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ces petits tableaux qui veulent être vus de près, et que le mérite essentiel en est dans les détails, comme dans les Métamorphoses d'Ovide et dans les sonnets de Pétrarque, l'abondance du style peut s'y répandre. Il en est de même dans l'épopée, quand le sujet et l'action principale n'attachent pas assez pour exclure l'amusement d'une description détaillée : ainsi, dans son poème héroïcomique, l'Arioste s'est permis une peinture de la beauté d'Alcine, que le Tasse et Virgile n'ont pas osé ou n'ont pas daigné faire de la beauté d'Armide et de Didon.

Une sage abondance a lieu, non- seulement dans la poésie descriptive, mais dans l'expression des sentiments où l'ame se répand, dans les réflexions où elle se repose. Virgile et Racine son rival en offrent mille exemples.

C'est une précieuse abondance que celle qui, réunie avec la précision, dont on la croirait ennemie, rassemble dans le plus petit espace tous les traits d'un riche tableau, comme dans ces vers d'Horace, qu'on ne traduira jamais :

Qua pinus ingens albaque populus
Umbram hospitalem consociare amant
Ramis, et obliquo laborat

Lympha fugax trepidare rivo (1).

(1) « C'est là que le haut pin et le blanc peuplier, mariant leurs rameaux, aiment à réunir leur ombre hospitalière; c'est là qu'une onde fugitive roule avec peine ses flots tremblants dans les replis de son lit tortueux. »

Un nouveau charme de l'abondance, c'est l'air de négligence et de facilité dans celui qui prodigue les richesses du style avec celles de la pensée. Cette rare félicité, si j'ose m'exprimer ainsi, règne dans le style de La Fontaine et dans celui d'Ovide; mais l'abondance de La Fontaine est celle de la nature dans sa beauté simple, naïve et variée à l'infini; elle est d'autant plus merveilleuse, qu'elle naît de sujets que l'on croirait stériles, et qu'elle en naît sans l'effort du travail : celle d'Ovide, sans être plus pénible, tient de l'art et va jusqu'au luxe. Des différentes faces sous lesquelles Ovide présente une pensée, ou des nuances variées qu'il démêle dans un sentiment, chacune plairait, si elle était seule; mais la foule en est fatigante, et à côte de la richesse on aperçoit enfin l'épuisement.

La poésie allemande surabonde en détails dans les peintures physiques; la poésie italienne, dans l'analyse des sentiments, donne souvent dans le

même excès.

La passion donne lieu à l'abondance du style dans les moments où l'ame se détend et se soulage par des plaintes :

Les faibles déplaisirs s'amusent à parler.

Mais lorsque le cœur est saisi de douleur, enflé d'orgueil et de colère, la précision et l'énergie en sont l'expression naturelle. Il arrive cependant quelquefois que l'abondance contri

bue à l'énergie, comme dans ces vers de Didon:

Sed mihi vel tellus optem prius ima dehiscat,
Vel Pater omnipotens adigat me fulmine ad umbras,
Pallentes umbras Erebi, noctemque profundam,
Ante, Pudor, quam te violo, aut tua jura resolvo! (1)

On voit là une femme qui sent sa faiblesse, et qui, tâchant de s'affermir par un nouveau serment, le fait le plus inviolable et le plus effrayant qu'il lui est possible: ainsi, cette redondance de style,

Pallentes umbras Erebi, noctemqne profundam,

est l'expression très naturelle de la crainte qu'elle a de manquer à sa foi.

Il en est de même toutes les fois que la passion s'accroît à mesure qu'elle s'exhale, comme dans les imprécations de Didon, et de Camille dans les Horaces; comme dans les protestations que fait Achille, au 9° livre de l'Iliade, de ne jamais se laisser fléchir.

Quand le caractère de celui qui parle est austère et grave, l'expression doit être pleine, forte et précise. Fernand Cortès, à son retour du Mexique, rebuté les ministres de Philippe II, et

par

(1) « Que sous mes pas la terre entr'ouvre ses abîmes; et que d'un coup de foudre le tout-puissant, maître des Dieux, me précipite au séjour des ombres, des pâles ombres de l'Érèbe, et dans la profondeur de l'éternelle nuit, ô Pudeur, avant que je t'oublie et que je viole tes lois' »

n'ayant pu approcher de lui, se présente sur son passage et lui dit : Je m'appelle Fernand Cortès : j'ai conquis plus de terres à votre majesté qu'elle n'en a hérité de l'empereur Charles-Quint son père; et je meurs de faim. Voilà de l'éloquence.

Merville, évêque de Chartres, en demandant au feu roi quelque argent pour les pauvres de son diocèse, dans une grande cherté de grains, lui dit : Sire, vous vivez dans l'abondance, et vous ne connaissez pas la famine; mais la famine amène la peste, et la peste est pour tout le monde. C'est encore là de l'éloquence sans aucune amplification.

L'entretien de Caton et de Brutus, dans la Pharsale, serait sublime s'il n'était pas diffus. Lucain était jeune, et l'ambition d'un jeune homme est d'étonner en renchérissant sur luimême. Le comble de l'art est de s'arrêter où s'arrêterait la nature. Virgile et Racine sont des modèles de cette sobriété; Homère et Corneille n'ont pas ce mérite.

Partout où la philosophie est susceptible d'éloquence, elle permet au style une abondance ménagée. Voyez Plutarque exprimant le délire et les angoisses de l'homme superstitieux; voyez, dans l'Histoire naturelle, toutes les richesses de la langue employées à décrire la beauté du paon et la férocité du tigre.

Mais en général le style philosophique veut être plein, clair et précis. Lycurgue voulait qu'on

accoutumât les enfants, par un long silence, à avoir la répartie vive et aiguë; car, ajoute Plutarque, comme la débauche rend les hommes inféconds et stériles, l'intempérance de la langue rend de même le discours insipide et vain. Paroles simples et d'un grand poids, vivacité piquante, qui partait comme un trait, et qui allait droit au but : ce fut l'éloquence lacédémonienne.

Le genre oratoire est celui où les richesses de la pensée et du style peuvent se répandre le plus abondamment. Voyez AMPLIFICATION. Les anciens orateurs en aimaient l'excès, même dans leurs disciples. Marc Antoine disait de l'un des siens : Hunc ego (Sulpicium) quum primum, in causa parvula, adolescentulum audivi.... oratione celeri et concitata (quod erat ingeni), et verbis effervescentibus et paulo nimium redundantibus (quod erat ætatis), non sum aspernatus. Volo enim se efferat in adolescente fecunditas; nam facilius, sicut in vitibus, revocantur ea quæ sese nimium profuderunt, quam, si nihil valet materies, nova

sar menta cultura excitantur. Ita volo esse in adolescente, unde aliquid amputem; non enim potest esse in eo succus diuturnus, quod nimis celeriter est maturitatem assecutum (1).

(1) « Lorsque, pour la première fois, j'entendis ce Sulpicius, jeune encore, plaidant une petite cause, et que je remarquai dans son discours de la rapidité et de la véhémence (ce qui était de son génie), et dans les mots

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