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On regrette Cresfonte, on le pleure, on vous plaint;
Mais la force l'emporte, & Polifonte est craint.
MEROPE.

Ainfi donc par mon peuple en tout tems accablée,
Je verrai la justice à la brigue immolée,

Et le vil intérêt, cet arbître du fort

Vend toûjours le plus faible aux crimes du plus fort!
Allons, & rallumons dans ces ames timides

Ces regrets mal éteints du fang des Héraclides :
Flattons leur espérance, excitons leur amour.
Parlez, & de leur maître annoncez le retour.
EURIC LE S.

Je n'ai que trop parlé ; Polifonte en allarmes,
Craint déja votre fils, & redoute vos larmes.
La fière ambition, dont il est dévoré,
Eft inquiéte, ardente, & n'a rien de facré.
S'il chaffa les brigands de Pilos & d'Amphrise;
S'il a fauvé Meffène, il croit l'avoir conquife.
Il agit pour lui feul, il veut tout affervir :

Il touche à la couronne ; & pour mieux la ravir,
Il n'eft point de rempart que fa main ne renverse,
De loix qu'il ne corrompe, & de fang qu'il ne verse :
Ceux, dont la main cruelle égorgea votre époux,
Peut-être ne font pas plus à craindre pour vous.
MEROP E.

Quoi! par-tout fous mes pas le fort creufe un abîme!
Je vois autour de moi le danger & le crime !
Polifonte, un fujet de qui les attentats ....

EURICLES.

Diffimulez, Madame, il porte ici fes pas.

SCENE

SCENE

III.

MEROPE, POLIFONTE, ERO x.

POLIFONTE.

Madame, il faut enfin que mon cœur fe déploye.

Ce bras qui vous fervit m'ouvre au trône une voye ;
Et les chefs de l'Etat, tout prêts de prononcer,

Me font entre nous deux l'honneur de balancer.
Des partis oppofés qui défolaient Meffènes,

Qui verfaient tant de fang, qui formaient tant de haines,
Il ne reste aujourd'hui que le votre & le mien.
Nous devons l'un à l'autre un mutuel foutien :
Nos ennemis communs, l'amour de la patrie,
Le devoir, l'intérêt, la raison, tout nous lie:
Tout vous dit qu'un guerrier, vengeur de votre époux,
S'il aspire à régner, peut aspirer à vous.

Je me connais, je fais, que, blanchi fous les armes,
Ce front trifte & févère a pour vous peu de charmes ;
Je fais que vos appas, encor dans leur printems,
Pourraient s'effaroucher de l'hyver de mes ans;
Mais la raison d'Etat connait peu ces caprices:
Et de ce front guerrier les nobles cicatrices.
Ne peuvent fe couvrir que du bandeau des Rois.
Je veux le fceptre & vous, pour prix de mes exploits.
N'en croyez pas, Madame, un orgueil téméraire;
Vous êtes de nos Rois & la fille & la mère ;
Mais l'Etat veut un maître, & vous devez fonger
Que pour garder vos droits il les faut partager.

Tom. III, & du Théâtre le fecond.

E

MEROPE.

Le ciel, qui m'accabla du poids de sa disgrace,
Ne m'a point préparée à ce comble d'audace.
Sujet de mon époux, vous m'ofez propofer
De trahir fa mémoire, & de vous épouser?
Moi, j'irais de mon fils, du feul bien qui me reste
Déchirer avec vous l'héritage funeste ?

Je mettrais en vos mains fa mère & fon Etat,
Et le bandeau des Rois fur le front d'un foldat?
POLIFONTE.

Un foldat tel que moi peut justement prétendre
A gouverner l'Etat, quand il l'a fû défendre.
Le premier qui fut Roi fut un foldat heureux.
Qui fert bien fon pays
n'a pas
besoin d'ayeux.
Je n'ai plus rien du fang qui m'a donné la vie :
Ce fang s'eft épuifé, versé pour la patrie :

Ce fang coula pour vous : & malgré vos refus,
Je crois valoir au moins les Rois que j'ai vaincus.
Et je n'offre en un mot à votre ame rebelle
Que la moitié d'un trône où mon parti m'appelle.

MEROP E.

Un parti ! Vous barbare, au mépris de nos loix!
Eft-il d'autre parti que celui de vos Rois?
Est-ce là cette foi, fi pure & fi facrée,
Qu'à mon époux, à moi, votre bouche a jurée ?
La foi que vous devez à ses mânes trahis

A fa veuve éperduë, à son malheureux fils,

A ces Dieux dont il fort, & dont il tient l'Empire?

POLIFONTE.

Il est encor douteux fi votre fils refpite.

Mais quand du fein des morts il viendrait en ces lieux,

Redemander fon trône à la face des Dieux,
Ne vous y trompez pas; Meffène veut un maître
Eprouvé par le tems, digne en effet de l'être;
Un Roi qui la défende : & j'ose me flatter
Que le vengeur du trône a seul droit d'y monter.
Egiste jeune encor, & fans expérience,
Etalerait en vain l'orgueil de sa naissance;
N'ayant rien fait pour nous, il n'a rien mérité.
D'un prix bien différent ce trône est acheté.
Le droit de commander n'est plus un avantage
Tranfmis par la nature, ainsi qu'un héritage;
C'est le fruit des travaux & du fang répandu;
C'est le prix du courage : & je crois qu'il m'est dû.
Souvenez-vous du jour où vous fûtes surprise
Par ces lâches brigands de Pilos & d'Amphrise :
Revoyez votre époux, & vos fils malheureux,
Prefque en votre préfence affaffinés par eux :
Revoyez-moi, Madame, arrêtant leur furie,
Chaffant vos ennemis défendant la patrie :

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Voyez ces murs enfin par mon bras délivrés :
Songez que j'ai vengé l'époux que vous pleurez.
Voilà mes droits, Madame, & mon rang & mon titre.
La valeur fit ces droits : le ciel en eft l'arbitre.
Que votre fils revienne; il apprendra fous moi,

Les leçons de la gloire, & l'art de vivre en Roi;

Il verra fi mon front foutiendra la couronne.

Le fang d'Alcide est beau, mais n'a rien qui m'étonne.
Je recherche un honneur, & plus noble, & plus grand:
Je fonge à reffembler au Dieu dont il defcend :

En un mot,
c'est à moi de défendre la mère,
Et de fervir au fils & d'exemple & de père.

MEROP E.

N'affectez point ici des foins fi généreux,
Et ceffez d'infulter à mon fils malheureux.
Si vous ofez marcher fur les traces d'Alcide,
Rendez donc l'héritage au fils d'un Héraclide.
Ce Dieu, dont vous feriez l'injufte fucceffeur,
Vengeur de tant d'Etats, n'en fut point ravisseur.
Imitez fa juftice, ainfi que fa vaillance:
Défendez votre Roi, fecourez l'innocence :
Découvrez, rendez-moi ce fils que j'ai perdu,
Et méritez fa mère à force de vertu :
Dans vos murs relevés rappellez votre maître.
Alors jufques à vous je defcendrais peut-être.
Je pourrais m'abaiffer; mais je ne peux jamais
Devenir la complice & le prix des forfaits.

Eig

SCENE IV.

POLIFONTE, ER O X.

Eigneur, attendez-vous que fon ame fléchiffe? Ne pouvez-vous régner qu'au gré de fon caprice? Vous avez fù du trône applanir le chemin

Et

;

pour vous y placer vous attendez sa main ?
POLIFONTE.
Entre ce trône & moi je vois un précipice;
Il faut que ma fortune y tombe ou le franchiffe.
Mérope attend Egifte : & le peuple aujourd'hui,
Si fon fils reparait, peut se tourner vers lui.

En vain, quand j'immolai fon père & fes deux frères,

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