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MÉROPE,
TRAGÉDI E.

ACTE PREMIER.

SCENE PREMIERE.

GrRande

MEROPE, IS ME NIE.

IS MEN I E.

Rande Reine, écartez ces horribles images; Goûtez des jours fereins nés du fein des orages. Les Dieux nous ont donné la victoire & la paix : Ainfi que leur couroux, reffentez leurs bienfaits. Meffène, après quinze ans de guerres intestines, Lève un front moins timide, & fort de fes ruïnes. Vos yeux ne verront plus tous ces chefs ennemis, Divifés d'intérêts, & pour le crime unis, Par les faccagemens, le fang & le ravage, Du meilleur de nos Rois difputer l'héritage. Nos chefs, nos citoyens, raffemblés fous vos yeux, Les organes des loix, les ministres des Dieux, Vont, libres dans leur choix, décerner la couronne. Sans doute elle est à vous, fi la vertu la donne. Vous feule avez fur nous d'irrévocables droits;

Vous, veuve de Cresfonte, & fille de nos Rois ;
Vous, que tant de conftance & quinze ans de mifère,
Font encor plus augufte, & nous rendent plus chère;
Vous, pour qui tous les cœurs en fecret réunis....
MEROPE.

Quoi! Narbas ne vient point! Reverrai-je mon fils?
IS MEN I E.

Vous pouvez l'espérer; déja, d'un pas rapide,
Vos efclaves en foule ont couru dans l'Elide.
La paix a de l'Elide ouvert tous les chemins.
Vous avez mis fans doute en de fidèles mains
Ce dépot fi facré, l'objet de tant d'allarmes.
MEROPE.

Me rendrez-vous mon fils, Dieux témoins de mes larmes ?
Egifte eft-il vivant? Avez-vous conservé

Cet enfant malheureux, le feul que j'ai sauvé ?

Ecartez loin de lui la main de l'homicide.

C'est votre fils, hélas ! c'est le pur fang d'Alcide.

Abandonnerez-vous ce refte précieux

Du plus jufte des Rois, & du plus grand des Dieux,
L'image de l'époux, dont j'adore la cendre?

ISMEN I E.

Mais quoi! cet intérêt, & fi jufte, & fi tendre,
De tout autre intérêt peut-il vous détourner ?
MEROP E.

Je fuis mère : & tu peux encor t'en étonner?
IS MEN I E.

Du fang dont vous fortez l'augufte caractère
Sera-t-il effacé par cet amour de mère ?
Son enfance était chère à vos yeux éplorés;
Mais vous avez peu vû ce fils que vous pleurez.

MEROPE.

Mon cœur a vû toûjours ce fils que je regrète;
Ses périls nourriffaient ma tendreffe inquiète :
Un fi juste intérêt s'accrut avec le tems.

Un mot feul de Narbas, depuis plus de quatre ans,
Vint dans la folitude, où j'étais retenuë,

Porter un nouveau trouble à mon ame éperduë.
Egiste, écrivait-il, mérite un meilleur fort ;

Il eft digne de vous, & des Dieux dont il fort:
En bute à tous les maux, fa vertu les furmonte:
Efpérez tout de lui: mais craignez Polifonte.

IS MENI E.

De Polifonte au- moins prévenez les deffeins;
Laiffez passer l'Empire en vos augustes mains.

MEROPE.

L'Empire est à mon fils. Périffe la marâtre !
Périffe le cœur dur, de foi-même idolâtre,
Qui peut goûter en paix, dans le suprême rang,
Le barbare plaifir d'hériter de fon fang!
Si je n'ai plus de fils, que m'importe un Empire?
Que m'importe ce ciel, ce jour que je respire?
Je dûs y renoncer, alors que dans ces lieux
Mon époux fut trahi des mortels & des Dieux.
O perfidie! ô crime ! ô jour fatal au monde !
O mort, toûjours préfente à ma douleur profonde !
J'entens encor ces voix, ces lamentables cris,
Ces cris » Sauvez le Roi, fon épouse & fes fils.
Je vois ces murs fanglans, ces portes embrasées,
Sous ces lambris fumans ces femmes écrasées,
Ces efclaves fuyans le tumulte, l'effroi,
Les armes, les flambeaux, la mort autour de moi.

30

Là, nageant dans fon fang, & fouillé de pouffière,
Tournant encor vers moi fa mourante paupière,
Cresfonte en expirant me ferra dans ses bras ;
Là, deux fils malheureux, condamnés au trépas,
Tendres & premiers fruits d'une union fi chère,
Sanglans & renverfés sur le sein de leur père,
A peine foulevaient leurs innocentes mains.
Hélas! ils m'imploraient contre leurs affaffins.
Egiste échapa seul : un Dieu prit fa défense.
Veille fur lui, grand Dieu, qui fauvas fon enfance:
Qu'il vienne; que Narbas le ramène à mes yeux,
Du fond de fes déferts au rang de fes ayeux!
J'ai fupporté quinze ans mes fers & fon absence;
Qu'il règne au- lieu de moi : voilà ma récompense.

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Tant de pas, tant de foins ont été fuperflus.

On a couru, Madame, aux rives du Penée,
Dans les champs d'Olympie, aux murs de Salmonée
Narbas eft inconnu; le fort dans ces climats
Dérobe à tous les yeux la trace de fes pas.

MEROP E.

Hélas! Narbas n'est plus ; j'ai tout perdu, fans doute.

;

IS MEN I E.

Vous croyez tous les maux que votre ame redoute :
Peut-être, fur les bruits de cette heureuse paix,
Narbas ramène un fils fi cher à nos fouhaits.
EURIC LE S.

Peut-être fa tendreffe, éclairée & difcrète,
A caché fon voyage ainsi que fa retraite :
Il veille fur Egifte; il craint ces affaffins,
Qui du Roi votre époux ont tranché les deftins.
De leurs affreux complots il faut tromper la rage.
Autant que je l'ai pû j'assure son passage;
Et j'ai fur ces chemins de carnage abreuvés,
Des yeux toûjours ouverts, & des bras éprouvés.
MEROPE.

Dans ta fidélité j'ai mis ma confiance.

EURICLE S.

Hélas! que peut pour vous ma trifte vigilance?
On va donner fon trône; en vain ma faible voix,
Du fang qui le fit naître a fait parler les droits.
L'injuftice triomphe, & ce peuple à fa honte,
Au mépris de nos loix, panche vers Polifonte.
MEROP E.

Et le fort jusques - là pourrait nous avilir?
Mon fils dans fes Etats reviendrait pour fervir?
Il verrait fon fujet au rang de ses ancêtres ?
Le fangde Jupiter aurait ici des maîtres?

Je n'ai donc plus d'amis ? Le nom de mon époux,
Infenfibles sujets, a donc péri pour vous ?

Vous avez oublié fes bienfaits & fa gloire ?

EURICLE S.

Le nom de votre époux eft cher à leur mémoire.

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