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Auront leur cercle aussi-bien que les mots.
Et, mon enfant, laisse dire les sots:
Comme l'esprit, l'oreille a sa méthode.
On te dira qu'un style mutilé,
Dur, raboteux, dissonant, ampoulé,
A la nature est un chant qui ressemble;
N'en crois jamais que l'oreille et l'instinct,
Qui d'un chant pur, analogue et distinct,
A préféré la rondeur et l'ensemble.

Le grand problème et l'écueil de mon art,
C'est le motif, c'est ce coup de lumière,
Ce trait de feu, cette beauté première,
Que le génie obtient seul du hasard.
Un long travail peut donner tout le reste :
Par des calculs on aura des accords;
Avec du bruit on remuera... les corps;
Mais la pensée est comme un don céleste.
Je la réserve à mes vrais favoris;

Je te la donne, à toi que je chéris.
Un maladroit quelquefois la rencontre ;
Mais il la gâte, ou la laisse échapper.
L'esprit, le goût, l'habileté se montre
Dans le talent de la développer.
D'un dessein pur l'unité variée,
Un tour facile, élégant, arrondi,
Un essor libre et sagement hardi,
Et la nature avec l'art mariée;
Voilà le chant par les dieux applaudi.

CHOEUR. Si l'on en croit les admirateurs de l'antiquité, la tragédie a fait une perte considérable en reconçant à l'usage du choeur; mais

1o sur le théâtre ancien il était souvent déplacé ; 2o lors même qu'il y était employé le plus à propos, ses inconvénients balançaient au moins ses avantages; 3° quand même il serait vrai qu'il convenait au genre de la tragédie ancienne, il n'en serait pas moins incompatible avec le système, tout différent, de la tragédie moderne, et avec la nouvelle forme de nos théâtres.

D'abord le chœur étant devenu, d'acteur principal qu'il était sur le chariot de Thespis, un personnage subalterne, un simple confident de la scène tragique, on se fit une habitude de l'y voir; cette habitude le mit en possession du théâtre. Le choeur chantait; les Grecs voulaient de la musique : le choeur représentait le peuple; et le peuple aimait à se voir dans la confidence des grands le choeur faisait décoration; et on l'employait à remplir le vide d'un théâtre im

mense.

Rien de plus convenable, de plus touchant et de plus beau que de voir, dans la tragédie des Perses, les vieillards choisis par Xerxès pour gouverner en son absence, attendre, avec inquiétude, le succès de la bataille de Salamine; environner le courrier qui en porte la nouvelle ; interrompre par des cris de douleur le récit de ce grand désastre.

Rien de plus terrible que le chœur des Eumenides, dans la tragédie de ce nom : on dit que l'effroi qu'il causa, fut tel, que dans l'amphi

théâtre des femmes enceintes avortèrent. Depuis cet accident, le choeur, qui était composé de cinquante personnes, fut réduit à quinze, et puis à douze, moins, à la vérité, pour affaiblir l'impression du spectacle, que pour en diminuer les frais.

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Rien de plus naturel et de plus pathétique que d'entendre, dans la tragédie d'OEdipe, ce roi environné des enfants des Thébains, conduits par le grand-prêtre, ouvrir la scène par ces mots : « Infortunés enfants, tendre race de l'antique Cadmus, quel sujet de tristesse vous rassemble en ces lieux? que veulent dire ces bandelettes, ces branches, ces symboles des suppliants!.... Quelle crainte, quelle calamité, quel malheur présent ou futur vous réunit au pied des autels? Parlez, me voici prêt à vous secourir je serais insensible, si je n'étais ému d'un spectacle si touchant. >>

Et le prêtre lui répondre : « Vous voyez, grand roi, cette troupe inclinée au pied de nos autels. Voici des enfants qui se soutiennent à peine, des sacrificateurs courbés sous le poids des années, et des jeunes hommes choisis. Pour moi, je suis le grand-prêtre du souverain des dieux. Le reste du peuple, orné de couronnes, est dispersé dans la place; les uns entourent les temples de Jupiter et de Pallas, les autres sont autour des autels d'Apollon sur les bords du fleuve. La cause d'une si vive douleur ne vous est pas inconnue. Hélas!

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Thèbes, presque ensevelie dans un océan de maux, peut à peine lever la tête au-dessus des abîmes profonds qui l'environnent. Déjà la terre a vu périr les moissons naissantes et les tendres troupeaux. Les enfants expirent dans le sein de leurs mères. Un dieu ennemi, un feu dévorant, une peste cruelle ravage la ville et enlève les habitants. Le noir Pluton, enrichi de nos pertes, se rit de nos gémissements et de nos pleurs. Tournés vers les autels de votre palais, nous vous invoquons, sinon comme un dieu, du moins comme le plus grand des hommes, seul capable de soulager nos maux et d'apaiser la colère du Ciel. »

Quelquefois aussi un dialogue plus pressé du chœur avec le personnage en action était naturel et touchant, comme on le voit dans le Philoctète.

Mais s'il y a dans le théâtre grec quelques exemples de cet heureux emploi du chœur, combien de fois ne l'y voit-on pas inutile, oiseux, importun et contre toute vraisemblance? Quelle apparence que Phèdre confie sa honte aux femmes de Trézène? De quel secours est à l'innocence d'Hippolyte ce chœur de femmes, ce témoin muet, qui, le voyant condamné par son père, se contente de faire cette froide réflexion : « Qui des mortels peut-on appeler heureux, quand on voit la fortune de nos rois sujette à une si triste révolution? » Quoi de plus froid encore et de plus

à contre-temps que cette première partie du choeur qui suit la scène où Phèdre a pris la résolution de mourir?

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Que ne suis-je sur un rocher élevé, et changée en oiseau! à la faveur de mes ailes, je passerais sur la mer Adriatique et sur les rives du Pô, où les infortunées sœurs de Phaéton répandent des larmes d'ambre.

» J'irais aux riches jardins des Hespérides, nymphes dont la douce voix charme les oreilles, dans ces climats où Neptune ne laisse plus le passage libre aux nautonniers; car il a pour terme le Ciel soutenu par Atlas. Là, coulent toujours du palais de Jupiter les bienheureuses sources de l'ambroisie. Là, un terrain toujours fécond en célestes richesses produit ce qui fait la félicité des dieux. »

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Il s'agit bien de passer sur les rives du Pô, ou dans le jardin des Hespérides! Il s'agit de secourir Phèdre réduite au désespoir, ou de sauver l'innocent Hippolyte.

En pareil cas, notre vieux poète Hardi faisait dire au chœur, se parlant à lui-même.

O couards! ô chétifs ! ô lâches que nous sommes !
Indignes de tenir un rang parmi les hommes !
Endurer, spectateurs, tel opprobre commis!

Les deux grands inconvénients de l'usage continuel du choeur, dans la tragédie ancienne, étaient, l'un, d'exiger nécessairement pour le lieu de la

Élém. de Littér. 1.

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