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11. Ensuite Mérope & le tyran passent leur tems ensemble. Mérope évapore fa colère en injures, qui ne finiffent point. Rien n'eft plus froid que ces fcènes de déclamations qui manquent de nœud, d'embarras, de paffion contraftée. Ce font des fcènes d'écolier. Toute fcène qui n'eft pas une espèce d'action eft inutile.

12. Il y a fi peu d'art dans cette piéce, que l'auteur est toûjours forcé d'employer des confidentes & des confidens pour remplir fon théâtre. Le quatriéme acte commence encor par une fcène froide & inutile entre le tyran & la suivante: enfuite cette fuivante rencontre le jeune Egifte, je ne fais comment, & lui perfuade de fe repofer dans le vestibule, afin que, quand il fera endormi, la Reine puiffe le tuer tout à fon aife. En effet il s'endort comme il l'a promis. Belle intrigue! & la Reine vient pour la feconde fois une hache à la main pour tuer le jeune homme qui dormait exprès. Cette fituation répétée deux fois eft le comble de la ftérilité, comme le fommeil du jeune homme eft le comble du ridicule. Mr. Maffei prétend qu'il y a beaucoup de génie & de varieté dans cette fituation répétée ; parce que la première fois la Reine arrive avec un dard, & la feconde fois avec une hache quel effort de génie !

13. Enfin le vieillard Polidore arrive tout à propos, & empêche la Reine de faire le coup on croirait que ce beau moment devrait faire naître mille incidens intéreffans entre la mère & le fils, entre eux deux & le tyran. Rien de tout cela; Egifte s'enfuit, & ne voit point fa mère; il n'a aucune fcène avec elle; ce qui eft encor un défaut de génie insupportable. Mérope demande au vieillard, quelle récompenfe il veut ; & ce vieux fou la prie de le rajeunir. Voilà à quoi paffe fon tems une Reine qui devrait courir après fon fils. Tout cela eft bas, déplacé & ridicule au dernier point.

14. Dans le cours de la pièce, le tyran veut toûjours époufer ; & pour y parvenir, il fait dire à Mérope, qu'il va faire égorger tous les domeftiques & les courtifans de cette princeffe, fi elle ne lui donne la main. Quelle ridicule idée! quel extravagant que ce tyran! Mr. Maffei ne pouvait - il trouver un meilleur prétexte pour fauver l'honneur de la Rei

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ne, qui a la lâcheté d'époufer le meurtrier de fa famille ? 15. Autre puérilité de collège. Le tyran dit à fon confident: Je fais l'art de régner; je ferai mourir les audacieux je lâcherai la bride à tous les vices; j'inviterai mes fujets à commettre les plus grands crimes en pardonnant aux plus coupables; j'expoferai les gens de bien à la fureur des fcélerats &c. Quel homme a jamais penfé & prononcé de telles fotifes? Cette déclamation de régent de fixiéme ne donne - t - elle pas une jolie idée d'un homme qui fait gouverner?

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On a reproché au grand Racine d'avoir dans Athalie fait dire à Mathan trop de mal de lui-même. Encor Mathan parle - t - il raisonnablement; mais ici c'est le comble de la folie de prétendre que de tout mettre en combuftion foit l'art de régner: c'eft l'art d'être détrôné; & on ne peut fans rire lire de pareilles abfurdités. Mr. Maffei eft un étrange politique.

En un mot, Monfieur, l'ouvrage de Maffei est un très beau fujet, & une très mauvaise piéce. Tout le monde convient à Paris, que la représentation n'en ferait pas achevée: & tous les gens fenfés d'Italie en font très peu de cas. C'est très vainement, que l'auteur dans fes voyages n'a rien négligé pour engager les plus mauvais écrivains à traduire fa tragédie: il lui était bien plus aifé de payer un traducteur que de rendre fa piéce bonne.

L

REPONSE

D E

MR. DE VOLTAIRE

A MR. DE LA LINDELL E.

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A lettre que vous m'avez fait l'honneur de m'écrire, Monfieur doit vous valoir le nom d'hypercritique qu'on donnait à Scaliger. Vous me paraiffez bien redoutable; & fi vous traitez ainfi Mr. Maffei, que n'ai - je point à craindre de vous ? J'avoue, que vous avez trop raison fur bien des points. Vous vous êtes donné la peine de ramasser beaucoup de ronces & d'épines; mais pourquoi ne vous êtes-vous pas donné le plaifir de cueillir les fleurs? Il y en a fans doute dans la pièce de Mr. Maffei, & que j'ofe croire immortelles. Telles font les fcènes de la mère & du fils, & le récit de la fin. Il me femble que ces morceaux font bien touchans & bien pathétiques. Vous prétendez que c'eft le fujet feul qui en fait la beauté; mais, Monfieur, n'était-ce pas le même fujet dans les autres auteurs, qui ont traité la Mérope? Pourquoi avec les mêmes secours n'ont-ils pas eu le même fuccès ? Cette feule raifon ne prouve-t-elle pas, que Mr. Maffei doit autant à fon génie qu'à fon fujet?

Je ne vous le diffimulerai pas. Je trouve que Mr. Maffei a mis plus d'art que moi dans la manière dont il s'y prend pour faire penfer à Mérope que fon fils eft l'affaffin de fon fils même. Je n'ai pû me fervir comme lui d'un anneau parce que depuis l'anneau royal dont Boileau se moque dans fes fatyres, cela femblerait trop petit fur notre théâtre. Il faut fe plier aux ufages de fon fiécle & de fa nation; mais

par

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REPONSE DE MR. DE V. A MR. DE LA L. par cette raison-là même il ne faut pas condamner légèrement les nations étrangères.

Ni Mr. Maffei ni moi n'expofons des motifs bien nécesfaires pour que le tyran Polifonte veuille abfolument épouser Mérope. C'eft peut-être là un défaut du sujet; mais je vous avoue, que je crois, qu'un tel défaut eft fort léger, quand l'intérêt qu'il produit eft confidérable. Le grand point eft d'émouvoir & de faire verfer des larmes. On a pleuré à Vérone & à Paris : voilà une grande réponse aux critiques. On ne peut être parfait; mais qu'il eft beau de toucher avec fes imperfections ! Il eft vrai qu'on pardonne beaucoup de chofes en Italie, qu'on ne pafferait pas en France; premiérement parce que les goûts, les bienféances, les théâtres n'y font pas les mêmes; fecondement, parce que les Italiens, n'ayant point de ville où l'on représente tous les jours des piéces dramatiques, ne peuvent être auffi exercés que nous en ce genre. Le beau monftre de l'opéra étouffe chez eux Melpomène ; & il y a tant de caftrati, qu'il n'y a plus de place pour les Efopus & les Rofcius. Mais fi jamais les Italiens avaient un théâtre régulier, je crois qu'ils iraient plus loin que nous. Leurs théâtres font mieux entendus, leur langue plus maniable, leurs vers blancs plus aifés à faire, leur nation plus fenfible. Il leur manque l'encouragement, l'abondance & la paix, &c.

Tom. III. & du Théâtre le fecond.

D

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ACTEURS.

MÉROPE, veuve de Cresfonte Roi de Meffène.

EGISTE, fils de Mérope.

POLIFONTE, tyran de Messène.

NARBAS, vieillard.

EURICLES, favori de Mérope.

EROX, favori de Polifonte.

ISMENIE, confidente de Mérope.

La scène eft à Meffène, dans le palais de Mérope.

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