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tout ce qui peut les décorer. Car en déguiser la bassesse et la grossièreté par toute espèce d'embellissements, c'est, pour nous faire avaler à longs traits un poison qui nous abrutisse, renouveler l'art de Circé.

:

Enfin, la sauvegarde et en même temps le fléau du goût, c'est la critique. 'mpartiale, juste et décente, rien de plus utile sans doute aussi modeste dans ses censures, que mesurée dans ses éloges, elle éclaire sans offenser. Mais passionnée, insultante, sans discernement, sans pudeur, elle fait plus qu'importuner et que rebuter les talents, elle accrédite la sottise; elle ôte au goût naturel du public sa candeur et sa rectitude; et à la place d'un sentiment naïf et juste qu'il aurait eu, s'il n'eût consulté que lui-même, il reçoit d'elle une impression fausse, qui lui altère le sens intime et lui déprave le jugement.

Mais comme le remède à ce mal est encore infaillible, lorsqu'on daignera l'employer, rien n'est désespéré pour le salut du goût et la prospérité des lettres; et si, depuis près de deux siècles, la poésie et l'éloquence semblent avoir tari les sources du génie, au moins ce règne peut-il être celui d'une raison solide et lumineuse, parée des fleurs de l'imagination, et revêtue avec décence de toutes les grâces du style.

Peut-être même y aura-t-il encore dans cette mine que l'on croit épuisée, quelques veines d'or échappées aux recherches et aux travaux

de ceux qui nous ont devancés ; et le jeune homme que la nature aura doué d'un esprit pénétrant, d'une ame active, élevée, et sensible, se souviendra de ces vers de Voltaire :

La nature est inépuisable;
Et le travail infatigable
Est un dieu qui la rajeunit.

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DE LITTÉRATURE.

y a

A

ABONDANCE. II dans le style une abondance qui en fait la richesse et la beauté; c'est une affluence de mots et de tours heureux pour exprimer les nuances des idées, des sentiments et des images.

II y a aussi une abondance vaine, qui ne fait que déguiser la stérilité de l'esprit et la disette des pensées par l'ostentation des paroles.

Soit qu'on veuille toucher ou plaire, ou même instruire simplement, l'abondance du style suppose l'abondance des sentiments et des idées que produit un sujet fécond, digne d'être développé. C'est alors que la pensée et l'expression coulent ensemble à pleine source, rerum enim copia verborum copiam gignit. (CIC.)

Dans les sujets qui demandent l'ampleur et la magnificence de l'expression, le même orateur regarde la brièveté comme un vice; mais il ap

pelle de vains sons, des paroles vides de sens, Sonitus inanis, nulla subjecta sententia.

La peine qu'on se donne pour enrichir des sujets stériles, pour agrandir de petits objets, est au moins inutile, souvent importune.

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Chapelain, qu'on a voulu donner pour un homme de goût en fait de poésie, et qui n'avait pas même l'idée de la grâce et de la beauté poétique, emploie, à décrire les charmes et la parure d'Agnès Sorel, quarante vers dans le goût de

ceux-ci :

On voit, hors des deux bouts de ses deux courtes manches,
Sortir, à découvert, deux moins longues et blanches,
Dont les doigts inégaux, mais tout ronds et menus,
Imitent l'embonpoint des bras longs et charnus.

L'art de peindre, en poésie, est l'art de toucher avec esprit; et l'abondance consiste alors à faire beaucoup avec peu, c'est-à-dire à donner à l'imagination, par quelques traits jetés légèrement, de quoi s'exercer elle-même.

Voyez, dans trois vers de Virgile, comme Vénus est peinte en chasseresse, l'arc sur l'épaule, les cheveux épars, la jambe nue jusqu'au genou, et un simple nœud relevant les plis de sa robe flottante :

Namque humeris de more habilem suspenderat arcum
Venatrix, dederatque comam diffundere ventis,

Nuda genu, nodoque sinus collecta fluentes.

Cependant, lorsque la poésie est du genre de

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