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tiquité. De la part des copistes, des caractères, des mots, des passages altérés, défigurés, omis ou transposés dans les divers manuscrits; de la part des auteurs, toutes ces figures des mots, qu'on appelle tropes, toutes ces finesses de langue et de style qui supposent un lecteur à demi instruit ; quelle confusion à démêler, après que la révolution des siècles, les changements qu'elle avait faits dans les opinions, les mœurs et les usages, et surtout ce vaste intervalle de barbarie et d'ignorance qui séparait le temps de la renaissance des lettres des temps où elles avaient fleuri, semblaient avoir coupé toute communication entre nous et l'antiquité.

Les restituteurs de la littérature ancienne n'avaient guère qu'une voie, encore très incertaine : c'était de rendre les auteurs intelligibles l'un par l'autre et à l'aide des monuments. Mais pour nous transmettre cet or antique, il a fallu périr dans les mines. Avouons-le, nous traitons cette espèce de critique avec trop de mépris, et ceux qui l'ont exercée si laborieusement pour eux et si utilement pour nous, avec trop d'ingratitude. Enrichis de leurs veilles, nous faisons gloire de posséder ce que nous voulons qu'ils aient acquis sans gloire. Il est vrai que le mérite d'une profession étant en raison de son utilité et de sa difficulté combinées, celle d'érudit a dû perdre de sa considération à mesure qu'elle est devenue plus facile et moins importante; mais il y aurait

de l'injustice à juger de ce qu'elle a été par ce qu'elle est. Les premiers laboureurs ont été mis au rang des dieux, avec bien plus de raison que ceux d'aujourd'hui ne sont mis au-dessous des autres hommes.

Cette partie de la critique comprendrait encore la vérification des calculs chronologiques, si ces calculs pouvaient se vérifier; mais il faut savoir ignorer ce qu'on ne peut connaître or il est vraisemblable que ce qui n'est pas connu dans la science des temps ne le sera jamais ; et l'esprit humain y perdra peu de chose.

Le second point de vue de la critique, est de la considérer comme un examen éclairé et un jugement équitable des productions humaines. Toutes les productions humaines peuvent être comprises sous trois chefs principaux, les sciences, les arts libéraux, et les arts mécaniques: sujet immense, que je n'ai pas la témérité de vouloir embrasser. Je me bornerai à établir quelques principes généraux, que tout homme capable de sentiment et de réflexion est en état de concevoir.

Critique dans les sciences. Les sciences se réduisent à trois points : à la démonstration des vérités anciennes, à l'ordre de leur exposition, à la découverte des nouvelles vérités.

Les vérités anciennes sont ou de fait, ou de spéculation. Les faits sont ou moraux, ou physiques. Les faits moraux composent l'histoire des

hommes, dans laquelle souvent il se mêle du physique, mais toujours relativement au moral.

Comme l'histoire sainte est révélée, il serait impie de la soumettre à l'examen de la raison ; mais il est une manière de la discuter pour le triomphe même de la foi. Comparer les textes et les concilier entre eux; rapprocher les événements des prophéties qui les annoncent; faire prévaloir l'évidence morale sur l'impossibilité physique; vaincre la répugnance de la raison par l'ascendant des témoignages; prendre la tradition dans sa source, pour la présenter dans toute sa force; exclure enfin du nombre des preuves de la vérité tout argument vague, faible, ou non concluant, espèce d'armes communes à toutes les religions, que le faux zèle emploie, et dont l'impiété se joue: tel serait l'emploi du critique dans cette partie. Plusieurs l'ont entrepris, parmi lesquels Pascal occupe la première place, pour la céder à celui qui exécutera ce qu'il n'a fait que méditer.

Dans l'histoire profane, donner plus ou moins d'autorité aux faits, suivant leur degré de possibilité, de vraisemblance, de célébrité, et suivant le poids des témoignages qui les confirment : examiner le caractère et la situation des historiens; s'ils ont été libres de dire la vérité, à portée de la connaître, en état de l'approfondir, sans intérêt de la déguiser : pénétrer après eux dans la source des événements, apprécier leurs

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conjectures, les comparer entre eux, les juger l'un par l'autre quelles fonctions pour un critique; et s'il veut s'en acquitter dignement, combien de connaissances à acquérir! Les mœurs, le naturel des peuples, leur éducation, leurs lois, leur culte, leur gouvernement, leur police, leur discipline, leurs intérêts, leurs relations, les ressorts de leur politique, leur industrie, leur commerce, leur population, leur force et leur richesse; les talents, les vertus, les vices de ceux qui les ont gouvernés ; leurs guerres au-dehors, leurs troubles domestiques, leurs révolutions, leurs succès, leurs revers, et les causes de leur prospérité et de leur décadence; enfin, tout ce qui, dans les hommes, les choses, les lieux et les temps, peut concourir à former la chaîne des événements et les vicissitudes des fortunes humaines, doit entrer dans le plan d'après lequel un savant discute l'histoire. Combien un seul trait, dans cette partie, ne demande-t-il pas souvent, pour être éclairci, de réflexions et de lumières! Qui osera décider si pour l'intérêt de Rome il était à souhaiter que Carthage fût détruite, comme le voulait Caton, ou qu'on la laissât subsister, selon l'avis de Scipion Nasica?

Les faits purement physiques composent l'histoire naturelle; et la vérité s'en démontre de deux manières, on en répétant les observations et les expériences, ou en pesant les témoignages, si l'on n'est pas à portée de les vérifier. C'est

faute d'expérience qu'on a regardé comme des fables une infinité de faits que Pline rapporte, et qui se confirment de jour en jour par les observations de nos naturalistes.

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Les anciens avaient soupçonné la pesanteur de l'air; Toricelli et Pascal l'ont démontrée. Newton avait dit La terre est aplatie; des savants sont allés vers le pôle et sous l'équateur voir si Newton avait dit vrai. Le miroir d'Archimède passait pour une fable, et nous l'avons vu reproduit; mais qui reproduira les prodiges de mécanique de ce même Archimède au siége de Syracuse, ou qui démontrera que c'étaient des fables inventées par les Romains, pour excuser aux yeux de Rome l'impuissance de leurs efforts? Voilà comme on doit critiquer les faits; mais, suivant cette méthode, les sciences auront peu de critiques. Il est facile de nier ce qu'on ne comprend pas; mais est-ce à nous de marquer les bornes des possibles, à nous qui voyons chaque jour imiter la foudre, et qui touchons peut-être au secret de la diriger ou de l'extraire des nuages; à nous qui venons d'inventer le moyen de naviguer dans l'air?

Ces exemples doivent rendre un critique bien circonspect dans ses décisions. La crédulité est le partage des ignorants; l'incrédulité décidée, celui des demi - savants; le doute méthodique, celui des sages. Dans les traditions historiques un philosophe explique ce qu'il peut, admet ce

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