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goit les mains, et dit à ses religieuses ces touchantes et dernières paroles : Mes filles et mesdames, je vous prie, pour l'amour de Dieu, que les règles et les constitutions soient exactement observées, et que vous ne vous arrêtiez pas aux exemples de cette indigne pécheresse qui va mourir ; pensez plutôt à lui pardonner. Ce discours fit fondre en larmes toutes ses sœurs, dont pas une n'eut la force de lui répondre. Dès qu'elle aperçut dans sa cellule Jésus-Christ sous les voiles eucharistiques, toute accablée qu'elle était de sa paralysie, elle se leva si courageusement à son séant, que si on ne l'eût retenue, elle se serait jetée à terre. Son amour, à la vue de cet aliment céleste, lui donna des forces. Şon visage se ranima, et parut s'embellir et se rajeunir; alors, tournant ses yeux ardents vers Jésus-Christ, elle dit ces paroles: Venez, Seigneur, venez, cher Epoux : enfin l'heure est venue, et je vais sortir de cet exil. Il est temps, et il est bien juste que je vous voie, après que ce violent désir m'a si long-temps dévoré le cœur. Quand elle eut reçu cette divine nourriture, elle demanda l'Extrême-Onction, et répondit attentivement à toutes les prières des sacrés ministres. Elle ne se lassait point de répéter: Enfin, Seigneur, je suis fille de l'Eglise; et trouvait dans cette pensée une consolation sensible. Le jour de Saint-François, après avoir passé la nuit à souffrir des maux extrêmes, vers les sept heures du matin, elle laissa pencher sa tête sur les bras de la sœur Anne de Saint-Barthélemi, tenant de sa main défaillante un crucifix qu'elle ne quitta point, et qu'on ne put lui ôter qu'après sa mort. Elle demeura paisiblement dans cette posture les yeux ouverts, et fixement attachés sur l'image du Sauveur jusqu'à neuf heures du soir, qu'elle mourut entre les bras de cette tendre et fidèle amie, que la violence de sa douleur pensa faire expirer avec elle.

Thérèse vécut soixante-sept ans, six mois, sept jours. Elle passa quarante-sept ans dans la religion, vingt-sept ans au monastère de l'Incarnation, et les vingt dernières dans sa réforme, dont elle vit l'accroissement jusqu'à seize couvents de religieuses, et quatorze de religieux. Le jour de sa mort, qui fut en l'année 1582, le quatrième d'octobre, se trouve aujourd'hui le quinzième, depuis la réformation du calendrier.

Si les suites de cette mort n'ajoutent rien à la sainteté de Thérèse, elles sont du moins des témoignages éclatants qu'elle est reconnue pour une sainte du premier ordre, à des titres bien incontestables. Nous en rapporterons quelques-uns, et nous les choisirons entre ceux qui sont nis dans la bulle de sa canonisation, et qui sont tirés des informations juridiques que l'on fit en Espagne par ordre du pape Paul V.

Au moment que la Sainte expirait, plusieurs religieuses d'une vertu solide et éprouvée, virent différents signes miraculeux : un globe de lumière qui s'élevait dans les airs; une colombe qui de sa cellule s'élevait au Ciel; Jésus-Christ lui-même, environné de ses anges, autour de son lit; et plusieurs autres prodiges authentiquement attestés, dont le récit édifierait la piété des fidèles, mais qu'il est inutile d'exposer à l'incrédulité des profanes.

La mort n'effaça point les traits de la Sainte; les rides de la vieillesse disparurent sur son visage, et ses membres demeurèrent aussi flexibles que si elle eût été encore en vie. Une odeur agréable parfuma non seulement toute sa cellule et les environs, mais se répandit au loin dans le monastère.

Le corps demeura exposé depuis le soir qu'elle mourut jusqu'au lendemain qu'on célébra la messe; il fut mis ensuite dans un lieu qui servait alors de chœur d'en-bas, et on le posa entre les deux grilles de ce chœur, pour être plus sûrement gardé et tenu plus décemment. Il se fit à ce tombeau plusieurs miracles.

Cependant Dieu fit connaître que ce saint corps n'était pas enterré selon l'excellence de sa dignité, et que les religieuses d'Albe n'avaient pas dû le traiter comme les

autres. Elles se souvinrent de tant de prodiges dont Thérèse les avait rendues les témoins, de tant d'exemples de ferveur, de tant de vertus éminemment pratiquées, et regrettèrent le peu de précaution qu'elles avaient cue pour rendre à ce dépôt précieux tout l'honneur et toute la vénération qu'on lui devait. De temps en temps elles entendaient frapper de grands coups autour du sépulcre; il en sortait souvent une odeur qui parfumait les environs; et tous ces signes leur annonçaient ce que Dieu semblait exiger d'elles.

Le père provincial vint visiter le monastère, et elles lui firent le récit de ces merveilles. Il résolut aussitôt de déterrer le corps, mais le voulut faire secrètement, de crainte que les ducs d'Albe n'en fussent offensés. Ainsi, ayant un soir fait fermer les portes, lui et son compagnon travaillèrent avec les religieuses à ôter le monceau de pierres qu'on avait jetées dans la fosse et sur le cercueil. Plus on approchait, et plus augmentait la bonne odeur. Il faut remarquer qu'il y avait déjà neuf mois que sainte Thérèse était morte. Il découvrirent la caisse; ils trouvèrent la planche de dessus déjà pourrie et pleine de mousse; l'habit de la Sainte, qui ne touchait point la chair, était pourri de même, et le corps était plein de la terre que la corruption de l'habit avait formée : en sorte qu'il fallut le ratisser avec un couteau pour le nettoyer. Quand ils l'eurent bien découvert, ils le trouvèrent aussi entier, aussi flexible et aussi blanc qu'au moment qu'elle était morte. Aussitôt ils se jetèrent tous à genoux, pour rendre hommage à la sainteté de leur mère, et pour adorer les miséricordes de Dieu. Ils revêtirent le corps d'un nouvel habit, et le mirent dans un linceuil de toile fine. Le provincial en coupa la main gauche pour la porter au monastère d'Avila; les religieuses d'Albe s'en affligèrent beaucoup, mais il ne laissa pas de le faire; et, le corps ayant été renfermé dans une caisse neuve, il le fit remettre dans son premier sépulcre, parce qu'il n'était pas encore temps d'y faire un plus grand appareil.

Cela demeura de la sorte jusqu'en l'année 1585, que les Carmes réformés tinrent un chapitre général à Pastrane. Dom Alvare de Mendoce, évêque de Palence, et aupara vant d'Avila, avait beaucoup prié le P. Gratien d'obtenir à ce chapitre que le corps de la Sainte fût porté dans une grande chapelle qu'il y avait fait bâtir du temps qu'il en était évêque. Le P. Gratien fit tout ce qu'il put pour faire agréer la proposition aux pères assemblés. Il allégua que la ville d'Avila avait donné naissance à la Sainte; que le monastère d'où la réforme tirait son origine y était; qu'il semblait plus convenable pour l'honneur et la dévotion de cette sainte de déposer son corps dans cette ville, qui était très-peuplée et très-célèbre, et où il y avait une église cathédrale, plusieurs couvents de religieux et de religieuses, que non pas dans Albe, où il n'y avait rien de tout cela; que Thérèse elle-même avait eu ce dessein, puisqu'en sortant de Burgos elle serait revenue dans Avila, si on ne l'en eût pas empêchée, et qu'elle n'avait été à Albe que par obéissance au père Antoine, par complaisance pour la duchesse, et pour se reposer en chemin.

Après que les pères eurent examiné toutes ces raisons, le nouveau provincial portant la parole, il fut ordonné que le corps serait transporté au monastère de SaintJoseph d'Avila, mais le plus secrètement que l'on pourrait, pour ne point en donner connaissance aux ducs d'Albe. Deux commissaires furent deputés du chapitre pour exécuter cette translation. Ils vinrent notifier leurs patentes à la prieure d'Albe et aux trois plus anciennes religieuses; et en leur présence, pendant que la communauté récitait les matines au chœur, ils enlevèrent le corps, après en avoir coupé le bras gauche pour le laisser au monastère d'Albe. Ils trouvèrent le corps aussi entier et dans le même état qu'à la première visite qu'on en avait faite il y avait deux ans; les habits étaient tout pourris, et le linceuil nullement endomunagé.

On peut se représenter la douleur de ses filles, lorsqu'au sortir de leurs prières elles apprirent qu'on leur avait enlevé leur trésor. Les commissaires étant arrivés à Avila, le corps fut reçu des religieuses de Saint-Joseph avec une joie qu'on ne saurait exprimer. Il fut déposé d'abord dans le chapitre sous un magnifique dais et enrichi de tous les ornements les plus précieux. Cette translation ne put être si secrète qu'on ne le sût. Quelques personnes de la première distinction, et fort affectionnées à sainte Thérèse, demandèrent au provincial la permission de visiter ces précieuses reliques. On la leur accorda sans peine, et ils vinrent de la cour descendre chez l'évêque d'Avila, à qui ils déclarèrent ce qui les amenait. L'évêque envoya dire aux religieuses qu'il se rendrait à leur couvent avec vingt personnes, qu'il leur ordonnait de laisser entrer avec lui pour voir le corps de leur sainte mère.

L'évêque se fit accompagner de quelques médecins habiles qui visitèrent exactement le corps, et furent si surpris de le trouver entier, ferme, flexible, avec les nerfs toujours liés ensemble, sans nulle corruption, et d'où sortait une agréable odeur; qu'ils déclarèrent que cela était trop au-dessus des lois de la nature, pour n'être pas regardé comme un véritable miracle.

Ces nouvelles se divulguèrent et vinrent enfin jusqu'à dom Ferdinand de Tolède, oncle du duc d'Albe, et qui, en l'absence de ce prince, veillait à ses intérêts. Il avait un mérite rare, et une grande réputation; de sorte qu'ayant informé le pape de l'enlèvement qu'on avait fait dans les domaines de son neveu, le Saint-Père en écrivit au nonce qu'il avait en Espagne en 1586, et lui manda d'ordonner aux carmes de faire reporter le corps de sainte Thérèse à la ville d'Albe. Le provincial obéit. Cela se fit néanmoins avec beaucoup de secret, pour éviter l'émotion populaire. On présenta le corps aux religieuses d'Albe, où l'on arriva le 25 d'août 1586. On leur demanda si elles le reconnaissaient; elles le vérifièrent, et déclarèrent que la translation était fidèle; et dans la suite on érigea un monument magnifique dans une chapelle spacieuse du monastère, où ce dépôt précieux se conserve encore aujourd'hui.

Les actes publics qu'on a dressés pour la canonisation de sainte Thérèse, ont été faits avec la plus grande exactitude. Paul V donna la commission de les examiner à l'archevêque de Tolède, et aux évêques d'Avila et de Salamanque. Quand les actes eurent été envoyés à Rome, le pape commit trois auditeurs du palais apostolique, très-vigilants et très-éclairés, pour en faire la discussion. Leur rapport fut que la sainteté de la vierge Thérèse était parfaitement bien prouvée dans ces actes; et le SaintPère les remit aux cardinaux des rites, pour en faire un nouvel examen.

Cependant l'ordre de la réforme de Thérèse s'étendait toujours en Espagne, et les monastères de Carmes et de Carmélites se multipliaient. Les dons célestes ne cessaient point d'enrichir ces paisibles retraites, et ces âmes pures et détachées répandaient au loin la bonne odeur de leurs vertus. Monsieur de Bérulle fut inspiré de faire un voyage en Espagne pour y travailler à l'établissement d'une colonie de cet ordre dans la France. Son dessein réussit heureusement, et il amena dans ce royaume quelques carmélites choisies des plus éminentes en sainteté, et des plus familières compagnes de Thérèse. Le détail de leur arrivée, leur établissement et leurs progrès sont suffisamment expliqués dans la vie de ce grand cardinal; et nous nous contenterons de louer le Seigneur d'avoir éclairé l'Eglise de France par de si vives lumières, et donné de si grands exemples de ferveur à tous les fidèles. Chacun sait que le mérite de ces religieuses est au-dessus de tous les éloges; si l'on entreprenait de leur en faire, on respecterait peu leur modestie; et d'ailleurs, on n'ajouterait rien à la renommée.

Cette colonie française ayant été établie on 1693, Paul V, qui connaissait non seu

lement le mérite éclatant de notre Sainte, mais combien les religieux et les religieuses de sa réforme étaient utiles à l'Eglise, pour y donner l'exemple des vertus les plus parfaites, ne perdit aucune occasion de contribuer à l'étendue de cet ordre, et peu de temps avant que de mourir, il écrivit un bref au roi de France, Henri IV, pour l'in viter à recevoir dans son royaume un détachement de ces religieux, pour qui ce grand prince était déjà favorablement prévenu par tout ce qu'il en avait appris, et par la vie que menaient les carmélites. Voici le bref que le pape lui envoya.

A NOTRE TRÈS-CHER FILS,

HENRI IV,

ROI TRÈS - CHRÉTIEN,

PAUL V, PAPE.

Notre très-cher fils en Jésus-Christ: Salut et bénédiction apostolique. L'unique consolation que nous ayons pour adoucir nos inquiétudes au milieu de nos grands travaux et de nos soins continuels, c'est de voir que, malgré les troubles et les artifices que le démon met incessamment en usage pour s'opposer au culte de la religion et au salut des âmes, on ne manque pas néanmoins de fidèles zélés pour la gloire de Dieu, et animés de charité pour leur prochain, qui, par leurs discours et par leurs exemples, s'efforcent de ramener dans le droit chemin ceux qui s'égarent, et de donner du secours et de la joie à ceux qui travaillent dans la vigne du Seigneur. Certainement on peut mettre parmi ce nombre nos chers fils les frères carmes déchaussés, qui, dans notre bonne ville de Rome, et dans toute l'Italie, ont donné de si beaux exemples de ferveur et de vertus par leurs oraisons, par leurs pénitences, par leurs prédications, par le ministère de la confession et par l'application à tant d'œuvres saintes dont les âmes fidèles retirent un si grand fruit; cela mérite bien l'extrême affection que nous avons pour eux dans le Seigneur, et que tout le monde les respecte et les honore. Or, comme nous avons appris que ces religieux sont très-souhaités dans le florissant royaume de votre majesté; que nous jugeons d'ailleurs que la présence de ces saints soli taires sera très-utile pour rétablir l'ancienne discipline ecclésiastique dans votre royaume, appelé, à si juste titre, très chrétien; et qu'enfin vous nous avez paru si prudem-ment et si dévolement désirer de les avoir, nous exhortons et conjurons instamment votre majesté, par ces présentes, de recevoir en France l'ordre des carmes déchaussés. Nous espérons qu'en peu de temps, votre majesté fera l'expérience du profit qu'en retireront vos sujets. Il est en vérité surprenant combien ils sont capables d'inspirer. la piété dans les cœurs, parce qu'ils cherchent purement la gloire de Dieu, et le salut des âmes, et qu'ils font profession de la pauvreté la plus parfaite dans la simplicité de leur cœur. Notre vénérable frère le cardinal François de Joyeuse, qui vous présentera cette lettre, vous déclarera plus en détail la sainteté de cette religion; et il est chargé de notre part de vous exhorter vivement à cette œuvre de piété; aussi nous supplions. votre majesté de l'écouter comme nous-même, et d'ajouter à ses paroles autant de foi que si nous vous parlions immédiatement. Nous pouvons vous assurer que nous recevrons beaucoup de joie lorsque nous saurons que nos chers fils et frères les Carmes

BULLE DE LA CANONISATION DE SAINTE THÉRÈSE.

125 Déchaussés auront été reçus de votre majesté dans son vaste royaume de France; qu'ils y seront sous vos auspices, et qu'ils y auront fixé leur séjour, comme nous le souhaitons. Nous prions Dieu qu'il vous conserve sous sa protection, et qu'il augmente en vous les dons de sa grâce et de votre zèle pour le rétablissement de la religion catholique. Nous donnons notre bénédiction apostolique du fond de notre cœur à votre majesté.

Donné à Rome, en l'église de Saint-Pierre, le 28 d'avril 1610, et de notre pontificat le cinquième.

Grégoire quinzième, qui fut le successeur de Paul cinquième sur la chaire pontificale, poursuivit avec beaucoup de zèle la canonisation de Thérèse; il entendit le rapport des cardinaux, reçut la décision unanime de tous les différents examinateurs, et rendit public le culte de la Sainte par sa déclaration solennelle du mois de mars mil six cent vingt-et-un.

BULLE

DE LA CANONISATION

DE LÀ

BIENHEUREUSE VIERGE THÉRÈSE.

GRÉGOIRE, ÉVÊQUE,

SERVITEUR DES SERVITEURS DE DIEU.

A PERPÉTUELLE MÉMOIRE.

Le Tout-Puissant Verbe de Dieu, étant descendu du sein de son Père en ce bas monde, pour nous retirer de la puissance des ténèbres, après avoir accompli le temps de sa dispensation, et devant retourner de ce monde à son Père, n'a point choisi beaucoup de personnes nobles, ni beaucoup de philosophes du siècle, pour propager, dans l'univers entier, l'Eglise de ses élus qu'il avait acquise par son sang, comme aussi pour l'instruire par la parole de vie, pour confondre la sagesse des sages du monde, et pour détruire tout orgueil qui s'élevait contre Dieu; mais il a fait choix des personnes du peuple, qui étaient comme la lie et le rebut des hommes, lesquels pussent s'acquitter de la fonction à laquelle il les avait prédestinés de toute éternité, non point dans la sublimité du style, ni dans les paroles d'une sagesse humaine, mais dans la simplicité et dans la vérité. Et aussi dans la suite des temps, lorsque, suivant ses décrets éternels, il a daigné visiter son peuple par ses fidèles serviteurs, souvent il a employé pour ce ministère des hommes simples et humbles, par le moyen desquels il a communiqué de grands biens à l'Eglise catholique, leur révélant ainsi, suivant ses paroles, les mystères du royaume du ciel cachés aux grands du monde, les illuminant de grâces divines si abondamment, qu'ils enrichissent

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