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d'en prendre autant de soin que si elle eût été la sienne. C'était un homme fort attaché à la régularité de ses pratiques, et, bien loin que l'indisposition de sa nièce lui fût une occasion d'en interrompre le cours, il lui proposa de s'associer elle-même à ses œuvres de piété. Thérèse, qui n'était guère en état de s'assujétir à ce genre de vie, ne s'y plaisait pas beaucoup. Elle ne voulut pas néanmoins refuser son oncle, et lui cacha aisément ses incommodités, car sa complaisance a toujours surmonté ses répugnances les plus fortes. Enfin, peu à peu elle se rétablit, et trouvait une satisfaction particulière à lire les livres que son oncle lui mettait entre les mains. Elle en lut quelques-uns sur la vie spirituelle, qui lui donnèrent beaucoup d'attrait pour marcher dans les voies de la perfection évangélique, et qui furent les premiers moyens dont Dieu se servit pour l'élever à cette sublime contemplation où elle arriva dans la suite. Comme l'envie de se faire religieuse commençait à se former tout-à-fait en elle quand elle quitta Notre-Dame-de-Grâce, à force de se nourrir de la vérité, son cœur s'affermissait de plus en plus dans la résolution de quitter le monde; et quand le moment de faire ce divorce se présentait à son esprit, elle ne se trouvait plus si agitée qu'elle l'avait été dans la maison d'où elle était sortie. Cependant elle ne se déterminait pas entièrement; elle fut trois mois à combattre, et l'état de la vie religieuse qui lui paraissait le meilleur, n'était point encore de son goût: Je me représentais, dit-elle, que les peines de la religion ne pouvaient être tout au plus que comme les peines du purgatoire, et qu'ayant mérité l'enfer, je n'aurais pas sujet de me plaindre, quand je serais dans le purgatoire tout le temps que j'avais à vivre pour aller ensuite dans le ciel, car c'était toujours là mon désir. Ce furent enfin les Épitres de saint Jérôme, qui achevèrent l'ouvrage de son sacrifice; elle lisait avec une extrême consolation les avis que ce Père de l'Eglise donnait à toutes ces dames romaines, qui, pour s'y conformer, renonçaient courageusement à l'abondance de leurs richesses, et à toutes les délicatesses de leur àge, de leur sexe, et de leur naissance. Elle se proposa donc d'entrer dans le couvent dès qu'elle aurait dit à son père son dessein: Car le lui déclarer, dit-elle, et prendre l'habit, c'était la même chose. J'étais si glorieuse, que l'ayant dit une fois, il me semble que je n'aurais pu consentir à me dédire.

Dès qu'elle fut revenue chez son père, elle s'expliqua sans aucuns détours, mais trouva dans lui plas d'opposition qu'elle n'avait prévu. Elle employa auprès de lui la médiation de quelques personnes, qui ne purent obtenir son consentement. Il aimait sa fille avec excès, et ne pouvait se résoudre à s'en séparer pour toujours. Mais Thérèse se défiait trop de son cœur pour s'exposer davantage aux illusions du monde qui l'avaient déjà séduite. Elle observa l'occasion de s'échapper, et ne l'eut pas plus tôt trouvée, qu'elle la saisit. Ainsi, sans se découvrir à personne qu'à l'un de ses frères qu'elle prit avec elle pour l'accompagner, et qu'elle avait aussi engagé à se retirer du monde, elle alla se renfermer dans le monastère de l'Incarnation d'Avila, où elle demanda l'habit religieux. Ce couvent était de l'ordre de Notre-Dame-du-Mont-Carmel, et avait été bâti par une duchesse de Médina Céli, deux ans avant la naissance de Thérèse. Il est situé hors la ville, du côté du nord. Il y a une très-belle église, de spacieux logements, un cloitre magnifique et de beaux jardins. A peine Thérèse avaitelle dix-huit ans quand elle exécuta ce dessein.

Comme ce n'était pas un amour de Dieu bien dominant qui la déterminait à ce qu'elle faisait, l'éloignement du monde et la séparation de son père se firent vivement sentir. La description qu'elle fait elle-même de l'état où elle fut alors, donne une idée bien terrible de ce qu'elle souffrait. Il me semble, dit-elle, que sortant du logis tous mes os se déboitèrent, et que mon cœur se déchira en mille pièces. On peut aisément s'imaginer ce que la forte amitié qu'elle avait pour son père dut Jui

causer de violence, et quel cruel hommage fit à la nature un cœur aussi tendre que le sien.

Thérèse fit choix de cette maison religieuse plutôt que d'une autre, parce qu'elle y avait une intime amie nommée Jeanne Suarez, et que d'ailleurs on y vivait avec régularité. En arrivant au monastère, elle dissimula si bien son agitation, que personne ne s'en aperçut. Elle y entra avec un air gai et un visage serein. Toute la communauté, qui ne savait pas ce qu'il en coûtait à sa raison pour paraître de si agréable humeur, la reçut avec beaucoup de joie, dans l'espérance que de si heureux commencements auraient des suites encore plus heureuses. Son père, qui la vit persévérer si courageusement, ne s'opposa plus à ce qu'elle voulait, et fit un sacrifice à Dieu de tous les mouvements de sa tendresse.

Thérèse commençait le sien, éclairée seulement d'une foi pure, sans que les douceurs de la grâce répandissent la joie dans son cœur : mais elle ne s'arrêta point aux idées tristes qui l'effrayaient; elle espéra toujours que Dieu n'établirait jamais mieux en elle le règne de son amour, que sur les débris de l'amour-propre, et ne fut pas trompée dans sa confiance; car dès qu'elle eut pris l'habit, toutes ses frayeurs se dissipèrent, et toutes ses peines s'évanouirent. Il semblait que Dieu n'attendait que de lui voir exécuter ce qu'il lui avait inspiré pour la remplir de consolations célestes, et pour lui faire connaître combien il favorise une âme qui force ses propres inclinations pour lui plaire. Elle reçut en ce moment une satisfaction si parfaite de se voir religieuse, qu'elle n'en a jamais perdu le goût. Les pratiques les plus humiliantes de la religion devinrent ses délices. Lors, dit-elle, que je balayais dans la maison aux mêmes heures que j'avais auparavant employées aux divertissements et à la parure, je me plaisais à penser combien j'étais heureuse d'être délivrée de ces vanités séduiso ales, et je sentais une joie si vive à me souvenir de mon affranchissement, que j'en étais surprise moimême, et ne pouvais comprendre d'où cela venait.

Cette révolution de sentiments qu'elle éprouva fit sur elle une telle impression, qu'elle demeura persuadée que, quand Dieu nous inspire quelque chose pour son service, les répugnances qu'on y ressent ne doivent jamais être écoutées, et que plus on les méprise, plus on en connaît ensuite l'illusion: Si l'âme, dit-elle, se soulève et se trouve étonnée jusqu'à ce qu'on ait mis la main à l'œuvre, c'est Notre-Seigneur qui le permet ainsi pour rendre la victoire plus complète, le mérite plus grand, et la récompense plus abondante.

Thérèse passa l'année de son noviciat dans une ferveur toujours égale, malgré les diverses incommodités que lui causa le changement de vie et de nourriture. Les occupations les moins propres à sa délicatesse ne la rebutaient point. Il y avait dans ce monastère une religieuse attaquée d'une si dégoûtante maladie qu'elle faisait horreur à voir, et toutes les sœurs l'abandonnaient comme si elle eût eu la peste. Thérèse se rendit assidue auprès d'elle, marquant la joie qu'elle avait de la secourir de toutes les façons. et le peu de peine qu'elle trouvait à lui rendre toutes sortes de services.

Pendant qu'elle était toujours fidèle à remplir les observances régulières, le démon fit de nouveaux efforts pour ébranler sa constance car avant le temps de sa profession qui s'approchait, il lui vint quelques doutes dans l'esprit sur la faiblesse de son tempérament, dont ses infirmités continuelles lui apprenaient assez à se détier. Elle craignit de succomber sous les austérités de sa règle, et sentit chanceler sa résolution. Mais un rayon de grâce lui découvrit le piége de l'ennemi, et se souvenant aussitôt des violents combats qu'à sa prise d'habit elle avait soutenus, et qui avaient été suivis de tant de faveurs du ciel, elle fit les vœux de son engagement à l'âge de dix-neuf ans, avec une humilité couragense; et fut ensuite si contente et si parfaitement dé

tachée, qu'elle croyait, dit-elle, en certains moments voir tout l'univers sous ses pieds.. Il n'y eut personne dans cette communauté qui ne lui témoignât de l'affection, et il eût été bien difficile de faire autrement et de ne la pas aimer; car elle avait toutes les qualités convenables à la société religieuse. Jamais elle ne murmurait ni contre les bizarreries des humeurs, ni contre la sévérité des pratiques; nulle aversion, nulle prédilection ne la divisait, et cette conduite lui mérita si bien l'estime de ses sœurs, qu'elles s'adressaient souvent à elle, et la faisaient dépositaire de leurs inquiétudes et de ce qui causait quelquefois entr'elles de petits refroidissements de charité. Rien alors n'était plus admirable que sa discrétion et sa prudence; car elle n'entrait dans aucune de ces pitoyables émotions qui défigurent la beauté des maisons les plus ferventes. Peut-être ces justes mesures qu'elle observa furent-elles aussi la cause du peu de justice qu'on lui rendit quelquefois : car les personnes vivement touchées de leurs intérêts ne s'accommodent pas de cette impartialité, et veulent toujours qu'on se déclare.

Thérèse, qui déplorait incessamment les dissipations de sa première jeunesse, ne se lassait point d'en gémir, et quand elle avait accompli tous ses devoirs, elle employait le temps qui lui restait pour demander à Dieu ses miséricordes. De sorte qu'elle vivait dans une si profonde solitude, que quelques religieuses, à qui sa grande retraite no plaisait pas, l'accusèrent de singularité. Elle se conduisit d'une manière si sage cn cette occasion, qu'il ne lui échappa ni justification, ni plaintes; elle ne mécontenta pas une de ses sœurs, et ne parut aussi mécontente de personne. Elle laissa croire sur sa grande retraite tout ce qu'on en voulut imaginer, même le soupçon qu'on en conçut contr'elle qu'elle s'ennuyait dans son état.

Cependant les mortifications qu'elle s'était imposées au-delà même des règles communes, la mirent enfin dans un tel épuisement, qu'elle en fut accablée; ses défaillances augmentèrent; elle sentit de violents maux de cœur, dont furent étonnés ceux qui la voyaient; elle eut de fréquents évanouissements où elle perdit connaissance, et plusieurs autres incommodités qui lui firent passer l'année d'après sa profession dans des souffrances continuelles. Elle supporta tous ces maux, possédant son âme dans sa patience, et bénissant toujours la main divine qui la frappait. On employa toutes sortes de remèdes pour la soulager. Sa communauté, à qui elle était extrêmement chère, n'oublia rien pour y réussir; et son père, qui ne l'avait jamais tant aimée, l'ayant fait voir à tous les médecins d'Avila, sans qu'ils pussent lui donner le moindre soulagement, la fit sortir du couvent, pour la mener dans un endroit où on lui faisait espérer qu'elle recevrait sa guérison, par le moyen d'une femme qu'on disait être fort habile. Thérèse prit avec elle, pour l'accompagner, sa bonne amie Jeanne Suarez; c'était une religieuse de grande vertu, et déjà avancée en âge. Comme dans leur monastère, quoiqu'assez régulier, on ne faisait pas profession de clôture, leur sortie n'eut rien qui pût scandaliser les yeux du public. Elles sortirent sur la fin de l'automne, et les remèdes que devait prendre Thérèse, ne pouvant avoir leur efficace qu'au commencement du printemps, son père crut la devoir mener à la campagne chez sa sœur, pour leur donner à toutes deux la joie de se voir, car elles s'aimaient passionnément. Ils s'arrêtèrent encore sur le passage comme la première fois, à la maison de son oncle, qui les reçut avec plaisir dans sa solitude, où il continuait à servir Dieu. Il trouva sa nièce dans des dispositions qui réjouirent beaucoup sa piété, et lui prêta des livres capables de lui donner du goût et des facilités pour la prière, et qu'elle emporta chez sa sœur.

Ce fut alors que Dieu commença à lui découvrir les trésors immenses de sa grâce, et lui fit goûter quelque chose de ces dons sublimes d'oraison qui l'ont si fort élevée › au-dessus des voies communes, et l'ont si étroitement unie avec Jésus-Christ.

Dars cette maison de campagne, où la solitude lui donnait les moyens de réfléchir sur les vérités divines qu'elle recommençait à goûter plus que jamais, elle éprouva combien le Seigneur est doux à une âme dégagée des liens de la vanité. Sa sœur n'épargnait rien pour lui rendre agréable le séjour de sa maison, et son amitié seule pour Thérèse eût été plus capable que toute autre chose de contribuer à son soulagement, si ses maux l'eussent moins accablée. Elle fut jusqu'au mois d'avril en ce lieu; et lorsqu'au commencement du printemps les plantes eurent repris leur force et leur vertu, elle fut menée au village de Becde, où demeurait la femme qui la devait traiter; on lui fit prendre pendant un mois des remèdes violents, nullement convenables à ses maladies, et de beaucoup trop forts pour la délicatesse de sa complexion. Thérèse en fut tellement abattue et fatiguée, que la fièvre la reprit; elle ne dormait ni nuit ni jour; toute nourriture la dégoûtait; ses nerfs commencèrent à se retirer, ce qui lui causa d'extrêmes douleurs : jusques-là, dit-elle, qu'il lui semblait qu'on lui arrachait le cœur avec des dents aiguës. Et de plus, elle tomba dans une profonde mélancolie qui la dévorait encore plus que sa fièvre. Quand cette humeur sombre est habituelle et naturalisée au tempérament, on se plaît dans les noires idées qu'elle produit; mais quand elle vient par occasion et par excès dans un esprit où la joie fait sa résidence ordinaire, elle y cause de tristes ravages.

Thérèse en fit l'expérience; mais comme elle était accoutumée à chercher sa consolation dans le fréquent usage des sacrements, elle s'informa s'il n'y aurait point par hasard dans un endroit si dépourvu, quelque homme éclairé qu'elle pût prendre pour son confesseur. Comme il n'y avait pas à choisir, elle prit le seul ecclésiastique qui s'y trouva. Ce prêtre avait de l'esprit, et quelque légère teinture de science. Dans les conversations qu'il eut avec Thérèse, il découvrit bientôt l'étendue de son mérite, et fut vivement touché de voir tant de piété solide dans une si jeune personne; car elle n'avait alors que vingt-deux ans. Thérèse se plaisait aussi beaucoup avec lui, mais prenait plus de plaisir à l'entretenir de Dieu que d'autre chose, ce qui n'engageait pas moins l'ecclésiastique; car plus les femmes, dit-elle, ont de vertu, plus on sent de penchant à les estimer. Il prit enfin tant de confiance en sa pénitente, qu'il lui avoua que depuis plusieurs années il était scandaleusement en mauvais commerce avec une femme dont il ne pouvait rompre les chaînes. Thérèse était trop compatissante pour ne pas s'intéresser à son malheur; elle employa toutes les adresses de la charité, celles même de son esprit, pour démêler ce qui s'opposait à l'affranchissement de ce misérable, et ayant reconnu ce que c'était, elle l'obligea de lui remettre une petite idole de cuivre qu'il portait au cou par ordre exprès de cette femme; et dès qu'il l'eut quittée, il fut changé.

Thérèse, qui n'ajoutait pas foi à ces sortes de choses, continua de faire à Dieu des prières aussi ferventes pour la persévérance de cet homme, qu'elle en avait fait pour sa conversion. Il passa le reste de sa vie dans la pénitence, et mourut en bon chrétien.

Après qu'elle eut essuyé durant trois mois toutes les ignorances de la villageoise empirique, elle revint à Avila beaucoup plus malade que quand elle en était partie, et alla descendre chez son père. On la mit entre les mains des médecins de la ville, qui n'en espéraient presque rien, et la regardaient comme attaquée d'une fièvre étique. Ses maux redoublèrent encore dans les opérations des remèdes, sans néanmoins affaiblir sa patience ni son courage. Le souvenir de l'histoire de Job, qu'elle avait lue dans les Morales de saint Grégoire, l'encourageait à souffrir, et elle se soutenait avec ces paroles Si nous avons reçu les biens de la main de Dieu, pourquoi n'en recevrionsnous pas aussi les maux?

La fête de l'Assomption approchait, et, se sentant de plus en plus affaiblir, elle demanda les sacrements. Son père, par une tendresse mal éclairée, ne voulut pas qu'elle les reçût; il dit qu'elle serait effrayée par cet appareil, et que, connaissant la vivacité de sa ferveur, elle ferait des efforts pour s'y préparer, qui lui causeraient des révolutions dangereuses à sa santé. Déjà six semaines s'étaient écoulées depuis son retour, lorsque le jour même de l'Assomption, pendant le redoublement d'un accès de sa fièvre, elle tomba dans une profonde léthargie qui lui ôta tout mouvement. Elle fut près de quatre jours de suite dans cet état, sans donner aucun signe de vie à tous les tourments qu'on lui fit souffrir pour la réveiller.

Dans la crainte de la voir expirer à tout moment, on lui donna l'extrême-onction; et enfin peu de temps après on ne douta plus qu'elle ne fût morte. Le bruit s'en répandit partout. On fit même un service pour elle dans un des couvents de son ordre. On avait creusé sa fosse dans son monastère, d'où quelques religieuses furent députées selon leur usage pour venir enlever le corps. Le père, qui se connaissait fort aux battements du pouls, ne voulut jamais convenir qu'elle fût morte, et s'opposa seul à son enterrement. Enfin au bout de quatre jours elle revint, et se plaignit tendrement qu'on l'eût éveillée. Elle dit que, durant ce long évanouissement, Dieu lui avait montré la félicité des saints dans le ciel, et les supplices de l'enfer, et qu'il lui avait révélé beaucoup d'événements futurs, non-seulement sur les affaires générales, mais sur la réforme particulière de son ordre. Les suites ont confirmé la vérité de ses prédictions.

Dès que l'usage des sens lui fut rendu, elle redemanda les sacrements, elle fut confessée, et reçut le saint Viatique. Elle demeura jusqu'à Pâques dans la maison de son père, où elle souffrit des douleurs très-vives. Car au retour de son évanouissement de quatre jours, sa langue était restée toute en pièces des morsures qu'elle s'était faites; son gosier, où rien n'avait passé depuis long-temps, était si sec, que, dans son extrême faiblesse, elle ne pouvait presque respirer ni seulement avaler de l'eau. Il lui semblait que tous les membres de son corps étaient disloqués. Un furieux étonnement de tête ne la quitta point, et toutes ses douleurs enfin se terminèrent à une paralysie universelle qui lui resta.

Tant de maux, sans parler d'un extrême ennui qui l'accablait, demandaient bien du temps pour la rétablir entièrement. Mais dès qu'elle se crut un peu soulagée, elle voulut retourner à son monastère, sans que l'on pût l'en empêcher. Elle y fut tourmentée pendant huit mois par des convulsions et des retirements de nerfs qui lui faisaient souffrir des maux incroyables. L'impuissance de se mouvoir était ce qui l'affligeait te plus; et lorsqu'elle commença peu à peu à se traîner sur ses pieds et sur ses mains, elle devint un peu moins triste. Elle ne fut cependant tout-à-fait délivrée de ses maladies qu'au bout de trois ans, après avoir été inspirée de se recommander à saint Joseph, à qui elle se reconnaît redevable de sa guérison. Depuis ce temps-là elle conserva une dévotion si vive et si fervente pour ce grand saint, qu'en toutes occasions elle eut recours à lui, sans avoir jamais employé vainement son intercession; aussi n'a-t-elle rien oublié de ce qui a dépendu d'elle pour multiplier son culte, et pour engager tout le monde à faire l'épreuve de son pouvoir auprès de Dieu. Car avant elle ce saint n'était presque pas connu parmi les peuples.

Il est surprenant qu'après tant de lumières et de faveurs divines, qu'après les dangers et la délivrance de tant de maladies; qu'en un mot, après tant de grâces si particulières et si récentes, on en perde sitôt l'impression et le souvenir.

Cependant, dès que Thérèse fut guérie, sa piété se ralentit insensiblement. Beaucoup de personnes séculières l'avaient souvent visitée pour faire quelque diversion à

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