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sions dans la manière qui lui est propre, c'est-àdire sans que l'expression nuise au chant, sans que la musique cesse d'être de la musique, pourquoi l'interdire au théâtre? Est-ce pour avoir une déclamation plus vraie, que vous renoncez aux agréments du chant? Si c'est là votre objet, vous êtes averti que la Comédie française est très bien placée aux Tuileries; qu'on y joue tous les jours les pièces des trois grands tragiques; et que c'est là qu'il faut aller, plutôt qu'à l'Opéra, pour être fortement ému.»

Depuis quelque temps on a beaucoup raisonné sur la nature du chant. Les uns ont dit que la musique était un art indisciplinable; qu'elle n'imitait que par complaisance; qu'une expression suivie et soutenue n'était pas compatible avec ses formes passagères et fugitives; que dans l'air le plus expressif, il y avait nécessairement des passages contradictoires avec l'expression dominante; et ils en ont donné pour exemple le premier verset du Stabat de Pergolèse. Les autres ont répondu qu'il était difficile, et non pas impossible, de concilier avec l'expression l'unité du dessein dans un chant régulier; que c'était là le problème de l'art résolu cent fois par le génie; et que ce premier verset du Stabat, où l'on ne trouvait des disparates que parce qu'on l'exécutait mal, était, d'un bout à l'autre, l'expression la plus sublime d'une douleur profonde, mêlée de plaintes et de sanglots. Le parti opposé au chant suivi, à

la période musicale, a prétendu que les airs italiens les plus pathétiques et dans lesquels le dessein du chant était le mieux rempli, n'étaient rien que des madrigaux. L'autre parti en a appelé aux chants de madame Todi, au ravissement que nous causaient les airs pathétiques et mélodieux qu'elle exécutait dans nos concerts; ils ont demandé si la scène d'Alexandre dans l'Inde, Poro donque mori, que le public ne s'est jamais lassé d'entendre et d'applaudir avec transport, était terminé par un madrigal; et si cet air, Se il ciel mi divide, manquait ou d'unité dans le dessein, ou d'analogie dans l'expression? ils ont demandé si l'air de l'Olimpiade, Se cherca l'amico; si l'air du Démophonte, Misero pargoletto, étaient des madrigaux en paroles? et si jamais aucun compositeur en avait fait des madrigaux en musique? On a répondu que tous ces airs-là et mille autres, n'étaient que de la musique de pupitre. On a répliqué qu'ils avaient commencé par avoir au théâtre les succès les plus éclatants. On a dit à cela que ce qui avait paru le sublime de l'expression sur les théâtres d'Italie et sur tous les théâtres de l'Europe, n'était pas digne de la scène française; qu'un chant développé ralentirait trop l'action, et que pour courir après elle, il fallait qu'il s'interrompît. A quoi l'on a répondu encore, que, si le chant devait s'interrompre, ce n'était pas la peine qu'il commençât; qu'un dessein avorté ne faisait que tromper l'oreille:

que, lorsque l'action devait courir, elle n'avait besoin que d'une déclamation courante; mais l'intérêt de l'action demandait bien souvent que que l'ame, affectée d'un sentiment, s'en occupât, et que la passion se repliât sur elle-même: que dans la tragédie l'action ne courait pas toujours; que non-seulement elle permettait, mais qu'elle exigeait, dans la scène, des développements qui en faisaient l'éloquence, et que c'était par surtout que les grands poètes se distinguaient; que ces développements, loin d'affaiblir l'intérêt de la situation, ne le rendaient que plus sensible; et qu'en retrancher les nuances et les gradations, ce ne serait pas abréger, ce serait mutiler la scène : qu'il en était de l'expression musicale comme de l'expression poésique; et qu'un sentiment développé par un beau chant, dans toutes ses nuances et dans toutes ses gradations, en devenait bien plus touchant: qu'à l'Opéra l'office du poète était d'esquisser le tableau, et que c'était au compositeur de remplir le dessein du poète : qu'ainsi le précepte d'Horace, Semper ad eventum festina, avait été mal entendu; qu'il fallait se hâter sans doute, mais quelquefois se háter lentement, laisser à l'éloquence poétique, dans la tragédie, et à l'éloquence musicale, dans l'opéra, le temps d'employer ses moyens, et ne pas regarder comme perdues pour l'intérêt les quatre ou cinq minutes où dans l'air, par exemple, Misero pargoletto, un père exprime, par

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les accents les plus sensibles de la nature, sa tendresse pour son enfant, sa douleur et son désespoir.

Cette querelle n'aurait jamais fini, si l'un des plus habiles compositeurs d'Italie ne fût venu la terminer de la seule façon dont elle pouvait l'être. Il a essayé de rendre notre opéra chantant; et ses airs, où le chant est aussi développé, aussi arrondi, aussi fidèle au rhythme et à l'unité du dessein que dans la musique italienne, ont paru, même aux oreilles françaises, des modèles d'expression. Voilà, je crois, la question décidée; et les seuls airs d'Oreste et de Pylade dans l'Iphigénie en Tauride de M. Piccini ont mieux résolu la difficulté, que cent brochures, pour et contre, n'auraient jamais pu l'éclaircir.

Vinci est regardé comme l'inventeur de la période musicale, c'est-à-dire du chant réduit à l'unité de dessein. Dans des vers faits à la louange de ce compositeur célèbre, voici la leçon qu'on a feint que Polymnie lui avait donnee, lorsqu'il était encore enfant. Je ne cite ces vers que parce qu'ils rendent plus sensible la théorie de l'art du chant.

Lorsqu'à tes yeux la rose ou l'anémone
S'épanouit; quand les dons de Pomone,
Le doux raisin, la pêche au teint vermeil,
Sont colorés aux rayons du soleil,
Tu crois jouir de la simple nature:

Apprends, mon fils, que la fleur, que le fruit

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Tient sa beauté d'une lente culture;
Que la nature a d'abord tout produit
Négligemment, comme le fruit sauvage,
Comme la fleur des champs et des buissons;
Et que plus riche, et plus belle, et plus sage,
Elle doit tout à l'heureux esclavage

Où la tient l'art, formé par ses leçons.

Oui, son disciple est devenu son maître :
En l'imitant, il sait la corriger ;

Il suit ses pas pour la mieux diriger;
Il rend meilleur tout ce qu'elle fait naître,
Et l'avertit de ne rien négliger.

Si tu veux voir la mélodie éclore,
Du laboureur écoute la chanson;
Elle ressemble au fruit de ce buisson,
A cette fleur pâle, simple, inodore,
Qui sous la faux tombe avec la moisson.
Je l'avais pris inculte à son aurore,
Ce fruit sauvage, et pour moi précieux ;
Je le cultive; il croît, il se colore:
Je le cultive; il s'embellit encore:
Le voilà mûr; il est délicieux.

Imite-moi. Sous un orme où l'on danse,
Tu vois souvent Philémon et Baucis

i

Sauter ensemble : un pas lourd, mais précis,
Marque le nombre et note la cadence.
Ce mouvement, dans les sons de la voix,
A pour
l'oreille un attrait qui l'enchante:
Dans les forêts, le sauvage qui chante,
Fidèle au rhythme, en observe les lois,
Tel est le chant, même dès sa naissance,
Et garde-toi, par l'erreur aveuglé,
De lui donner un moment de licence:

Comme un pendule il doit être réglé,

Et la mesure en est l'ame et l'essence.

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