méchants à qui il suffisait, pour la haïr, de voir l'affection qu'elle témoignait pour Notre-Seigneur qu'ils avaient en si grande horreur, et qui, pour se moquer de son changement, disaient qu'elle voulait faire la sainte, comme on le dit encore aujourd'hui aux personnes qui se convertissent à Dieu, quoique toutes ne soient pas en aussi mauvaise réputation qu'était alors cette admirable pénitente? Mais il est certain, mes sœurs,qu'elle a eu la meilleure part, parce que ses souffrances ont été extrêmes, puisque, sans parler de la douleur insupportable que ce lui était de voir tout un peuple avoir une haine si horrible pour son Sauveur, que ne souffrit-elle point à sa mort? Je suis persuadée que ce qu'elle n'a pas fini ses jours par le martyre, vient de ce qu'elle l'endura alors, et qu'elle a continué de le souffrir durant tout le reste de sa vie, par le terrible tourment que ce lui était d'être séparée de son divin Maître ; et l'on voit par là que cette illustre sainte n'était pas toujours aux pieds de Notre-Seigneur dans la contemplation et dans la joie. La seconde objection que vous me pourrez faire, est que vous travailleriez de bon cœur à gagner des âmes à Dieu, mais que votre condition et votre sexe ne vous le permettent pas, puisqu'ils vous rendent incapables d'enseigner et de prêcher comme faisaient les Apôtres. J'ai répondu à cela dans quelque autre traité, et quand ce serait dans celui-ci, je ne laisserai pas de le redire, parce que, dans les bons désirs que Dieu vous donne, cette pensée vous peut venir dans l'esprit. J'ai donc dit ailleurs qu'il arrive quelquefois que le démon nous inspire des desseins qui sont au-dessus de nos forces, afin de nous faire abandonner ceux que nous pourrions exécuter, et qu'ainsi nous ne pensions qu'à faire des choses qui nous sont impossibles. Contentez-vous donc, mes sœurs, du secours que vous pouvez donner par l'oraison à quelques âmes, et ne prétendez pas de pouvoir être utiles à tout le monde, mais tâchez de l'être aux personnes en la compagnie desquelles vous vivez. Votre action sera en cela d'autant plus parfaite que vous êtes plus obligées de les servir que non pas les autres. Car croyez-vous que ce soit peu faire de les exciter et animer toutes par votre humilité, par votre mortification, par votre charité, et par tant d'autres vertus, à augmenter de plus en plus leur amour pour Dieu, et leur ardeur de le servir? Rien ne lui peut plaire davantage, ni vous être plus utile; et Vous voyant ainsi faire tout ce qui dépend de vous, il connaîtra que vous feriez encore beaucoup davantage, si vous le pouviez, et ne vous récompensera pas moins que si vous lui aviez gagné plusieurs âmes. CONCLUSION DE CE TRAITÉ. Pour conclusion, mes filles, ne prétendons point de rien édifier que sur un solide fondement. Notre divin époux ne considère pas tant la grandeur de nos œuvres que l'amour avec lequel nous les faisons, et la proportion qu'elles ont avec notre pouvoir. Il l'augmentera de jour 46 S. TH. I. en jour, pourvu que nous ne nous lassions point de travailler, et que durant le peu qui nous reste à vivre, et moins encore peut-être que chacune de nous ne pense, nous lui offrions sans réserve notre corps avec notre âme. Ce sacrifice lui sera si agréable, qu'il le joindra à celui qu'il offrit à son Père sur la croix, afin qu'il le récompense, non selon la petitesse de nos œuvres, mais selon le prix que lui donne la volonté avec laquelle nous nous consacrons à lui. Plaise à sa divine majesté, mes chères sœurs et mes chères filles, que nous nous trouvions toutes ensemble dans cette demeure éternelle, où l'on ne cesse jamais de louer Dieu, et que je puisse faire voir dans mes actions quelques effets de ce que vous lirez dans mes écrits, par les mérites de son Fils, qui vit et règne aux siècles des siècles. Ainsi soit-il. Car, en vérité, ma confusion d'être si imparfaite est si grande, que je ne saurais trop vous conjurer en son nom de ne pas oublier dans vos prières celte pauvre pécheresse. Quoiqu'en commençant d'écrire ceci, j'y eusse, comme je l'ai dit, une grande répugnance, je me suis trouvée, après l'avoir achevé, fort aise de l'avoir fait, et tiens pour bien employé le peu de peine qu'il m'a donné, parce que considérant, mes sœurs, l'étroite clôture dans laquelle vous passez votre vie, le peu de divertissement que vous avez, et les incommodités qui se rencontrent dans quelques-uns de nos monastères, j'espère que vous trouverez de la consolation dans ce château intérieur, où vous pourrez, à quelque heure que ce soit, entrer, et vous promener, sans en demander la permission à vos supérieurs. Il est vrai néan– moins que vous ne sauriez, par vos propres forces, quoiqu'elles vous paraissent grandes, vous ouvrir l'entrée des demeures qu'il enferme. Ce souverain qui y règne est seul capable de vous la donner; et pour peu que vous y trouviez d'obstacle, gardez-vous bien de l'entreprendre, puisque, quelques efforts que vous fissiez, ils vous seraient inutiles. Mais ce roi des anges et des hommes aime tant l'humilité que, pourvu qu'il reconnaisse que vous en avez, encore que vous ne soyez pas dignes d'entrer dans la troisième demeure, vous vous le rendrez bientôt si favorable par le moyen de cette vertu, qu'il vous introduira dans la cinquième ; et si vous travaillez avec ardeur, et vous efforcez de plus en plus de lui plaire, il vous recevra enfin dans cette septième et dernière demeure, qui est le glorieux séjour qu'il honore de sa présence. Lorsque vous serez si heureuses que de vous trouver en cet état, n'en sortez point, si vous n'y êtes obligées par le commandement de la prieure, à qui il veut que vous obéissiez comme à lui-même. Pourvu que vous en usiez en cette manière, la porte vous en sera toujours ouverte, lorsque vous voudrez y retourner; et quand vous aurez une fois goûté les saintes et inconcevables délices qui s'y rencontrent, il n'y aura point de si grands travaux que l'espérance de vous y recevoir ne rende faciles à supporter; et cette espérance a cet avantage que personne ne vous la saurait ravir. Chacune des sept demeures dont j'ai parlé, a comme divers appartements au dessus, au dessous et aux côtés, qui sont accompagnés de beaux jardins, de vives fontaines, d'agréables labyrinthes, et d'autres objets si délicieux, que l'âme voudrait s'occuper sans cesse à louer ce grand Dieu qui en est l'auteur, et qui semble avoir pris plaisir à imprimer en eux son image et sa ressemblance. Que si vous trouvez, mes sœurs, quelque chose de bon en la manière dont j'ai tâché d'éclaircir les sujets que j'ai traités dans ce discours, croyez très-certainement que Notre-Seigneur me l'a inspiré pour votre satisfaction; et quant à ce qui vous y paraîtra défectueux, ne doutez point qu'il ne vienne de moi. Je vous conjure, par l'extrême désir que j'ai de contribuer de tout ce que je puis pour vous aider à servir cette suprême majesté, de lui donner de grandes louanges toutes les fois que vous lirez ceci, et de lui demander l'augmentation de son église, la lumière nécessaire aux hérétiques pour les tirer de leur erreur, le pardon de mes péchés, et de me délivrer des peines du purgatoire où je serai peut-être encore lorsque ce discours verra le jour, si on n'y trouve rien qui l'en rende indigne, après avoir été examiné par des gens savants. S'il s'y rencontre quelques erreurs, on ne les doit attribuer qu'à mon peu d'intelligence, puisque je me soumets entièrement à tout ce que croit la sainte église catholique et romaine, dans laquelle je proteste de vouloir vivre et mourir. Que Notre-Seigneur soit béni et loué à jamais. Ainsi soit-il. J'ai achevé d'écrire ceci dans le monastère d'Avila, la veille de saint André de l'année 1577, et je souhaite qu'il réussisse à la gloire de Dieu qui vit et règne éternellement. CONTENUES DANS CE PREMIER VOLUME. <««O»> BREF du pape Paul V au roi de France, Henri IV. BULLE de la canonisation de la bienheureuse vierge Thérèse. CHAPITRE PREMIER. Vertus du père et de la mère de la Sainte. Soin qu'ils pre- naient de l'éducation de leurs enfants. La Sainte n'étant âgée que de six ou sept ans, entre, avec un de ses frères, dans le désir de souffrir le martyre. CHAP. I. Préjudice que reçut la Sainte de la conversation d'une de ses paren- tes. Combien il importe de ne fréquenter que des personnes vertueuses. On la met en pension dans un monastère. CHAP. III. Grands avantages que tire la Sainte d'une excellente religieuse, sous la conduite de laquelle elle était avec les autres pensionnaires. Elle commence à concevoir un faible désir d'être religieuse. Une grande maladie la contraint de retourner chez son père. Elle passe chez un de ses oncles, qui était très- vertueux, et en suite du peu de séjour qu'elle y fit, elle se résout à être reli- CHAP. IV. La Sainte prend l'habit de religieuse, et sent en même temps un très- grand changement en elle. Elle retombe dans une si grande maladie, que son père est obligé de la faire sortir du monastère pour la faire traiter. Celui de ses oncles dont il a été ci-devant parlé, lui donne un livre qui lui sert beau- coup pour lui apprendre à faire l'oraison; et elle commence à entrer dans Toraison de quiétude et même d'union, mais sans la connaître. Elle eut be- soin, durant plusieurs années, d'avoir un livre pour se pouvoir recueillir dans CHAP. V. Préjudice que la Sainte dit avoir toujours reçu des demi-savants. Dieu se sert d'elle pour retirer son confesseur d'un grand péril. La maladie de la Sainte la réduit en tel état qu'on la croit morte. CHAP. VI. Extrémités où la Sainte se trouve encore après cette merveilleuse faiblesse. Elle se fait ramener dans son monastère, et demeure percluse du- rant trois ans. Patience avec laquelle elle souffre tous ses maux. Ses dispo- sitions intérieures. Elle a recours à S. Joseph, et recouvre la santé par son intercession. Grandes louanges de ce saint. CHAP. VII. La Sainte, après être guérie, se rengage en des conversations dan- gereuses, et, par une fausse humilité, n'ose plus continuer à faire oraison. Combien la clôture est nécessaire dans les monastères de femmes, et quel mai c'est de mettre des filles dans les maisons non réformées. Jésus-Christ appa- raît à la Sainte avec un visage sévère. Elle engage son père à faire oraison; il y fait un grand progrès, et meurt saintement. La Sainte sort de son monas- ière pour l'assister. Un religieux dominicain la porte à rentrer dans l'exercice de l'oraison. Combat qui se vrait en elle-même, parce qu'elle n'était pas encore détachée de ces conversations inutiles et dangereuses. Quelle peine c'est à une âme qui aime Dieu, de recevoir de lui des faveurs au lieu de châ- timents, lorsqu'elle l'offense encore; et combien grand est le besoin de com- muniquer avec des personnes vertueuses, pour se fortifier dans ses bonnes CHAP. IX. Impression qu'une image de Jésus-Christ tout couvert de plaies fit dans l'esprit de la Sainte. Avantages qu'elle tirait de se représenter qu'elle l'accompagnait dans la solitude, et de la lecture des Confessions de S. Au- gustin. Qu'elle n'a jamais osé demander à Dieu des consolations. CHAP. X. Manière dont la Sainte était persuadée de la présence de Jésus-Christ dans elle. Des joics qui se rencontrent dans l'oraison. Que c'est une fausse humilité que de ne pas demeurer d'accord des grâces dont Dieu nous favorise. 177 CHAP. XI. L'oraison n'est autre chose que le chemin pour arriver à devenir heu- reusement esclave de l'amour de Dieu; mais souvent, lorsque l'on croit avoir entièrement renoncé à tout, il se trouve que l'on y est encore attaché. Celui qui commence à faire oraison, doit s'imaginer que son âme est un jardin qu'il entreprend de cultiver. Quatre manières de l'arroser par l'oraison, dont la pre- mière est comme tirer de l'eau d'un puits avec grande peine; la seconde, d'en tirer avec une machine; la troisième, d'en tirer d'un ruisseau par des rigoles; la quatrième, de le voir arroser par la pluie qui tombe du ciel. Et la Sainte traite dans ce chapitre de la première de ces quatre manières d'oraison qui est la mentale, et dit qu'il faut bien se garder de s'étonner des sécheresses qui s'y rencontrent, et de quelle manière on doit alors se conduire. CHAP. XII. La Sainte continue à parler de l'oraison mentale. Elle dit qu'il faut bien se garder de prétendre à un état plus élevé, si Dieu lui-même ne nous y élève. Elle rapporte comme Dieu la rendit, en un moment, capable de faire connaître à ses confesseurs les grâces dont il la favorisait. CHAP. XIII. Divers avis très-utiles pour ceux qui commencent à vouloir faire oraison, afin de se garantir des piéges que le démon leur tend pour les empè- cher de s'y avancer. Combien il importe de communiquer avec des personnes CHAP. XIV. De l'oraison de quiétude ou de recueillement, qui est la seconde sorte d'oraison que la Sainte compare à la seconde manière d'arroser ce jardin spirituel par le moyen d'une machine qui tire de l'eau avec une roue. CHAP. XV. La Sainte continue à traiter de l'oraison de quiétude ou de recueil- lement, et donne d'excellents avis sur ce sujet. CHAP. XVI. De l'oraison d'union, qui est la troisième sorte d'oraison, que la Sainte compare à la troisième manière d'arroser un jardin par des rigoles CHAP. XIX. La Sainte continue à traiter, dans ce chapitre, de l'oraison de ra- vissement ou d'extase; elle parle des effets qu'elle opère dans l'âme, et ex- horte encore à ne discontinuer jamais, pour quelque cause que ce soit, de faire CHAP. XX. De la différence qu'il y a entre l'oraison d'union et celle de ravisse- ment, et des merveilleux effets que produit cette dernière. CHAP. XXI. La Sainte continue et achève de traiter, dans ce chapitre, de la quatrième manière d'oraison, qui est le ravissement, et des effets qu'elle CHAP. XXII. Qu'il ne faut pas porter notre esprit à une contemplation trop éle- vée, si Dieu même ne l'y porte. Erreur où la Sainte dit qu'elle avait été de n'oser envisager l'humanité de Jésus-Christ, dans la créance que ce lui était un obstacle pour arriver à une oraison plus sublime. CHAP. XXIII. La Sainte reprend le discours de la suite de sa vie. Avantages qu'elle reçoit des excellents avis d'un gentilhomme de très-grande verta, et de la conduite d'un père de la compagnie de Jésus, à qui elle fit une confes- CHAP. XVII. La Sainte continue à parler dans ce chapitre de l'oraison d'union. 216 CHAP. XVIII. De la quatrième sorte d'oraison, qui est l'oraison de ravissement ou d'extase, ou d'élévation et transport d'esprit, qui sont des termes différents 919 CHAP. XXIV. La Sainte ayant, par le conseil de son confesseur, demandé à Dieu, dans l'oraison, de l'assister pour le contenter en tout, elle tombe en extase. Dieu lui parle pour la première fois, et lui change en un moment tel- lement le cœur, qu'elle se détache de toutes les affections qui, bien qu'elles lui parussent innocentes, lui étaient fort préjudiciables. CHAP. XXV. De la différence qu'il y a entre les paroles que Dieu dit à quelques |