l'armée marcha dans l'eau et la vase, un grand nombre de soldats et presque toutes les bêtes de somme périrent; les bagages furent abandonnés. Annibal, monté sur son dernier éléphant, perdit un œil par les veilles, les fatigues et l'humidité des nuits.

Une armée l'attendait sous les murs d'Arretium commandée par l'ancien tribun Flaminius auquel le peuple, en souvenir de sa victoire sur les Insubres, venait de donner, malgré les grands, un second consulat. Aussi, pour faire annuler son élection, les augures ne parlaient que de présages sinistres. Il n'en tint compte et, certain d'être arrêté à Rome par de faux auspices, il partit secrètement de la ville, sans avoir accompli sur le mont Albain le sacrifice à Jupiter Latiaris. Pour justifier ce mépris des dieux et des lois, une victoire lui était nécessaire; il la chercha avec une imprudence présomptueuse, et se laissa attirer par le rusé Carthaginois dans un vallon resserré entre le lac de Trasimène et des collines qu'Annibal avait garnies de ses soldats. Flaminius fut tué avec 15 000 des siens; autant furent faits prisonniers; 10 000 s'échappèrent. Annibal n'avait perdu que 1500 hommes, presque tous Gaulois.

De Trasimène à Rome, il n'y a pas 150 kilomètres. Cependant Annibal ne se crut point assez fort pour risquer une marche sur cette ville. Il tourna vers l'Ombrie et vint se heurter contre la colonie de Spolète, qui le repoussa victo rieusement. Ses troupes avaient besoin de repos, il les mena dans les fertiles plaines du Picénum.

A Rome, après la Trébie, on avait dissimulé l'étendue du désastre; après Trasimène, on n'osa rien cacher. Pendant deux jours le sénat délibéra; enfin il fit nommer par les comices, prodictateur, le chef de la noblesse, Fabius Maximus, en lui adjoignant, pour ne point irriter le parti populaire, Minucius, comme général de la cavalerie. A la tête de quatre légions, Fabius alla chercher Annibal, qui était descendu, le long de l'Adriatique, jusqu'en Apulie, dans l'espérance de soulever la Grande Grèce, mais sans détacher de Rome un allié. Excepté Tarente, trop humiliée pour ne pas désirer l'abaissement des Romains, tous les Grecs faisaient des vœux pour la défaite des Carthaginois. Ceux de Naples et de Pæstum prirent tout l'or de leur temples pour le donner au sénat, et Hiéron, sûr de la fortune de Rome, même après Trasimène, offrit, avec de grands secours en vivres et en hommes, une statue en or de la Victoire, du poids de 320 livres.

Fabius s'était tracé un nouveau plan de campagne : ruiner soi-même le plat pays et refuser partout le combat; mais suivre pas à pas l'ennemi, couper ses vivres, le harceler sans relâche et le détruire en détail. Vainement Annibal ravagea la Daunie, le Samnium et la Campanie : le Temporiseur le suivait par les montagnes, insensible aux insultes de l'ennemi comme aux railleries de ses soldats. Un jour cependant, Fabius faillit l'enfermer dans un défilé; mais il s'en tira par une ruse habile, et le peuple, mécontent, cria à la trahison. Un succès que Minucius remporta en l'absence du dictateur acheva d'y faire croire. On donna des pouvoirs égaux au général de la cavalerie, qui provoqua aussitôt Annibal, se fit battre, et eût perdu toute son armée, si Fabius ne fût accouru pour le sauver.

Quand Fabius sortit de charge, au bout de six mois, les

affaires de la république semblaient dans un état prospère : en Espagne, une foule de peuples passaient du côté des Romains; dans la Cisalpine, les Gaulois, satisfaits de se retrouver libres, oubliaient Annibal, comme l'oubliait Carthage qui n'envoyait que quelques vaisseaux pirater sur les côtes, d'où les chassaient bien vite les flottes de Sicile et d'Ostie. Une escadre romaine venait de les poursuivre jusqu'en Afrique. Partout, excepté en face d'Annibal, les Romains prenaient l'offensive et des mesures hardies. Le préteur de Sicile, Otacilius, avait ordre de passer en Afrique; Cn. Scipion, que son frère avait rejoint, recevait des secours; Posthumius Albinus, avec une armée, surveillait les Cisalpins, et des ambassades étaient envoyées à Philippe de Macédoine, pour exiger l'extradition de Démétrius de Pharos, qui le poussait à la guerre; à Pinéus roi d'Illyrie, pour réclamer le tribut qu'il tardait à payer; aux Liguriens, pour leur demander compte du secours fourni par eux aux Carthaginois. Il y a certes quelque grandeur dans cette activité du sénat, portant au milieu de cette guerre formidable, qui se faisait aux portes de la ville, son attention sur les pays les plus lointains, ne permettant pas qu'on doutât un instant ni de la fortune ni de la puissance de Rome.

Bataille de Cannes (216).

Les consuls de l'année 217 suivirent cette tactique qui eût sans doute ruiné Annibal. Mais si la noblesse put faire élire un élève de Fabius, Paul Émile, le parti populaire lui donna pour collègue le fils d'un boucher, Térentius Varron. L'un voulait toujours combattre, l'autre toujours différer. Comme le commandement alternait chaque jour entre les consuls, Varron conduisit l'armée si près de l'ennemi, qu'une retraite fut impossible. La bataille s'engagea près de Cannes en Apulie. Les Romains avaient 86 000 hommes, et Annibal 50 000 seulement. Cependant à Cannes, comme à Trasimène, comme à la Trébie, le plus petit nombre enveloppa le plus grand et la cavalerie donna la victoire: 70 000 Romains ou alliés, avec l'un des consuls, Paul Émile, qui avait refusé de se

sauver, 2 questeurs, 80 sénateurs, des consulaires, 21 tribuns légionnaires, et une foule de chevaliers restèrent sur le champ de bataille (2 août 216). Annibal n'avait perdu que 5500 hommes dont 4000 Gaulois; le sang de ce peuple payait toutes ses victoires.

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Défections; échecs d'Annibai en Campanie.

Laisse-moi prendre les devants avec ma cavalerie, disait à Annibal, le soir de la bataille, un de ses officiers, et dans cinq jours tu souperas au Capitole.» Mais jamais armée de mercenaires n'a sacrifié à son chef, même le plus aimé, un lendemain de victoire. Annibal s'arrêta; d'ailleurs, il savait bien que la douleur d'un peuple libre est active; Rome, en effet, le premier moment de stupeur passé, retentit du bruit des préparatifs. Fabius prescrivit aux femmes de s'enfermer dans leurs demeures pour ne point amollir les courages par leurs lamentations dans les temples; à tous les hommes valides, de s'armer; aux cavaliers, d'aller éclairer les routes; aux sénateurs, de parcourir les rues et les places pour rétablir l'ordre, placer des gardes aux portes, et empêcher que personne ne sortit. Pour en finir promptement avec la douleur, le deuil fut fixé à 30 jours. On se croirait à Sparte. Les expiations religieuses ne furent pas oubliées; il y en eut de cruelles. Deux vestales convaincues d'adultère furent mises à mort; deux Gaulois et deux Grecs furent enterrés vivants.

Peu de jours s'étaient écoulés, lorsqu'on apprit qu'une flotte carthaginoise ravageait les États d'Hiéron, et que Posthumius Albinus, attiré par les Cisalpins dans une embuscade, y avait péri avec son armée; mais après la grande douleur de Cannes, ces nouveaux malheurs paraissaient légers. Deux légions étaient dans la ville. Marcellus y envoya encore 1500 soldats de la flotte d'Ostie, et plaça une légion à Téanum Sidicinum, pour fermer la route du Latium. M. Junius Péra, créé, par le sénat, dictateur, leva quatre légions, 2000 cavaliers, 8000 esclaves, achetés aux particuliers, et appela les contingents des alliés. On manquait d'armes: il

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