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pû, tout l'efprit & toute la fubstance. Les fêtes que célébraient Egifte & Clytemnestre, & qu'ils appellaient les festins d'Agamemnon, l'arrivée d'Orefte & de Pylade, l'urne dans laquelle on croit que font renfermées les cendres d'Orefte l'anneau d'Agamemnon, le caractère d'Electre, celui d'Iphife qui eft précisément la Chryfothemis de Sophocle, & furtout les remors de Clytemnestre, tout eft puifé dans la tragédie Grecque; car lorfque celui qui fait à Clytemnestre le récit de la prétendue mort d'Orefte, lui dit : Eh quoi, Madame cette mort vous afflige? Clytemnestre répond; Je suis mère, & parlà malheureufe; une mère, quoiqu'outragée, ne peut hair fon fang: elle cherche même à fe juftifier devant Electre du meurtre d'Agamemnon: elle plaint fa fille; & Euripide a pouffé encor plus loin que Sophocle l'attendriffement & les larmes de Clytemnestre voilà ce qui fut applaudi chez le peuple le plus judicieux & le plus fenfible de la terre: voilà ce que j'ai vû fenti par tous les bons juges de notre nation. Rien n'eft en effet plus dans la nature qu'une femme, criminelle envers fon époux, & qui fe laiffe attendrir par fes enfans qui reçoit la pitié dans fon cœur altier & farouche, qui s'irrite, qui reprend la dureré de fon caractère quand on lui fait des reproches trop violens, & qui s'appaise enfuite par les foumiffions & par les larmes : le germe de ce perfonnage était dans Sophocle & dans Euripide, & je l'ai dévelopé. Il n'appartient qu'à l'ignorance & à la préfomption, qui en eft la fuite, de dire qu'il n'y a rien à imiter dans les anciens il n'y a point de beautés dont on ne trouve chez eux les femences.

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Je me fuis impofé, furtout, la loi de ne pas m'écarter de cette fimplicité, tant recommandée par les Grecs, & fi difficile à faifir; c'était là le vrai caractère de l'invention & du génie; c'était l'effence du théâtre. Un perfonnage étranger qui dans l'Edipe ou dans Electre ferait un grand rôle, qui détournerait fur lui l'attention, ferait un monftre aux yeux de quiconque connaît les anciens & la nature, dont ils ont été les premiers peintres. L'art & le génie confiftent à trouver tout dans fon fujet, & non pas à chercher hors de fon fujet. Mais comment imiter cette pompe & cette magnifi

cence vraiment tragique des vers de Sophocle, cette élégance, cette pureté, ce naturel, fans quoi un ouvrage ( bien fait d'ailleurs) ferait un mauvais ouvrage?

J'ai donné au moins à ma nation quelque idée d'une tragédie fans amour, fans confidens, fans épisodes; le petit nombre des partifans du bon goût m'en fait gré, les autres ne reviennent qu'à la longue, quand la fureur de parti, l'injuftice de la perfécution & les ténèbres de l'ignorance font diffipées. C'est à vous, Madame, à conferver les étincelles qui restent encor parmi nous de cette lumière précieuse que les anciens nous ont tranfmife. Nous leur devons tout: aucun art n'eft né parmi nous, tout y a été tranfplanté mais la terre, qui porte ces fruits étrangers, s'épuise & fe laffe; & l'ancienne barbarie, aidée de la frivolité, percerait encor quelquefois malgré la culture; les difciples d'Athènes & de Rome deviendraient des Goths & des Vandales amollis par les moeurs des Sibarites, fans cette protection éclairée & attentive des perfonnes de votre rang. Quand la nature leur a donné ou du génie, ou l'amour du génie, elles encouragent notre nation, qui eft plus faite pour imiter que pour inventer, & qui cherche toûjours dans le fang de fes maîtres les leçons & les exemples dont elle a befoin. Tout ce que je défire, Madame, c'eft qu'il fe trouve quelque génie qui achève ce que j'ai ébauché, qui tire le théâtre de cette molleffe & de cette afféterie où il est plongé, qui le rende refpectable aux efprits les plus austères, digne du très petit nombre de chefs-d'œuvre que nous avons, & enfin du fuffrage d'un efprit tel que le votre, & de ceux qui peuvent vous reffembler.

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Le théâtre doit représenter le rivage de la mer; un bois, un temple, un palais, & un tombeau, d'un côté ; & de l'autre, Argos dans le lointain.

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IPHIS E.

Est-il vrai, cher Pammène ! & ce lieu folitaire,

!

Ce palais exécrable où languit ma mifère
Me verra-t-il goûter la funeste douceur
De mêler mes regrets aux larmes de ma foeur ?
La malheureuse Electre, à mes douleurs fi chère,
Vient-elle avec Egifte au tombeau de mon père ?
Egifte ordonne-t-il qu'en ces folemnités

Le fang d'Agamemnon paraiffe à fes côtés ?
Serons-nous les témoins de la pompe inhumaine,
Qui célèbre le crime, & que ce jour amène ?
PAMMEN E.

Miniftre malheureux d'un temple abandonné,

Du fond de ces déferts où je fuis confiné,

J'adreffe au ciel des vœux pour le retour d'Orefte; Je pleure Agamemnon, j'ignore tout le refte.

302

O respectable Iphise ! ô pur fang de mon Roi!
Ce jour vient tous les ans répandre ici l'effroi.
Les deffeins d'une cour en horreurs fi fertile,
Pénètrent rarement dans mon obscur asyle.
Mais on dit qu'en effet Egifte foupçonneux,
Doit entraîner Electre à ces funèbres jeux;
Qu'il ne fouffrira plus qu'Electre en fon absence
Appelle par fes cris Argos à la vengeance.

Il redoute fa plainte; il craint que tous les cœurs
Ne réveillent leur haine au bruit de fes clameurs ;
Et d'un œil vigilant épiant fa conduite,

Il la traite en efclave, & la traîne à sa suite.
IP HIS E.

Ma fœur esclave! ô ciel! ô fang d'Agamemnon!
Un barbare à ce point outrage encor ton nom!
Et Clytemnestre, hélas ! cette mère cruelle,
A permis cet affront qui rejaillit fur elle !
PAMMEN E.

Peut-être votre fœur, avec moins de fierté,
Devait de fon tyran braver l'autorité;
Et n'ayant contre lui que d'impuissantes armes,
Mêler moins de reproche & d'orgueil à fes larmes.
Qu'a produit fa fierté ? que fervent ses éclats?
Elle irrite un barbare, & ne nous venge pas.
IPHISE.

On m'a laiffé du moins, dans ce funeste asyle,
Un deftin fans opprobre, un malheur plus tranquile.
Mes mains peuvent d'un père honorer le tombeau,
Loin de fes ennemis, & loin de fon bourreau :
Dans ce féjour de fang, dans ce désert si triste,
Je pleure en liberté, je hais en paix Egiste.

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